Première journaliste américaine voilée à avoir eu les honneurs de la chaîne CBS, où elle a incarné un autre modèle féminin devant les caméras, Noor Tagouri, 25 ans, n’a cessé depuis de creuser son sillon, auréolée de ce titre de gloire qui l’a mise en pleine lumière.
Journaliste, activiste et conférencière musulmane très en vue, sa joie d’apparaître sur papier glacé, dans le dernier numéro du prestigieux magazine Vogue, cette véritable institution de la presse de mode, fut de courte durée…
C’est en présence de son mari et sous l’objectif de son smartphone que l’enthousiasme, difficile à contenir, de la jeune femme d’origine libyenne, devenue l’une des figures de proue du combat en faveur de l’intégration des journalistes voilées dans la sphère médiatique, a été sacrément refroidi, le 17 janvier dernier, dans le hall de l’aéroport JFK.
Confondue avec l’actrice pakistanaise Noor Bukhari, cette nouvelle erreur sur son identité lui a fait l’effet d’une douche glacée, la laissant d’abord sans voix, puis profondément dépitée et humiliée, au point de ne rien vouloir cacher de sa contrariété à ses 400 000 fans sur Instagram. Ce n’est donc pas sous son meilleur jour que s’est montrée Noor Tagouri sur les réseaux sociaux, désireuse de partager très largement, et sans fard, son immense déception teintée de rancœur.
« Je suis tellement navrée et dévastée. Comme si mon coeur me faisait vraiment mal. J’attendais ce reportage photo qui m’était consacré depuis des mois. Un de mes rêves de figurer dans @VogueMagazine américain devenait réalité !», s’est-elle épanchée, en déplorant vivement que cette confusion sur son identité soit loin d’être une « erreur ponctuelle ».
« Les déclarations déformées, les propos tronqués et les erreurs concernant les identités sont un problème constant si vous êtes musulman en Amérique. Et même si j’essaie de lutter contre cela de toutes mes forces, il y a des moments où, comme c’est le cas aujourd’hui, je suis tellement abattue que je n’ai plus d’énergie pour le faire », a-t-elle confié à CNN avec amertume.
Mais son accablement résigné ou sa résignation accablée, après avoir mis en émoi la cybersphère, a réussi l’exploit de provoquer un formidable regain de combativité en faveur d’une meilleure représentation des musulmans d’Amérique dans les médias. A tel point que la direction de Vogue, alertée par la colère sourde des internautes et redoutant que la caisse de résonance des réseaux sociaux ne l’amplifie, est sortie de son silence pour battre sa coulpe.
« Nous sommes sincèrement désolés pour cette erreur. Nous avons été ravis de photographier Noor Tagouri et de mettre en lumière le fruit de son travail. L’avoir mal identifiée est regrettable, c’est un faux pas douloureux », pouvait-lire dans le communiqué contrit de Vogue. Et de renchérir : « Nous comprenons également qu’il existe un problème plus large d’identification erronée dans les médias, en particulier chez les sujets non blancs. Nous veillerons à être plus scrupuleux à l’avenir ».
Un mea culpa que Noor Tagouri a accueilli sans triomphalisme, encore sous le coup de l’émotion, mais qui devrait lui permettre de recharger ses accus pour livrer d’autres batailles cruciales, sur le devant de la scène publique.