« Sida du cacao » : le Ghana et la Côte d’Ivoire font front commun

Le Ghana et la Côte d’Ivoire unis dans le même combat. Les deux géants du cacao ont en effet décidé de faire front commun face au swollen shoot, ce virus qui attaque les plants de cacaoyers. Les deux structures chargées de la gestion de la filière dans les deux pays, le Conseil café-cacao (CCC) pour la Côte d’Ivoire et le Ghana Cocoa Board pour l’ex-Gold Coast, se sont donc réunies la semaine dernière à Pilla au Ghana et à Manzanouan en Côte d’Ivoire, deux villages voisins situés à la frontière des deux pays. Objectif : l’application d’un plan de lutte commun dont le fer de lance est l’arrachage de plants, « seul remède efficace contre la maladie », affirme un communiqué du CCC.

Coopération plus étroite avec le soutien de la BAD

L’Ivoirien Yves Koné et le Ghanéen Joseph Baiden Aidoo ont « exprimé leur volonté d’intensifier leur collaboration » à partir notamment de l’arrachage, dans un premier temps, de 10 000 plants au Ghana. La finalité du plan est d’en arracher près de 300 000 dans ce pays où 17 % des vergers sont infectés. En Côte d’Ivoire, il est prévu l’arrachage de 100 000 hectares, d’ici à trois ans. Les parcelles concernées seront ensuite laissées en quarantaine pendant deux ans, le temps de permettre au virus de disparaître. Une campagne qui vise les grandes zones de production du sud-ouest et de l’ouest du pays, et dont les coûts avoisinent les 33,5 millions d’euros, soit 22 milliards de francs CFA.

Pour financer un tel programme, les deux pays – qui se partagent 60 % de la production mondiale de cacao – peuvent compter sur la Banque africaine de développement : l’institution panafricaine leur a promis une enveloppe de 515 millions d’euros. Une indemnisation à hauteur de 76 euros est également prévue par le CCC pour les paysans touchés.

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                                                                            Le swollen shoot fait anormalement gonfler les rameaux des cacaoyers

Un virus qui menace un secteur-clé de l’économie

Lors de sa nomination au poste de directeur en août 2017, Yves Koné avait déjà tiré la sonnette d’alarme, en érigeant la lutte contre le swollen shoot en tête des priorités du CCC. Chez le premier producteur mondial de cacao, ce sont en effet près de 300 000 hectares de cacaoyers qui sont atteints, soit 15 % des surfaces de plantations. Une menace à prendre au sérieux. En effet, la Côte d’Ivoire, qui produit annuellement 2 millions de tonnes de cacao, a fait du secteur le premier employeur du pays malgré la chute des cours, à 35 % l’an dernier. « L’or brun » représente même 15 % du PIB, et plus de 50 % de ses recettes d’exportations, d’après la Banque mondiale.

Surtout, le swollen shoot pourrait sérieusement dégrader une filière déjà en crise. En plus de subir les conséquences d’une conjoncture difficile, les producteurs de cacao ivoiriens vilipendent régulièrement le CCC. La gestion d’un fonds de réserve technique destiné à amortir les chutes de cours a notamment été très critiquée, les dirigeants de l’institution ayant tardé à le débloquer.

Au Ghana, l’industrie du cacao emploie environ « 800 000 familles agricoles réparties dans six des dix régions du Ghana », peut-on lire dans un communiqué du Ghana Cocoa Board. La récolte génère environ 2 milliards de dollars de devises par an et contribue largement aux recettes publiques et au PIB national.

Une maladie incurable

Des chiffres inquiétants lorsqu’on sait que la maladie « prend une propension inquiétante », selon le CCC. Le swollen shoot, littéralement « gonflement des rameaux », est transmis par une piqûre de cochenille. Les producteurs assistent alors impuissants au dessèchement des feuilles de cacaoyers, à l’arrondissement anormal des cabosses et à la réduction des fèves. Qualifié de « sida du cacao », endémique d’Afrique de l’Ouest, il transforme le plant en arbre semblable à du bois mort.

Le virus est bien connu des producteurs ivoiriens puisqu’il s’est déclaré pour la première fois en 2003 dans la région de Marahoué, dans le centre ouest du pays. À l’époque, il avait détruit plus de 8 000 hectares de plantations, selon les experts du Centre national de recherche agronomique (CNRA). L’arrachage appliqué avait fait chuter la production de près de 66 %. Une situation similaire devrait donc se produire pour la saison 2018-2019, qui commence en octobre. Une sacrée épreuve pour les deux pays, qui refusent de baisser les bras avec leur plan conjoint.

Le Point Afrique