Pourquoi la loi sur la santé de la reproduction coince

IMAM AROUN Koné (PRESIDENT DE L’ALLIANCE DES RELIGIEUX POUR LA SANTÉ INTÉGRALE ET LA PROMOTION DE LA PERSONNE HUMAINE)

‘’ Pourquoi la loi sur la santé de la reproduction coince’’

La question de l’avortement ou du moins sa légalisation fait débat actuellement en Côte d’Ivoire. C’est même l’un des points qui retarde l’avènement d’une loi sur la santé et la reproduction. L’alliance des religieux pour la santé intégrale et la promotion de la personne humaine (ARSIP) a été associée à l’élaboration de ce projet de loi. La question y est revenue. Dans cette interview, l’imam Aroun Koné de la mosquée du chu de Treichville, président de l’alliance, explique ce qui coince.

 

 

Le Patriote : En tant que guide religieux et président de l’ARSIP, êtes-vous êtes saisi par des fidèles ou membres de l’association pour des cas d’avortement ?

 Imam Aroun Koné : Nous faisons toujours allusion aux livres saints sur la question pour leur dire que l’avortement est proscrit, excepté le cas où le pronostic vital de la mère est engagé. L’avortement est comme un effet de mode qui se pra­tique secrètement dans nos com­munautés.

De plus en plus, les jeunes s’adon­nent à une sexualité précoce et à risques. Cette situation les expose à une procréation non souhaitée et donc non responsable, au risque pour certaines d’interrompre la grossesse ou d’affronter les regards accusateurs ou encore d’être confrontées à l’autorité parentale. L’avortement clandestin, s’offre alors comme une « fenêtre de sortie » pour échapper au tribu­nal des consciences et à la pesan­teur d’un état de procréation non voulu. Malheureusement, en choi­sissant de sortir par la fenêtre (en avortant), Ton peut connaître de nombreux accidents et même y perdre la vie.

Ainsi, de nombreuses filles et femmes portent les séquelles d’un avortement mal orchestré, dans le cas où elles ont pu avoir la vie sauve.

 

LP : Quelles sont les arguments qu’elles avancent ?

  IAK : Généralement, les filles arguent que la grossesse est inat­tendue ou n’a pas de père. Elles évoquent également le manque de ressources pour se nourrir à plus forte raison pour s’occuper d’une grossesse ; les études, etc. Spécifi­quement en ce qui concerne les cas communautaires où les parents demandent la caution des leaders pour approuver un avortement, c’est lorsque la grossesse survient en cours de scolarité. Il y a aussi les grossesses liées aux actes d’in­fidélité dans le couple. Mais, pour ces exemples, nous ne sommes pas d’accord avec l’avortement. Nous ne donnons notre caution que lorsque l’on doit choisir entre la vie de la mère et celle du fœtus tel que les cas de GEU (grossesse extra-utérine). Dans ce genre de cas uni­quement, nous acceptons l’avorte­ment sous autorisation médicale.

LP : Quels conseils vous leur donnez ?

IAK : Nous leur faisons voir les dan­gers de l’avortement sur le plan de la santé. Ainsi que sur le plan social et spirituel afin de les empêcher de commettre ce grand péché. Puisqu’elles ne sont plus chastes, il s’agira de leur faire éviter cette énième transgression.

 

LP : Que dit l’islam sur l’avor­tement ?

