RECONCILIATION NATIONALE : QUELLE TREVE ENTRE ADO ET L’EGLISE CATHOLIQUE ? (Suite et fin)

 

Bien entendu la tentation est forte pour certains ecclésiastiques de rêver à une révolution guidée par des prélats comme en Pologne, aux Philippines ou à des marches de protestation comme en Espagne ou en Italie. Cette démarche et cet activisme politico-religieux ne correspondent ni à la culture ivoirienne, ni au format de la composante démographique de la Côte d’Ivoire. D’où le projet avorté de marche de l’Eglise Catholique qui avait été programmé en février 2020 et à laquelle toute l’opposition ivoirienne avait promis de participer activement. Enfin dans les pays où l’Eglise Catholique a pu infléchir le cours de l’histoire, ce sont des pays à majorité chrétienne écrasante. Tel n’est pas le cas en Côte d’Ivoire. D’où la nécessaire modération au niveau de la liberté d’expression tant au niveau de la hiérarchie Catholique que de toutes les autres obédiences religieuses de Côte d’Ivoire.

C’est à ce prix et à ce prix seulement que la réconciliation entre le président Alassane OUATTARA et l’Eglise Catholique de Côte d’Ivoire sera une réalité et une réalité bénéfique pour la paix et la coexistence religieuse. D’autant plus que Alassane OUATTARA a régulièrement été à l’écoute de la hiérarchie catholique chaque fois qu’il a été sollicité.

Et ce n’est pas par hasard qu’Alassane a choisi pour la problématique de la réconciliation en Côte d’Ivoire dont parle tant la hiérarchie catholique dans ses homélies, Mgr. Paul Siméon AHOUANAN, comme Président de la Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes (CONARIV). Cependant, en réponse à cette initiative du Président de la République, voici la réaction cinglante de la conférence Episcopale : « les archevêques et évêques de Côte d’Ivoire tiennent à informer les membres du clergé, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs qu’ils n’ont pas été associés ni de près ni de loin par leur confrère à cet engagement. Ils ne sont pas comptables des actes qu’il posera dans l’exercice de sa nouvelle charge à la tête de la CONARIV ». Et pourtant, lors d’un échange entre le Président Alassane et les guides religieux, Monseigneur Alexis Touably YOULO, évêque d’Agboville, avait sollicité un appui du Gouvernement pour permettre aux hommes de DIEU de jouer pleinement leur rôle dans la promotion de la paix dans notre pays. En réponse, le Président Alassane a indiqué avoir pris bonne note de chacune des recommandations des hommes de DIEU pour le renforcement du processus de réconciliation nationale.

Enfin, Malgré cette bonne disposition d’Alassane OUATTARA à l’égard de l’Eglise Catholique, la hiérarchie Catholique avait annoncé une marche pour le 15 février 2020, tout en posant les cinq conditions suivantes pour les élections apaisées selon elle :

  1. La libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion sans exception ;
  2. Le dégel des avoirs ;
  3. La concertation et le consensus pour prendre en compte les exigences et les aspirations légitimes de tous les acteurs politiques et les avis éclairés de la communauté internationale ;
  4. L’instauration et la consolidation de l’Etat de droit qui implique le respect de la constitution, afin que personne ne nourrisse l’intention ou la volonté de manipuler les personnes, ni les institutions qui seront impliqués dans le processus électoral ;
  5. L’indépendance de la CEI est celle d’une élection présidentielle ouverte, qui garantisse l’égalité des chances de tous les candidats désireux de compétir.

Presque mot pour mot, les revendications de l’opposition. Et Bien avant, en 1995 et en 2010, Monseigneur AGRE ex archevêque d’Abidjan avait pris faits et causes pour respectivement BEDIE et Laurent GBAGBO contre Alassane OUATTARA. Tout en jouant parallèlement au médiateur entre Laurent GBAGBO et Robert GUEI au moment de la crise poste électorale de 2000. Cependant, dans la crise post- électorale de 2010, il prend position pour GBAGBO contre Alassane encore en déclarant à Notre Voie le au 28 décembre 2010 : « une fois que le Conseil Constitutionnel décide, il faut suivre l’ordre ». Tout en ignorant que pour les élections de 2010, les acteurs politiques avaient décidé que seul le certificateur international aurait le droit exclusif de valider les résultats de l’élection présidentielle. Dix ans plus tard, l’Eglise Catholique remet en cause les décisions du Conseil Constitutionnel et dans les mêmes termes que la plateforme de l’opposition qui a appelé au boycott actif des opérations électorales du 31 octobre 2020. Cependant, il faut reconnaitre et souligner que certains dignitaires se sont particulièrement distingués par leurs démarches susceptibles de favoriser un dialogue fécond entre Alassane Ouattara et la hiérarchie catholique.

On pourrait citer entre autre, l’évêque d’Agboville, Mgr Alexis Touably, qui alors que le Cardinal d’Abidjan Monseigneur KUTWA s’alarmait, à plutôt utilisé un ton apaisant à la veille de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 »

« Je lance un appel à tous pour un scrutin apaisé et qu’au soir du 31 octobre, la victoire de celui qui sera élu soit reconnue. La Côte d’Ivoire ne sombrera pas, car c’est un pays béni. Les ivoiriens sont bon de nature »

En un mot comme en cent, entre le Président Alassane OUATTARA et l’Eglise Catholique la réconciliation est possible. Car leurs divergence n’a pas un fondement religieux ouvertement exprimé. Elle apparaît donc fondamentalement politique. Or en politique, on ne dit jamais ‘‘ Jamais’’.

Wait and see !

Par Alex Brou Comoé