C’est un rapport commandé à des « experts indépendants désignés par le Conseil d’Etat de la République et du canton de Genève » qui fait actuellement beaucoup de bruit, autant du côté de la Suisse qu’en France. Au-delà du cas Tariq Ramadan, le document envoyé aux conseillers d’Etat est censé traiter le « fonctionnement du département de l’Instruction publique, de la Culture et du Sport », nom donné autrefois au département de l’Instruction publique, de la Formation et de la Jeunesse.
A la suite de témoignages anonymes d’anciennes élèves de l’islamologue dans les médias, plusieurs dysfonctionnements avaient été dénoncés par les élus. Martine Brunschwig Graf, actuelle présidente de la Commission fédérale contre le racisme et qui dirigeait à l’époque le département de l’Instruction publique, avait par exemple, en novembre 2017, été accusée d’être restée inactive après plusieurs signalements concernant Tariq Ramadan. Des témoignages visaient également un autre professeur.
Une cinquantaine de témoignages
C’est donc sur la base des témoignages dans les journaux suisses de « quatre anciennes élèves du cycle d’orientation des Coudriers et du collège de Saussure, à Genève » et qui se seraient déroulés « dans les années 90 » que les experts indépendants Quynh Steiner Schmid et Michel Lachat ont enquêté. Tariq Ramadan était alors doyen et enseignant de français et de philosophie au collège De Saussure. Il ressort de ce rapport des témoignages d’anciens collaborateurs de Tariq Ramadan et d’étudiantes qui ont souhaité s’exprimer. Au total, une cinquantaine de personnes, dont quatre présumées victimes.
Concernant le cycle d’orientation des Coudriers, si les collaborateurs des années 1984 à 1988 assurent n’avoir pas été au courant de rumeurs concernant leur collègue, des élèves racontent, elles, des « avances inappropriées et intrusives », des « attouchements » ou encore des « propositions à connotation sexuelle avec au moins trois de ses élèves mineures. » Des témoignages que l’on retrouve ici et là dans la presse francophone. On apprend notamment qu’il y avait eu entre Tariq Ramadan et ses élèves un « rapprochement » et qu’il invitait ces derniers, garçons et filles, à déjeuner individuellement à tour de rôle.
Les experts prennent des pincettes
De 1988 à 2004, au collège De Saussure, les rumeurs ont été plus persistantes et les experts ont recueilli différentes sortes de témoignages : ceux d’une ancienne élève qui affirme qu’elle n’a « à aucun moment observé un comportement déplacé de la part de Tariq Ramadan » mais surtout plusieurs propos d’élèves qui affirment avoir, lors de cette période, été « victimes ou témoins de comportements inadéquats ou d’ordre sexuel » de la part du professeur.
Si « quelques plaintes concernant ses activités en lien avec l’Islam » ont été recueillies dans le dossier administratif concernant Tariq Ramadan, aucun élément « de quelque ordre que ce soit permettant de retenir à son encontre la moindre suspicion d’atteintes à l’intégrité sexuelle d’élèves » n’a été trouvé. Le rapport assure, en conclusion concernant le manque de mesures prises par les autorités, que « les prétendues rumeurs sur un comportement d’abus sexuel de la part de Tariq Ramadan sur des élèves, notamment celles fournies par l’ancienne enseignante de l’Ecole de commerce et relayées par la presse en novembre 2017, ne reposent sur aucun fondement sérieux tant elles sont colportées de manière confuse aussi bien sur la période concernée que sur leur contenu. » Autrement dit, si les témoignages doivent être pris au sérieux, le rapport ne conclut pas pour autant que le professeur suisse est coupable de ce dont on l’accuse.
Des pistes pour « redonner confiance aux élèves et à l’institution »
D’autant que le temps n’a pas aidé à obtenir des informations claires. En effet, les faits dont les témoignages accusent Tariq Ramadan datant d’un quart de siècle, les experts réclament une certaine « prudence. » En réalité, plus que de l’affaire Tariq Ramadan, il est question dans ce document de la façon dont les dirigeants des collèges ou de l’instruction publique ont traité les rumeurs concernant les accusations portées à l’encontre du professeur. Les experts font plusieurs recommandations comme améliorer « la prévention », « la règlementation des relations sexuelles entre enseignants et élèves », la mise en place d’une « structure d’écoute » ou encore « l’obligation de dénoncer une relation sexuelle entre enseignant et élève. »
Ce rapport, pour le moment confidentiel, pourrait bien prochainement être rendu public. C’est en tout cas ce que préconisent les experts qui veulent ainsi « redonner confiance aux élèves et à l’institution », mais aussi « réaffirmer clairement l’absence de toute tolérance quant aux relations sexuelles entre enseignants et élèves. »
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