Crise économique, crise politique et crise sécuritaire. Rio de Janeiro n’est plus tout à fait l’attraction des touristes internationaux. Pourtant, l’ancienne capitale du Brésil avait fait la Une du monde entier pendant la Coupe du monde 2014 de football, et les Jeux olympiques de 2016.
Lâchez le nom de Rio de Janeiro, votre interlocuteur aura des étoiles dans les yeux et vous citera d’emblée la célèbre plage de Copacabana, où évoquera le Christ rédempteur en haut du mont du Corcovado. Là, pendant le Mondial de football en 2014 et les Jeux olympiques en 2016, ils étaient des milliers à venir immortaliser leur passage avec un selfie.
La « cité merveilleuse » en proie à la corruption et à la violence
Deux années après avoir reçu le monde entier pour les premiers JO sur le continent sud-américain, Rio de Janeiro, ancienne capitale du Brésil jusqu’en 1960, n’a pas seulement vu l’abandon et la décrépitude gagner un à un tous ses sites olympiques. La deuxième plus grande ville du Brésil après São Paulo est désormais confrontée à une crise majeure au niveau du tourisme.
L’Association brésilienne de l’industrie hôtelière a dénombré pas moins de 16 hôtels qui ont fermé leurs portes depuis la fin des Jeux d’été en 2016. Le Mercure de Barra, proche du Parc olympique, a mis la clef sous la porte début août.
La « cité merveilleuse » louée pour ses paysages classés au Patrimoine mondial de l’humanité est en proie à la crise économique et à la violence – les causes principales de la défection des touristes. Si, en 2016, la sécurité pendant l’organisation des Jeux olympiques avait été assurée par les forces armées (85 000 personnes réquisitionnées), aujourd’hui, la donne a changé. Les gangs sont revenus dans les favelas qui avaient été alors pacifiées.
La Brésilienne Rafaela Silva, née dans une favela, avait été championne olympique de judo à Rio.REUTERS/Kai Pfaffenbach
Victimes de balles perdues
Exemple : début août, une vaste opération militaro-policière contre les milieux de la drogue dans plusieurs quartiers de Rio a fait au moins treize morts. Les autorités avaient mobilisé 4 200 soldats. Objectif : nettoyer les favelas d’Alemão et de Penha, dans la violente Zone Nord de la ville. Une zone contrôlée par des trafiquants de drogue lourdement armés, ainsi que la ville voisine de Niteroi.
Les victimes de balles perdues sont devenues régulières à Rio. Les violents combats entre soldats, policiers et trafiquants de drogue n’ont cessé d’augmenter ces derniers mois. En 2017, 6 731 personnes ont été assassinées à Rio. L’impression de tranquillité durant les JO n’était-elle qu’une illusion ?
Chute de l’industrie hôtelière
Si en 2017, le taux d’occupation des hôtels situés le long des principales plages de Rio ne dépassait pas les 64% (janvier), en 2012, deux années avant le Mondial, il avait atteint les 82% selon les chiffres de l’Association brésilienne des industries hôtelières de Rio. Une stabilité constatée aussi en janvier 2014 (80%).
Dans une nouvelle étude, la Confédération nationale du commerce de biens, services et tourisme montre que la criminalité à Rio a provoqué la chute de 657 millions de reais (environ 139 millions d’euros) dans les recettes touristiques de la ville entre janvier et août 2017. Le montant équivaut à 29% de la perte totale des recettes du secteur (2,291 milliards de reais, soit environ 487 millions d’euros). La flambée de la violence pousse de plus en plus de Cariocas à rester chez eux. Ce qui n’a pas empêché le Carnaval de 2018 d’attirer 1,5 million de touristes, Brésiliens et étrangers.
Instabilité politique au mauvais moment
La plupart du temps, les retombés sur l’impact touristique après un évènement comme les JO se mesure plusieurs mois après, voire l’année suivante. Mais la ville doit continuer à organiser d’autres compétitions pour rester dans la lumière. Après Londres 2012, la capitale britannique a par exemple reçu 25 compétitions internationales au cours des cinq années suivantes. Jusqu’aux Mondiaux d’athlétisme en 2017 dans le stade olympique.
Les Jeux de Barcelone en 1992 ont été pour la ville espagnole un vrai gouffre financier. Mais Xavier Trias (maire entre 2011 et 2015), avait estimé en 2012 que l’événement avait « totalement transformé » sa ville. La capitale catalane a su réutiliser la plupart des installations olympiques en accueillant régulièrement des manifestations sportives. Pourtant, le gouvernement espagnol s’était retrouvé endetté à hauteur de 4 milliards de dollars, et les autorités municipales et régionales à hauteur de 2,1 milliards de dollars, selon une enquête du Fonds monétaire international (FMI).
Du côté de Rio, si pendant les Jeux 2016, son Etat avait enregistré un record avec l’arrivée de 572 961 visiteurs, l’instabilité politique qui a suivi avec la destitution de Dilma Roussef en août 2016 et la crise économique n’ont pas arrangé les affaires de la ville. Après la fête olympique, il n’y a pas eu la moindre campagne pour continuer à promouvoir Rio aux yeux du monde. Pour d’autres raisons, Athènes 2004 a vécu le même sort.
La cérémonie de clôture des JO 2016.REUTERS/Vasily Fedosenko
L’Etat de Rio classé en « calamité financière » depuis 2016
Pourtant, au moment du deuxième mandat de Lula (2006-2010), Rio avait bénéficié d’investissement public fort, consenti par le gouvernement fédéral. La ville devait aussi profiter de la croissance due notamment au secteur pétrolier. En juin 2008, le baril se négociait à 150 dollars. Si la dernière flambée date de juin 2014 (112 euros), le baril ne valait plus que 30 dollars en janvier 2016, année des JO.
La carte postale de Rio est largement écornée et le revers de la médaille pas très reluisant. Il y a un an, on estimait que l’Etat de Rio – classé en « calamité financière » depuis 2016 – était endetté à hauteur de 5 milliards d’euros.
Au-delà de Rio, cette violence qui touche tout le pays est devenue l’un des enjeux de l’élection présidentielle d’octobre prochain. Jair Bolsonaro, député fédéral de Rio de Janeiro, candidat aux présidentielles pour le Parti social-libéral (extrême-droite), qui a toutes les chances d’accéder au second tour, veut combattre la violence en proposant un assouplissement du port d’armes, pour les « bons citoyens ». Au Brésil, l’an dernier, le nombre d’homicides s’élèvait à près de 64 000 homicides.
Lorsque l’organisation des Jeux fut attribuée à Rio de Janeiro, en octobre 2009, des milliers de Cariocas en liesse avaient fêté l’évènement sur les plages de la ville. Un temps désormais révolu.
RFI