Place des Martyrs. Une des merveilleuses places d’Alger, reliée récemment au métro. En haut, la Casbah fait sentinelle, non pour guetter l’ennemi, mais pour compter ceux qui partent. En face, il y a la Méditerranée troublée plus par le désespoir du pays que par la pollution.
En descendant les marches pour prendre le métro depuis cette station, les regards attentifs tombent sur des étiquettes collées çà et là. Elles affichent des phrases qui incitent le citoyen à prier Allah, l’invoquer et Lui faire des louanges.
Ces publicités islamistes ne sont pas étrangères au pays. Dans d’autres villes d’Algérie, les affiches sont plus claires et plus attirantes, collées souvent sur les panneaux de signalisation et les poteaux de feux de circulation.
Les auteurs de ces affiches invitent le citoyen à citer davantage le nom d’Allah pour accéder au Paradis. Pour les islamistes, l’essence de l’Homme est la prière. Il est sur terre pour prier Allah, non pour vivre. La vie vient après la mort. Ceux qui travaillent et calculent le temps sur terre sont des mécréants parce que la vraie vie est ailleurs, dans l’Au-delà. Il faut donc se recroqueviller et invoquer Allah chaque instant et partout, au restaurant, au volant, au métro…Le reste du monde est une vanité.
Dans la station ou en ville, il n’y a pas des affiches qui sensibilisent l’Algérien à protéger la biodiversité, à ne pas cracher par terre, à respecter la femme…Non. Cela n’a pas d’importance. Alger est sale. Sa blancheur n’est qu’un ample mensonge tiré des cartes postales. Pour les islamistes, jeter un déchet dans la poubelle ou planter un arbre ne sont pas un passeport pour le Paradis.
Coller ces affiches islamistes est d’abord un acte de grande hypocrisie. A quoi servent des millions d’invocations affichées sauvagement dans un pays où mentir, insulter, harceler, violer, polluer, pisser dans la rue, corrompre…sont devenus des gestes simples et quotidiens que personne ne dénonce ?
Un exemple : au tramway d’Alger, il y a une dizaine d’agents qui montent et descendent dans les compartiments pour vérifier si les passagers ont vraiment acheté des tickets. Il y a des citoyens qui montent sans payer le trajet de quelques dinars. Et ni les caméras, ni les agents, ni les barrières, n’ont pu résoudre ce problème. Voilà la preuve qu’afficher le nom d’Allah dans une station de transport ne peut même pas régler un problème de quelques dinars. Alors comment construire un pays en invoquant Allah, les bras et les jambes croisés?
C’est ensuite une atteinte à l’Islam lui-même. L’Islam qui véhicule une philosophie profonde et universelle, est réduit à des invocations. Pour sauver son fils du déluge, Noé le sollicitait de monter sur l’arche, non de s’asseoir et psalmodier les noms d’Allah.
Les islamistes ne lisent pas le Coran, ils le récitent en admirant la sonorité : réciter jusqu’à rendre l’âme, le nom d’Allah figé sur la langue. Le Coran est un Texte qui s’adresse à l’Homme : il n’est pas le trésor des Barbus, mais un trésor universel que tout humain a le droit de découvrir. Le Coran invite son lecteur à lire, comme le prouve le premier mot envoyé du Ciel : « Lis ». Lire, et ne pas réciter. Lire c’est déconstruire les mots pour en trouver le sens ; réciter c’est utiliser ses yeux et son larynx sans chercher à comprendre.
Souvent, tout au long du Coran, des versets récurrents incitent le lecteur à investir son intelligence pour mieux se découvrir, découvrir l’univers, et le Créateur : « …pour ceux qui sont doués d’intelligence », « pour les gens qui réfléchissent… » (Les sourates ne sont pas précisées car ces versets sont récurrents dans le Coran). En collant des affiches, les islamistes invitent l’autre à réciter, à utiliser sa langue, et à voiler son esprit.
Enfin, c’est par de simples mots, de simples gestes que naissent les extrémismes et les guerres comme le témoigne l’Histoire. L’islamisme envahit davantage le pays. Il a déjà envenimé la rue, la télé, l’école, et prend même le métro aujourd’hui. Demain, il revendiquerait une géographie, un drapeau, et une loi à lui. L’islamisme est la nouvelle forme de la colonisation. Et toute colonisation nécessite un soleil d’indépendance.