Qui est Kamala Harris, sénatrice démocrate symbole du « rêve américain »?

Armée de son passé de procureure déterminée et d’une histoire familiale digne du meilleur « rêve américain », la sénatrice ambitionne de devenir la première présidente noire des Etats-Unis.

Propulsée sous les projecteurs par sa performance remarquée durant le débat entre candidats démocrates, la sénatrice Kamala Harris ambitionne de devenir la première présidente noire des Etats-Unis.

« Ma mère me disait souvent: Kamala, tu seras peut-être la première à accomplir de nombreuses choses. Assure-toi de ne pas être la dernière », aime répéter la sénatrice âgée de 54 ans devant ses supporteurs.

Kamala Harris a grandi à Oakland, dans la Californie progressiste des années 1960, fière de la lutte pour les droits civiques de ses parents immigrés: un père jamaïcain professeur d’économie, et une mère indienne aujourd’hui décédée, chercheuse spécialiste du cancer du sein.

Bien placée pour « mener le réquisitoire » contre Trump

Visiblement bien préparée pour le débat démocrate jeudi, elle a mis en avant son histoire personnelle pour se dire blessée par les déclarations de l’ancien vice-président Joe Biden sur ses échanges « courtois » avec des sénateurs ségrégationnistes, il y a des années. Puiselle l’a mis en difficulté en révélant, dans un moment chargé d’émotion, qu’elle allait enfant à l’école dans l’un des bus chargés d’amener, après des décennies de ségrégation, les écoliers noirs dans les quartiers blancs. Elle l’a accusé d’avoir été contre ce service public, ce qu’il dément.

Sa sortie contre le favori des sondages a marqué le débat le plus regardé de l’histoire des primaires démocrates. Et elle l’a ancrée parmi les prétendants sérieux à la Maison Blanche, après plusieurs mois passés en deuxième plan, en dépit d’un lancement de campagne en fanfare en début d’année. Son équipe insiste sur son passé de procureure pour la présenter en candidate la mieux placée pour « mener le réquisitoire » contre Donald Trump, et battre le républicain à la présidentielle de novembre 2020.

Noire, quinqua: « parfaite »

Depuis les débuts de sa carrière, Kamala Harris accumule les titres de pionnière. Après deux mandats de procureure à San Francisco (2004-2011), elle a été élue, deux fois, procureure de Californie (2011-2017), devenant alors la première femme, mais aussi la première personne noire, à diriger les services judiciaires de l’Etat le plus peuplé du pays. Puis en janvier 2017, elle a prêté serment au Sénat à Washington, s’inscrivant comme la première femme originaire d’Asie du Sud et seulement la seconde sénatrice noire dans l’histoire américaine.

Grâce à son expérience dans les branches judiciaire, exécutive et législative, « Harris est parfaite », déclarait récemment Marguerite Willis, une avocate venue la voir à Columbia, capitale de la Caroline du Sud.

« Elle n’est pas trop âgée (……) et c’est une femme noire, ce que je trouve très important en ce moment » où le racisme augmente sous la présidence Trump, selon cette femme blanche, ex-candidate démocrate au poste de gouverneur de cet Etat du sud-est. « Et puis, Mme Harris est une femme, une femme qui sait ce qu’elle veut et comment l’obtenir. »

Elle attendait la sénatrice venue rencontrer quelques dizaines d’électrices dans les jardins d’une belle demeure coloniale. Dans le public, plusieurs femmes étaient fières de souligner qu’elles appartenaient à la même association d’étudiantes noires (Alpha Kappa Alpha) que Kamala Harris, ancienne élève de l’université Howard fondée à Washington pour accueillir les étudiants noirs en pleine ségrégation.

« Un espoir »

Mariée depuis août 2014 à un avocat père de deux enfants, Kamala Harris a parlé de son histoire familiale et répondu à quelques questions sous le regard de sa soeur Maya, ancienne de la campagne de Hillary Clinton en 2016. Mais si elle a lâché plusieurs éclats de rire contagieux, la quinquagénaire était alors apparue plutôt distante dans cet échange rapproché avec ses supportrices, peut-être perturbée par la chaleur étouffante de ce début d’été.

Ce contraste entre image chaleureuse et une certaine rigidité transparaît aussi au Sénat, où elle s’est fait connaître pour ses interrogatoires serrés, au ton parfois glaçant, lors d’auditions sous haute tension comme celle du candidat conservateur controversé à la Cour suprême Brett Kavanaugh, en 2018. Mais ses supporteurs y voient un signe de sa grande détermination.

« Elle s’empare du porte-voix à chaque fois qu’elle le peut » pour défendre, notamment, un système judiciaire plus juste pour les Noirs, confiait, à Columbia, Deitra Matthews, 41 ans.

Pour cette femme de militaire qui suit sa trajectoire depuis le début des années 2010, Kamala Harris représente « un espoir ». « Je dois admettre que je n’ai pas été aussi emballée par un candidat depuis 2007 », avant l’élection du démocrate Barack Obama.