2,5 milliards d’individus. C’est le nombre d’Africains qui vivront sur le continent d’ici à 2050. Alors que le continent noir est vu comme le continent de l’avenir, avec des taux de croissance économique qui devraient exploser dans les prochaines années, les experts et les décideurs politiques vont devoir résoudre le gigantesque problème des transports.
Un réseau routier encore peu développé
D’après la Banque mondiale, l’absence d’infrastructures de qualité, notamment dans le domaine du transport « ralentit la croissance des pays de 2 % et limite la productivité des entreprises jusqu’à 40 % ». Les routes africaines, qui constituent la principale voie de transport sur le continent, sont les premières à être touchées par cette situation.
En effet les statistiques traduisent toutes la faiblesse du réseau routier africain, non seulement à l’intérieur des pays mais également entre eux.
Dès les années 60, les nouveaux Etats africains indépendants ont affiché une ferme volonté d’accélérer leur intégration à travers la mise en place de réseaux routiers. Cependant 58 ans après, force est de constater que les objectifs fixés dans le cadre des projets d’intégration via les infrastructures routières, nourries par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de l’époque, n’ont pas été atteints.
L’Afrique, c’est 2% du parc automobile mondial, mais 24% des victimes de la route.
Aujourd’hui le continent africain est celui ayant la densité de réseaux routier la plus faible au monde. Selon un rapport du cabinet Infothep, cette densité s’élevait en 2013 à 7 km de route pour 100 km2 derrière l’Amérique latine (18 km) et l’Asie (18 km). De plus, seuls 28% de ces routes étaient bitumées, traduisant ainsi leur faible niveau de qualité et la difficulté de leur utilisation.
Selon un rapport du cabinet Infothep, cette densité s’élevait en 2013 à 7 km de route pour 100 km2 derrière l’Amérique latine (18 km) et l’Asie (18 km). De plus, seuls 28% de ces routes étaient bitumées.
D’un point de vue économique, cette mauvaise qualité des routes africaines, représentent un coût énorme, non seulement pour les particuliers, mais pour les Etats également. Le coût du transport sur le continent est en effet l’un des plus élevés au monde. En 2016, le cabinet Infothep indiquait que « le transport d’un conteneur entre Kampala (Ouganda) et Mombasa au Kenya peut prendre deux fois plus de temps et d’argent que le transporter de Londres à Mombasa ». Cela affecte la croissance des pays, et limite leur attractivité par rapport aux entreprises étrangères, qui risquent de voir leur productivité chuter, et leurs coûts de production augmenter.
« Le transport d’un conteneur entre Kampala (Ouganda) et Mombasa au Kenya peut prendre deux fois plus de temps et d’argent que le transporter de Londres à Mombasa ».
En comparant les situations entre les régions du continent, on note une assez grande différence entre les pays d’Afrique du Nord et ceux d’Afrique subsaharienne.
Cette situation est grandement imputable au fait que la plupart des premiers dirigeants africains se sont contentés des réseaux routiers mis en place par les colons, et qui ne servaient pour la plupart qu’à acheminer les matières premières vers les ports, à destination de l’Europe.
L’absence d’un mécanisme de gestion et de financement des infrastructures routières, ainsi que la désarticulation des systèmes de transport (prédominance du transport urbain par rapport au rural) a par ailleurs augmenté les impacts environnementaux liés au transport routier sur le continent. A titre illustratif, l’OMS indiquait en 2016 que 24,1% des victimes d’accidents de la route (soit 300 000 personnes) vivaient sur le continent africain.
Chaque année, tous ces accidents routiers coûteraient 7,3 milliards $ au continent. Et lorsqu’on se réfère la densité du réseau routier, et du parc automobile du continent (seulement 2% du total mondial en 2016), on se rend bien vite compte du caractère disproportionné de ces statistiques.
Les trains : un moyen de transport longtemps délaissé
Le réseau de chemins de fer en Afrique est à ce jour le plus vieillissant au monde. Et pour cause, la majeure partie du réseau ferroviaire du continent, surtout dans les pays au sud du Sahara, date de la période coloniale, et n’a presque pas été renouvelé ou étendu.
