Rapport sur la nutrition mondiale : malgré l’inquiétant cas africain, l’espoir est permis

La cinquième édition du rapport sur la nutrition mondiale rendue publique ce jeudi livre des informations inquiétantes sur le cas africain. Malgré les avancées sur le plan mondial sur divers aspects de la malnutrition, en Afrique le mal ne cesse de s’enraciner devenant de plus en plus grave. Mais aujourd’hui, il y a de quoi garder l’espoir, alors que plus que jamais les pays disposent des moyens notamment les données nécessaires, pour éradiquer ce fléau.

« L’Afrique est de loin la région la plus durement touchée par des formes cumulées de malnutrition. Sur les 41 pays luttant contre trois aspects de la malnutrition – le retard de croissance chez les enfants, l’anémie chez les femmes en âge de procréer et le surpoids chez les femmes – 30 se trouvent en Afrique, soit 73 % », note-t-on dans un communiqué transmis à la presse présentant le Rapport sur la nutrition 2018. Réalisé par un groupe d’experts indépendants avec le concours des instances internationales impliquées dans les questions de la nutrition, le rapport qui présente de nouvelles données qui décrivent le fléau de la malnutrition, permet de voir que malgré les évolutions enregistrées sur le plan mondial en matière de nutrition, le continent africain présente un visage de plus en plus inquiétant.

« À l’échelle de la planète, le retard de croissance chez les enfants âgés de moins de 5 ans a chuté́ de 32,6 % en 2000 à 22,2 % en 2017 », annonce premièrement le rapport. « Malgré́ ce recul mondial, les chiffres augmentent en Afrique. Bien que la prévalence du retard de croissance ait décliné sur le continent, le nombre d’enfants souffrant de cette pathologie, porté par la croissance démographique, a régulièrement augmenté, passant de 50,6 millions en 2000 à 58,7 millions en 2017 », a ensuite déploré le document.

En Afrique, on note une hausse générale du surpoids et de l’obésité peut-être en rapport avec une hausse importante de la consommation de produits alimentaires industriels. Selon le rapport, aucun des 54 pays africains n’est sur la bonne voie pour atteindre 5 des 9 objectifs fixés en matière de lutte contre la malnutrition analysés. La situation est encore plus inquiétante d’autant plus que, si aucune augmentation n’a été enregistrée concernant les enfants de moins de 5 ans, les taux de surpoids et d’obésité chez ceux âgés de 5 à 19 ans ont augmenté chez les filles comme les garçons.

De belles initiatives sur le continent pour relever le défi

Mais tout n’est pas si sombre en Afrique. Conscients de la gravité de la situation, certains dirigeants africains ont rapidement pris des mesures afin d’endiguer l’évolution de la malnutrition. Des initiatives que le Rapport sur la nutrition 2018 (RN 2018, ndlr) a également examinées.

C’est le cas de la Tanzanie ou de l’Ethiopie par exemple. La première a adopté́ un large éventail d’objectifs stratégiques (sept en tout), comprenant notamment le retard de croissance, l’anémie et l’insuffisance pondérale à la naissance. Ces objectifs s’inscrivent dans le cadre du Plan d’action national multisectoriel pour la nutrition 2016-2021, lequel vise à alléger le « fardeau multiforme » de la malnutrition. L’Objectif global de ce plan gouvernemental qui appelle les acteurs de l’ensemble des secteurs à agir au plus vite, indique-t-on, est « d’accroitre les interventions à forte incidence auprès des populations les plus vulnérables, notamment les enfants âgés de moins de 5 ans, les adolescentes et les femmes enceintes ou allaitantes ». Dans le cas de l’Ethiopie, les autorités ont pris un engagement ferme pour mettre fin à la sous-alimentation des enfants d’ici à 2030. Sur ce plan, assure-t-on dans le rapport, des progrès ont été enregistrés à travers la mise sur pied de la politique nationale relative à l’alimentation et à la nutrition. Même si beaucoup reste encore à faire, « entre 2000 et 2016, le taux de retard de croissance chez les enfants a chuté́ de près d’un tiers ».

Malheureusement, malgré la détermination et les efforts multiples, ces avancées sont insuffisantes. Pire, selon les experts, il faut se rendre à l’évidence que les statistiques nationales sont insuffisantes pour saisir l’ampleur de la tâche à accomplir pour mettre fin à la malnutrition. D’où la nécessité d’avoir de nouvelles données. Le Rapport sur la nutrition mondiale 2018 trouve ainsi tout son sens.

De nouvelles données pour vaincre le fléau

« Les nouvelles données changent la donne et peuvent conduire à des actions plus efficaces », souligne le rapport qui cite les résultats d’une analyse géospatiale exhaustive relative aux troubles de la croissance chez l’enfant, couvrant le retard de croissance, l’émaciation et l’insuffisance pondérale, réalisée dans 51 pays africains entre 2000 et 2015. Grâce à cette analyse, on sait que de nombreuses localités ne sont pas sur la bonne voie, et que si les tendances actuelles perdurent, aucun pays africain n’a de chances de réaliser l’ensemble des objectifs mondiaux de l’OMS en matière de nutrition sur l’intégralité́ de son territoire. Ainsi, grâce aux nouvelles données, « bien que nous soyons loin de nos objectifs, la possibilité́ d’éliminer la malnutrition n’a jamais été́ aussi grande », rappelle le rapport.

« Partout dans le monde, la malnutrition retarde le développement humain et coûte des milliards de dollars chaque année, mais nous sommes désormais en mesure de la combattre. Entre des dispositions telles que les taxes sur le sucre et les nouvelles données nous permettant de comprendre ce que mangent les individus et de quelle manière nous pouvons mieux cibler les interventions, la communauté́ mondiale a aujourd’hui toutes les clés en main pour y parvenir », a commenté Dr. Jessica Fanzo, Coprésidente du Report et Professeure associée à l’université Johns Hopkins.

Le RN 2018, un précieux outil de travail

Pour beaucoup de spécialistes, le RN 2018 va grandement contribuer à ce combat contre la malnutrition en Afrique et dans le monde.

« Le Rapport sur la nutrition mondiale 2018 propose des mesures de long-terme qui permettront de renforcer notre capacité́ à fournir aux enfants une alimentation riche sur le plan nutritionnel, sûre, abordable et durable. Ce changement de paradigme, qui consiste à mettre en place des systèmes alimentaires qui contribuent à prévenir la malnutrition sous toutes ses formes, sera essentiel pour la croissance et le développement des enfants, des économies nationales et des nations », a déclaré Henrietta H Fore, la Directrice Générale du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).

Approfondissant, le directeur exécutif du Programme alimentaire mondiale (PAM), David Beasley, a indiqué lui que « derrière ces tableaux et ces graphiques (dans le RN 2018, ndlr), il est question de possibilité́ : possibilité que davantage de bébés puissent fêter leur premier anniversaire, que les enfants puissent réaliser leur potentiel à l’école et que les adultes puissent mener une vie saine et productive – une question qui repose sur une bonne nutrition ».

Le Rapport a énuméré un certain nombre de mesures indispensables à prendre afin d’atteindre les objectifs fixés. Il s’agira, de casser les barrières actuelles afin de lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes, de prioriser et d’investir dans les données pour identifier les domaines d’action déterminants, d’accroître et diversifier le financement des programmes de nutrition, de prendre des mesures immédiates en faveur d’une alimentation saine, qu’il convient de rendre abordable partout dans le monde et de mettre en œuvre des engagements plus ambitieux, conçus pour avoir un impact.

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