Les Etats-Unis ont mis leur menace à exécution. Le secrétaire au Commerce de Donald Trump, Wilbur Ross a annoncé l’application, dès ce vendredi 1er juin, d’importants tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium importés de l’Union européenne, du Mexique et du Canada. L’administration Trump a décidé de ne pas prolonger l’exemption temporaire accordée à l’UE jusqu’à jeudi minuit et va mettre en place des taxes de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium. Le spectre d’une guerre commerciale plane désormais plus que jamais sur l’économie mondiale.
Les pays visés ont d’ores et déjà promis des mesures de représailles, à commencer par le Canada, premier exportateur d’aluminium aux États-Unis et deuxième exportateur d’acier derrière les Européens. Ottawa prévoit une riposte dès le 1er juillet, le temps d’évaluer le montant du préjudice. Une riposte sur l’acier d’abord – que les Américains vendent eux-mêmes en masse chez leur voisin, puis sur quelques produits de grande consommation : yaourts, café, sucre, papier toilette, machines à laver et tondeuses.
Le Mexique prévoit également des représailles du même genre. Et de l’autre côté de l’Atlantique, les Européens vont taxer les jeans, le bourbon, les motos Harley Davidson, des produits typiquement américains. Mais cela devrait se faire progressivement. Dans un premier temps, une plainte est déposée à l’Organisation mondiale du commerce. La procédure peut prendre plusieurs mois.
Le marché de l’automobile
Mais d’autres dossiers chauds opposent également Washington et ses alliés. Les voitures sont les prochaines cibles de Donald Trump. De quoi inquiéter les Allemands, dont les États-Unis représentent le deuxième marché d’exportation. Même crainte pour le Japon, déjà taxé depuis le mois de mars sur son acier, tout comme la Russie.
L’automobile est aussi au cœur du problème avec le Canada et le Mexique, en pleine renégociation de l’accord de libre-échange nord-américain. Et la question des sanctions en Iran se pose également. C’est donc bien à l’échelle mondiale que l’avenir des relations commerciales est désormais incertain.
Une mesure critiquée dans le pays
Certains élus américains, chez les démocrates mais aussi dans le camp républicain, dénoncent d’ailleurs la manière dont le président traite les plus proches alliés du pays.
Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor sous Bill Clinton et directeur du Conseil économique sous Barack Obama, se dit « consterné » par une « action agressive » qui équivaut à se tirer « une balle dans le pied », non seulement en raison des dommages que cela peut avoir sur l’économie du pays mais aussi sur ses relations commerciales.
« Nous endommageons nos relations avec nos plus proches alliés, estime-t-il. Nous abimons le système qui a permis aux États-Unis de prospérer et nous menaçons notre sécurité nationale en enfonçant un coin entre nous et nos alliés au moment où nous devons faire face au défi posé par la Chine. »
Eviter l’escalade
Une inquiétude que partage aussi l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Pour son secrétaire général, Angel Gurria, le multilatéralisme est en danger. « Le problème avec ces décisions est qu’elles risquent d’avoir pour conséquence que d’autres partenaires commerciaux prennent leurs propres décisions. Et puis, c’est une escalade qui doit être évitée à tout prix. Espérons qu’un processus de négociation permettra finalement de revenir à la normale. »
« Nous aurions préféré que cela ne se produise pas, nous devrons tenir compte de ce contexte, éviter les réactions extrêmes et intégrer tout cela dans un processus de négociations que nous devrons lancer avec des perspectives à moyen et long terme », s’inquiète le responsable de l’OCDE.
Une question de « sécurité nationale »
Mais face aux critiques, la Maison Blanche maintient sa position et justifie la mise en place de ces taxes en évoquant des menaces contre la sécurité nationale et la défense des travailleurs américains.« Il s’agit de la sécurité nationale. Comme le président Trump l’a déclaré et il a tout à fait raison : “sans industrie sidérurgique et sans aluminium, nous n’avons pas de pays” », a expliqué Peter Navarro, chargé du commerce international à la présidence américaine.
« Tout ce que nous essayons de faire, c’est de fournir à notre industrie l’opportunité d’investir dans ce pays. Cela va créer de nouveaux emplois. Il y aura plus d’acier et d’aluminium produits par des travailleurs américains, plus d’investissements ici aux États-Unis. Nos partenaires commerciaux à travers le monde vont comprendre que ce président, Donald Trump, veut assurer des échanges commerciaux justes et équitables pour défendre ce pays sur la scène internationale ».
L’impact pour le consommateur
Mais si la mesure a été accueillie avec satisfaction par l’industrie sidérurgique américaine, d’autres s’inquiètent, notamment dans les secteurs consommateurs d’acier. Mais aussi pour le consommateur moyen. Car reste à savoir si ce dernier va subir les conséquences de ces réactions en chaîne, et comment. Or, « une des règles du commerce international, c’est que toute taxe pénalise le consommateur », rappelle l’économiste Nathalie Janson. « Bien évidemment, l’impact sur le consommateur final va dépendre de la capacité de l’entreprise à vendre plus cher ».
Mais la professeure à Neoma Business School estime que même si l’entreprise ne peut pas reporter ce coût supplémentaire dans le prix, il y aura tout de même des conséquences importantes. « Dans ce cas-là, il y aura un impact sur les profits des entreprises et, potentiellement, sur l’emploi, le développement de l’activité. Bien évidemment, cela aura un impact de toute façon, ce n’est pas neutre ».
RFI