Avec 51 000 km de rails opérationnels, le continent africain ne compte que pour seulement 5% du réseau de chemins de fer mondial. En matière de transport de marchandises, cette proportion tourne autour de 7% mais retombe drastiquement à 2% quant au transport de passagers.
Avec 51 000 km de rails opérationnels, le continent africain ne compte que pour seulement 5% du réseau de chemins de fer mondial.
Et encore une fois à ce niveau, on observe une prédominance des pays d’Afrique du nord sur leurs homologues plus au sud. Alors que 4 des cinq principales lignes du continent africain sont situés dans le Maghreb, on constate que cette région absorbe à elle seule 85% du marché continental du transport ferroviaire.
En plus de faire perdre aux pays des sources de revenus conséquentes, tirés de l’exploitation des lignes ferroviaires, la quasi-inexistence de réseaux de chemins de fer en Afrique réduit le potentiel d’échanges commerciaux interrégionaux et interétatiques.
Le continent africain compte pour 5% du réseau de chemins de fer mondial.
Selon un rapport du cabinet Infhotep datant de 2016, plus d’une quinzaine de pays ne disposent pas de voies ferrées.
Hormis l’Afrique australe, (où l’Afrique du Sud constitue l’une des rares exceptions d’Afrique noire), on note que les seules voies ferrées de certains pays d’Afrique noire sont très peu interconnectés, et sont souvent en lignes isolées. Et d’ailleurs ces lignes sont très souvent peu ou pas entretenues, conduisant le plus souvent à leur fermeture. Cela a par exemple été le cas du Sénégal où il ne reste plus qu’une seule ligne à passagers, vestige de l’époque coloniale.
Enfin, on note également que certains projets ambitieux de réalisation de chemins de fer transnationaux peinent à démarrer, soit en raison d’un manque de financement, soit en raison de conflits d’intérêts. L’exemple le plus illustratif à ce sujet, est celui du projet boucle ferroviaire, devant relier les villes d’Abidjan, Ouagadougou, Niamey et Cotonou, mais dont les travaux ont été suspendus suite au conflit juridique entre l’Etat béninois, le groupe Bolloré et le groupe Petrolin du béninois Samuel-Dossou Aworet.
Un secteur aérien embryonnaire
Malgré le boom soutenu de l’industrie touristique en Afrique, le secteur aérien du continent est encore très peu développé. D’après les statistiques, le continent ne compte que pour 3% du trafic aérien mondial. Un chiffre très faible lorsqu’on prend en compte l’énorme population du continent (environ 17% de la population mondiale) ainsi que la dynamique des migrations intra-africaines.
Plus de 80% du trafic aérien du continent est assuré par des compagnies non-africaines.
Plus de 80% du trafic aérien du continent est assuré par des compagnies non-africaines. Mis à part le géant est-africain Ethiopian Airlines, la plupart des compagnies nationales du continent ne disposent pas d’une assez grande flotte pour faire face à la concurrence, ou sont dans l’incapacité de relancer leurs opérations après plusieurs années de déficits.
Ethiopian, l’exception africaine
La faiblesse des politiques publiques en la matière constitue également l’une des principales causes de ce phénomène. Même si le secteur génère déjà 8 millions d’emplois sur le continent africain, l’écart entre les potentialités qu’offre l’environnement économique et démographique de l’Afrique, et les réalités sur le terrain, montre qu’il existe un énorme manque à gagner pour les économies africaines.
L’exception du secteur du transport maritime
S’il existe en Afrique, un secteur qui se porte mieux que les autres dans le domaine du transport, c’est sûrement celui du transport maritime. Cela peut s’expliquer entre autres, par le fait qu’historiquement, ce secteur est le premier à s’être développé sur le continent.
Le port de Lomé
Au fil des années, les Etats africains (en commençant par ceux de l’ouest) ont modernisé leurs infrastructures portuaires, tandis que d’autres ont commencé à voir le jour. L’essor de la demande asiatique en matières premières, et l’augmentation des échanges sud-sud, a favorisé la croissance du secteur du transport maritime dans les pays africains.
