A Johannesburg, il y a eu un air de Sommet Afrique-BRICS tant le continent a été au cœur du 10e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du bloc des cinq principales économies émergentes du monde qui se tient du 25 au 27 juillet. La présence d’une dizaine de chefs d’Etat témoigne de l’intérêt particulier que les BRICS accordent au Continent mais aussi des enjeux stratégiques pour les pays africains en quête de nouveaux partenaires.
Qu’il s’agisse du sénégalais Macky Sall, du rwandais Paul Kagamé, du togolais Faure Gnassingbé, du namibien Hage Geingob ou du malawite Peter Mutharika, tous ont convergé au centre de Conférence de Sandton où se déroulait le sommet, auquel ont également assisté l’ougandais Yoweri Museveni, le mozambicain Felipe Nyusi ainsi que le zimbabwéen Emmerson Mnangagwa et son homologue angolais Joao Lourenço. Ils devront tous participer ce vendredi 27 juillet au dernier jour du sommet, à un évènement spécial consacré au continent, le «BRICs-Afrique Outreach Dialogue Session ». L’occasion pour les chefs d’Etat d’Afrique et des économies émergentes mais aussi des invités comme le président turc Reccep Tayib Erdogan, d’explorer les voies et moyens de promouvoir leurs partenariats communs mais aussi de faire du business avec des réunions bilatérales ainsi que des rencontres avec les investisseurs qui ont massivement fait le déplacement dans le pays de Mandela.
Durant les trois journées d’intenses travaux, Johannesburg a donc été « the place to be » pour les dirigeants africains et du reste, c’est sur le continent qu’a été axée la thématique majeure de ce Sommet symbolique laquelle a été intitulé : « Les BRICS en Afrique : un partenariat pour une croissance inclusive et une prospérité partagée dans la quatrième révolution industrielle ». Dans la déclaration finale du Sommet dite « Déclaration de Johannesburg », le sud-africain Cyril Ramaphosa, le russe Vladimir Poutine, le brésilien Michel Temer, l’indien Narendra Modi et le chinois Xi Jinping ont réitéré tout leur soutien aux efforts des pays africains pour accélérer leur développement dans un monde qui connait de profonde et bouleversantes mutations géopolitique et économique.
Un nouveau contexte porté par de nouveaux défis et au sein duquel, l’Afrique se positionne de plus en plus comme un partenaire clé surtout dans le sillage de la nouvelle guerre commerciale qui risque d’hypothéquer les fenêtres d’opportunités qu’offrent la 4e révolution industrielle. Qu’il s’agisse de l’Agenda 2063 de l’UA, des initiatives visant à financer les infrastructures de développement à travers une plus conséquente mobilisation des financements, de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale (Zlecaf) ou de la présence de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, les BRICS se sont engagés à accompagner le Continent et ont à cet égard, souscrits des engagements dans le cadre de la mise en œuvre des principaux objectifs qu’ils se sont assignés notamment d’ici 2019.
L’Afrique, un partenaire important pour les BRICS…
Comme il fallait s’y attendre et actualité oblige, c’est la nouvelle guerre commerciale engendrée certes par le développement que connaissent les échanges mais également amplifiée par les mesures de protectionnisme du président américain, Donald Trump, qui ont cristallisé les interventions. A ce sujet, c’est le président chinois qui a donné le ton en alertant sur les risques que fait planer sur le monde, « cette guerre au sortir de laquelle il n y aura ni vainqueur et ni vaincu ». Des menaces à peine voilées dirigées contre le nouveau président américain même si pour Xi Jinping, le monde tend inexorablement vers une « profonde refonte du système de gouvernance mondiale au cours de la prochaine décennie ».
Dans son allocution, l’initiateur de « la nouvelle route de la soie » s’est fait le chantre d’un monde multipolaire et d’une accélération de la mondialisation économique malgré toutes les incertitudes et les contingences actuelles. Selon Xi Jinping, autant ces perspectives sont lourdes de défis, autant elles regorgent d’opportunités pour les économies émergentes et les pays en développement, lesquels contribuent déjà à 80% de la croissance économique mondiale et pourraient représenter, d’ici la prochaine décennie, plus de 40% de la production mondiale. « Au rythme actuel, ces pays verront leur production économique approcher la moitié du total mondial en dix ans et l’essor collectif des marchés émergents et des pays en développement est imparable et rendra le développement mondial plus équilibré et la paix mondiale plus fermement fondée » a déclaré le président chinois qui a par conséquent plaidé pour un renforcement du partenariat entre les BRICS et les pays en développement notamment ceux d’Afrique.
« L’Afrique, c’est le continent qui compte le plus de pays en développement et l’Afrique a un potentiel de développement supérieur à tous les autres continents. Nous devons renforcer nos liens avec l’Afrique et contribuer à son développement et nous devons faire des échanges BRICS-Afrique un modèle d’échange entre pays du Sud », a plaidé Xi Jinping.
… mais aussi un terrain de concurrence pour les BRICS
Comme pour le président chinois, les autres chefs d’Etat des BRICS se sont engagés à accompagner la dynamique actuelle dans le cadre de leur vision commune pour un monde multipolaire, profondément globalisé et où la prospérité est partagée pour le bien de l’humanité. L’hôte du Sommet a ainsi mis en avant d’autres arguments qui plaident pour un renforcement de la coopération avec le continent. « L’Afrique a connu, au cours de la dernière décennie, une croissance de 2 à 3 points de pourcentage, un rythme plus rapide que le PIB mondial. EN 2018, la croissance régionale devant rester stable au-dessus de 5% et devrait s’accélérer les prochaines années », a déclaré Cyril Ramaphosa.
« L’Afrique du sud est déterminée à faire en sorte que nos engagements au sein des BRICS et des autres organisations multilatérales favorisent l’intégration et le développement du continent africain. Il y a un grand potentiel d’investissement en Afrique », a ajouté le président sud-africain.
Il faut dire qu’en la matière, les facteurs de croissance qui devront porter le développement de l’économie mondiale ont un potentiel assez prononcé sur le continent. La démographie, la montée en puissance de la classe moyenne mais aussi les ressources font que la 4e Révolution industrielle tant chantée se fera avec l’Afrique ou ne se fera pas.
Les moteurs de la croissance mondiale qui entament un nouveau cycle de transformation dans les domaines de la science, de la technologie ou de l’industrie sont, en effet, portés par de nouveaux leviers comme l’intelligence artificielle, le big data ou la biotechnologie. De nouvelles industries mais aussi de nouveaux modèles d’échanges commerciaux vont fondamentalement émerger et, comme l’a répété le président chinois, profondément changer la dynamique de développement de l’économie mondiale ainsi que la vie des gens.
Des opportunités à saisir particulièrement dans les pays africains et que certaines économies émergentes ont déjà bien intégré à travers leur stratégie de coopération. En pole position, la Chine avec sa « nouvelle route de la soi » et l’Inde avec son « alliance solaire internationale » qui s’accompagnent d’une véritable offensive diplomatique mais aussi économique des pays BRICS en Afrique. Une autre guerre aux allures de guerre d’influence et de positionnement sur fonds de rude concurrence pour un continent qui s’érige désormais comme un des acteurs clés de la nouvelle guerre commerciale qui visiblement ne fait que commencer.
afrique.latribune.fr