IAK : Allah a dit : « Et, sauf en droit, ne tuez point la vie qu’Allah a rendu sacrée » (Sourate 17 Verset 33). Il dit encore : « Quiconque tuerait une personne, c’est comme s’il avait tué tous les hommes » (Sourate 5 Verset 32). Notre croyance souligne le caractère sacré de la vie humaine dont le fœtus est une étape fonda­mentale. Le législateur a alors pros­crit l’avortement, au motif de la sacralité de la vie humaine. Il a tou­tefois laissé la possibilité de résoudre les cas de force majeure selon la survenance. En réalité, la sacralité de la vie humaine ne se décrète pas. C’est un fait incontour­nable. Il ne relève pas de la simple volonté de l’homme. Et seule la venue au monde d’un être humain peut influencer l’histoire de l’huma­nité. Aujourd’hui comme hier, la vie humaine est et reste sacrée. Toute mesure qui donnerait d’en croire le contraire serait une entorse délibé­rée à l’éthique et à la morale qui sous-tendent l’existence de nos communautés. C’est pourquoi, à titre préventif, nous recommandons la chasteté cl l’abstinence fondées sur les principes de l’éducation sexuelle, la socialisation du sexe et non sa vulgarisation

Lorsque la grossesse advient et si c’est un cas de rapport volontaire, la position de la religion est claire : c’est un péché et avorter est un crime. Si c’est un cas de viol, alors il y aura le choix entre garder ou faire passer la grossesse ; le délai fixé pour cela est le premier trimestre. Passé ce délai, la grossesse doit aller à son terme.

 

LP : On parle d’avortement sécurisé dans certains cas. Quels commentaires en faites-vous ?

IAM : Ce n’est pas la clandestinité ou le fait qu’il soit sécurisé qui donne à l’avortement sa légitimité ou sa légalité dans le contexte reli­gieux. C’est plutôt la conformité. Qu’est-ce que les principes disent ? Comment nos situations d’avorte­ment s’y adaptent ? Ce sont là, les questions fondamentales. Sinon qu’il soit sécurisé ou pas, s’il n’est pas conforme aux principes, l’avor­tement est un crime.

L’avortement sécurisé est celui réa­lisé par une personne compétente appliquant les méthodes recom­mandées par l’OMS en fonction de la durée de la grossesse.

L’avortement est une interruption de grossesse qui ne saurait être accep­tée par les guides religieux. L’interruption de grossesse n’est possible que si la grossesse peut mettre en péril la vie de la mère. Et cela doit être médicalement vérifié.

 

LP : La Côte d’Ivoire a en projet une loi sur la santé sexuelle et de ta reproduc­tion. Votre association a-t-elle été associée à ce projet ? Si oui quelles sont vos proposi­tions ?

IAK : L’ARSIP a été associée et elle a produit une déclaration indiquant que l’avortement, en dehors de cas autorisés par la religion et de l’avis médical, constitue une pratique condamnée par le christianisme et l’islam et qu’aucune raison ne sau­rait l’expliquer. C’est pour éviter cette pratique que nous insistons sur l’importance de la communica­tion dans le couple et la communi­cation parent-enfant. La loi sur la santé sexuelle coince parce que l’aspect de la loi sur l’avortement ne rencontre pas l’adhésion de tous et surtout celle des religieux. Nous disons aux décideurs qu’il est bien d’avoir pensé à l’élaboration d’une loi en matière de santé reproductive, mais il convient de mieux encadrer l’aspect sur l’avortement pour ne pas saper les valeurs reli­gieuses, sociales et ouvrir la boite de Pandore. Ceux-ci doivent tenir compte de l’avis des garants des valeurs sociales. Aux parents, il convient de veiller à l’éducation sexuelle de leurs enfants et surtout de leurs filles. Il faut apprendre à connaitre leur corps, les conséquences des actes sexuels et à résister aux prédateurs. Cette éducation sexuelle et cette socialisation du sexe ne doivent pas être confon­dues avec l’exposition, la vulgarisa­tion du sexe.

Une attitude responsable face au sexe, la précaution des fréquenta­tions sont des clés certaines contre toute probabilité d’avortement Et la sexualité responsable consiste à apprendre aux enfants l’abstinence et la chasteté avant le mariage.

 

 

 

Réalisée par DAO MAÏMOUNA

LE PATRIOTE N°6467 du mercredi 28 Juillet 2021; Page 11