Selon la Banque Africaine de Développement (BAD) l’activité portuaire en Afrique continentale « pourrait dépasser, en 2040, les 2 milliards de tonnes ».
Selon la Banque Africaine de Développement (BAD) l’activité portuaire en Afrique continentale « pourrait dépasser, en 2040, les 2 milliards de tonnes ».
Parallèlement, on note que l’essor du transport maritime en Afrique s’accroit avec la concession des ports au profit d’entreprises non-africaines telles que DP World, ou encore le français Bolloré Africa Logistics. Un peu partout sur le continent, on note des travaux d’extension et de construction de ports, accompagnés d’un vaste mouvement de privatisation afin de répondre aux standards internationaux.
Le retour des mégas-projets de transport et d’intégration
Portés principalement par l’Union africaine (UA) et la Banque africaine de développement, les nouveaux mégas-projets d’intégration du continent africain font rêver. En effet, malgré la faible performance des pays du continent en la matière, les potentialités du secteur du transport en Afrique restent assez conséquentes, et présagent de retombées positives pour les Etats et les Africains eux-mêmes si les politiques adéquates sont mises en place par les gouvernements et institutions.
Combler le déficit africain en infrastructures nécessite entre 87 et 112 milliards $ par an
D’abord plusieurs actions sont mises en œuvre pour accélérer le développement d’infrastructures sur le continent. En 2017, la BAD révélait qu’elle avait investit plus de 30 milliards $ pour le bitumage de 40 000 km de routes, la modernisation et l’agrandissement de 16 ports et le financement de 30 aéroports à travers le continent.
En 2017, la BAD révélait qu’elle avait investit plus de 30 milliards $ pour le bitumage de 40 000 km de routes, la modernisation et l’agrandissement de 16 ports et le financement de 30 aéroports à travers le continent.
Pour réduire un déficit infrastructurel nécessitant entre 87 et 112 milliards $ au continent chaque année, l’institution a annoncé en Mai dernier qu’elle envisageait de mobiliser 170 milliards $.
De son côté l’Union africaine a ressuscité des projets d’intégration rangés au placard au cours des décennies. Cette année, l’institution a annoncé le lancement d’un marché unique du transport aérien en Afrique afin de renforcer « la connectivité entre les pays, et stimuler la croissance dans les secteurs du commerce et du tourisme » et de générer plus de 2 300 000 nouveaux emplois à travers le continent.
Renforcer « la connectivité entre les pays, et stimuler la croissance dans les secteurs du commerce et du tourisme » peut générer plus de 2 300 000 nouveaux emplois à travers le continent.
En mars dernier, 44 pays du continent signaient l’accord portant création de la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECA) visant à supprimer les barrières douanières qui entravent le commerce intra-africain de marchandise. La construction d’infrastructures routières et ferroviaires devrait permettre à la ZLECA de booster la croissance économique des pays du continent.
D’ailleurs ces derniers prennent de plus en plus d’initiatives pour booster leurs investissements dans le transport. Selon un rapport du cabinet Deloitte, l’Afrique a enregistré une hausse de ses investissements dans le transport en 2017. Le document démontre également que les Etats (est-africains en particulier) sont eux-mêmes les premiers bailleurs de fonds des projets d’infrastructures de transport sur le continent, juste devant la Chine. De nouveaux projets ferroviaires comme les lignes Addis-Abeba/Djibouti, ou Nairobi/Mombasa émergent.
Cette tendance traduit la nouvelle volonté des pays africains d’appuyer leur développement sur les projets d’infrastructure, dans le domaine du transport aérien, routier, ferroviaire et maritime, diversifiant ainsi leurs sources de revenus souvent tournées vers l’exportation de matières premières.
Et avec une population urbaine qui devrait s’élever à 84% d’ici 2050, les besoins en la matière s’annoncent colossaux, mais pourraient se transformer en véritable opportunités économiques pour les pays qui mèneront ces projets à terme.
Ecofin Hebdo