Qu’est-ce que la charia ?

« Al- charia  » est un terme arabe qui veut dire littérale- ment « le chemin », plus précisément, c’est le chemin qui mène à la source. Dans le domaine de la réflexion juridique, on comprend par cette notion, l’ensemble des prescriptions cultuelles et sociales (au sens large) tirées du Coran et de la Sunna. Sur le plan du culte (ibadâte), lesdites prescriptions sont le plus souvent précises et pour l’essentiel les règles de pratique sont codifiées et fixées. Le domaine des « affaires sociales » (mu’âmalâte) est plus vaste et l’on trouve dans les deux sources un certain nombre de principes et d’orientations que les juristes (fuqahas) doivent respecter quand ils formulent les lois qui sont en prise avec leur époque et leur région. C’est bien l’ijtihâd, troisième source nominale du droit, qui va faire le lien entre l’absolu des références et la relativité de l’histoire et des lieux. Nourri à la source, et par la source, le juriste doit penser son époque avec la claire conscience du cheminement qui le sépare de l’idéal des prescriptions générales et orientées. Il devra tenir compte de la situation sociale spécifique afin de penser les étapes de sa ré- forme. Son pragmatisme doit être permanent.

La référence à la charia fait l’effet d’un épouvantail aujourd’hui. La voir appliquée, c’est commencer le dé- compte sordide des châtiments corporels, des mains coupées aux flagellations, en passant par les coups de fouet… C’est, de surcroît, la répression moraliste des hommes par laquelle ils im- posent aux femmes le « port du tchador » en même temps qu’elles se voient considérées comme des mi-

neures sur le plan légal. Nourrie par cette imagerie, la référence à la charia apparaît comme un enfermement obscurantiste, un entêtement moyenâgeux et, sans l’ombre d’un doute, fanatique. Pour le musulman, prononcer l’attestation de foi (Il n’est de dieu que Dieu et Mouhammad est son envoyé), prier cinq fois par jour, donner l’impôt social purificateur (zakât), jeûner pendant le mois de Rama- dan et faire le pèlerinage, c’est déjà appliquer la charia. Au demeurant, il serait plus exact de dire que vivre, manger, dormir et répondre à tous les besoins naturels qui sont les siens, dans le rappel de la présence du Créateur, c’est déjà appliquer la charia. Il importe d’appréhender cette notion sous cet angle et ce n’est pas là jouer sur les mots ou sur leur sens. L’homme porteur de la foi s’engage dans la concrétisation de l’orientation, de la pratique et de la législation individuelle et communautaire, privée et publique, dès lors qu’il donne à ses actions le sens de la reconnaissance du Créateur : clairement, il est sur le chemin de la source. L’application de la charia, c’est aujourd’hui la priorité donnée à l’actualisation d’un projet social fondé sur un principe de justice et de participation communautaires. C’est s’engager sur les voies de l’alphabétisation, de la formation, de la distribution des ressources, jusqu’à un meilleur aménagement du territoire. La législation doit, tout à la fois, accompagner et encourager cette dynamique et le pouvoir doit s’en porter garant à tous les échelons de la représentation politique : très explicitement, il existe entre la dictature et l’application de

la charia, une contradiction dans les termes. On ne saurait mieux dire… et espérer être entendu.

Le Coran offre donc des principes directeurs, des principes d’orientation. Ces derniers sont, par essence, absolus puisque, pour le musulman, ils proviennent du Créateur qui indique à l’homme la voie (la charia) à suivre pour respecter Ses injonctions. Ces principes sont la référence des juristes qui ont la responsabilité, en tout lieu et à toute époque, d’apporter des réponses en prise avec leur environne- ment sans trahir l’orientation première. Ainsi, il ne s’agit pas de refuser l’évolution des sociétés, le changement des modes et des mentalités, ou les diversités culturelles : bien au contraire, le musulman est mis en demeure de respecter l’ordre divin (qui a voulu le temps, l’histoire et la diversité) :

« Dieu fait sortir le vivant du mort ; Il fait sortir le mort du vivant. Il rend la vie à la terre quand elle est morte : ainsi vous fera-t-Il surgir de nouveau.

Parmi Ses signes : Il vous a créés de poussière, puis vous voici des hommes dispersés sur la terre.

Parmi Ses signes : Il a créé pour vous, tirées de vous, des épouses afin que vous reposiez auprès d’elles, et Il a établi l’amour et la bonté entre vous. Il y a vraiment là des signes pour un peuple qui réfléchit.

Parmi Ses signes : la créa- tion des cieux et de la terre ; la diversité de vos langues et de vos couleurs. Il y a là vraiment des signes pour ceux qui savent. » Coran 30/19-22

Imam Méité AL Imam