Sept manifestants antiputsch tués par balles au Soudan

Lors d’une nouvelle journée de manifestation contre le pouvoir militaire, sept personnes ont été tuées par balles lundi au Soudan, portant à 71 le nombre de manifestants tués depuis le putsch du 25 octobre. De son côté, la police assure qu’un de ses généraux a été poignardé à mort lors de récentes manifestations.

Sept manifestants ont été tués par balles lundi 17 janvier au Soudan, lors d’une nouvelle journée de mobilisation contre le pouvoir militaire, qui a renforcé son emprise sur le pays avec le putsch d’octobre.

Bravant un quadrillage sécuritaire serré et des troupes équipées d’armes lourdes, des milliers de Soudanais ont de nouveau scandé « Les militaires à la caserne » et « Le pouvoir aux civils » en tentant d’approcher du palais présidentiel à Khartoum, ou ailleurs dans le pays.

Dans la capitale, les partisans d’un pouvoir civil dans un pays sorti en 2019 de trois décennies de dictature militaro-islamiste ont essuyé des tirs « à balles réelles », mais aussi une pluie de grenades lacrymogènes et assourdissantes et des tirs de canons à eau, rapportent des médecins.

Trois manifestants ont été fauchés par ces balles, ajoutent-ils. En tout, depuis le putsch du 25 octobre, 71 manifestants ont été tués. La police, de son côté, assure qu’un de ses généraux a été poignardé à mort lors de récentes manifestations.

Dans un pays où militaires et paramilitaires sont déjà accusés d’exactions et notamment, récemment, du viol d’une dizaine de manifestantes, une nouvelle décision des généraux au pouvoir fait redouter le pire.

Lundi, le Conseil de défense a annoncé la création d’une « force spéciale antiterroriste pour faire face à de potentielles menaces ».

Les ponts ne sont pas bloqués

Les violences à Khartoum se concentrent aux abords du palais présidentiel, l’ancien QG du dictateur Omar el-Béchir démis en 2019 sous la pression d’un soulèvement populaire, où siègent aujourd’hui les autorités de transition désormais aux mains du général Abdel Fattah al-Burhane, l’auteur du putsch.

Les forces de l’ordre tentent d’empêcher les manifestants de s’en approcher, les poursuivant parfois dans les rues environnantes à coups de grenades lacrymogènes et assourdissantes.

Si les forces de sécurité quadrillent Khartoum et ses banlieues, en revanche et pour la première fois, elles ne bloquent pas l’ensemble des ponts reliant la capitale soudanaise à ses banlieues sur l’autre rive du Nil.

Dans l’une d’elles, Omdourman, des manifestants brûlaient des pneus et dressaient des barricades pour couper des routes, a rapporté à l’AFP un témoin, Sawssane Salah.

Dans une autre, Khartoum-Nord, des milliers de manifestants criaient « Les militaires à la caserne » et « Pas de retour en arrière possible » dans un pays resté sous la férule de l’armée quasiment en continu depuis son indépendance il y a 65 ans.

Depuis que le général Burhane, chef de l’armée, a rebattu les cartes avec son coup de force, le pays ne cesse de s’enfoncer dans la violence.

Les forces de l’ordre vont même jusqu’à attaquer des blessés et des médecins dans les hôpitaux, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Et la mobilisation ne se cantonne pas à la capitale dans ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus grands d’Afrique. À Madani, par exemple, à 200 kilomètres au sud de Khartoum, « environ 2 000 manifestants défilent aux cris de ‘On ne veut que des civils au pouvoir' », a rapporté à l’AFP un témoin, Imed Mohammed.

Ni Parlement ni gouvernement

Car le 25 octobre, le général Burhane a fait arrêter la plupart des civils qui partageaient le pouvoir avec lui et son armée. Ceux-ci ont été libérés depuis, mais le pays est toujours sans Parlement depuis la chute en 2019 du dictateur Omar el-Béchir, et sans gouvernement depuis le putsch.

Le général Burhane, qui s’est entouré de généraux et de civils sans passé militant, est donc de facto seul aux commandes du pays, l’un des plus pauvres du monde.

L’ONU, de son côté, tente d’organiser un dialogue pour relancer une transition vers la démocratie brutalement interrompue le 25 octobre. Sa mission à Khartoum multiplie les rencontres avec tous les acteurs du pouvoir, de la société civile, et même les associations de femmes ou de jeunes, sans toutefois parvenir dans l’immédiat à obtenir un accord pour des négociations directes ou indirectes entre toutes les parties.

L’envoyé spécial des États-Unis pour la Corne de l’Afrique David Satterfield et la secrétaire d’État adjointe Molly Phee ont entamé pour leur part, lundi, une tournée en Arabie saoudite et au Soudan pour tenter de relancer le dialogue dans un pays où la rue ne cesse de scander « Pas de négociation, pas de partenariat (avec l’armée) ».

Lundi, Washington a annoncé avoir remplacé son chargé d’affaires à Khartoum. Les États-Unis n’ont plus d’ambassadeur dans le pays depuis les années 1990.

France 24 Avec AFP