(Article publié le 2 mars à 11h46, mis à jour à 15h avec la déclaration du ministre de l’Économie Bruno Le Maire)
Donald Trump va-t-il provoquer une guerre commerciale avec ses partenaires chinois et européens ? Jeudi, lors d’une réunion avec des industriels à Maison-Blanche, le président des États-Unis a annoncé vouloir taxer, dès la semaine prochaine, l’acier importé à hauteur de 25% et l’aluminium à hauteur de 10%, afin de soutenir les producteurs et l’emploi américains, sans spécifier quels pays seront visés par ces taxations. Sur Twitter, le locataire de la Maison-Blanche dit vouloir “un commerce intelligent, libre et juste“.
Cette annonce “surprise” a provoqué un véritable tollé international, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) parlant de “violation des règles” qui régissent le commerce international.
Une taxe “inacceptable” pour le Canada
Le Canada est le premier fournisseur d’acier et d’aluminium des États-Unis. Les importations américaines d’acier proviennent à 16% du Canada, du Brésil (13%) et de Corée du Sud (10%). Selon la revue professionnelle Al Aluminum Insider, 54% des importations d’aluminium américaines provenaient du Canada. Alors forcément, toute éventuelle taxe douanière imposée par les États-Unis sur les exportations canadiennes inquiètent. D’autant que Donald Trump n’a fait, pour l’heure, mention d’aucune exception pour le Canada.
Lors de la séance des questions au Parlement, le ministre canadien du Commerce international François-Philippe Champagne a estimé que cette décision serait tout à fait “inacceptable”.
“Les États-Unis affichent un surplus de 2 milliards de dollars dans le commerce de l’acier avec le Canada”, a souligné pour sa part la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. Avant d’ajouter : “Le Canada achète plus d’acier américain que tout autre pays au monde, achats qui représentent 50% des exportations américaines dans le domaine.”
Comme le rappel un article du Monde, il ne faut pas oublier le contexte. Le premier ministre canadien Justin Trudeau cherche depuis quelque temps à s’émanciper de son trop grand voisin: il a ainsi rejoint le Trans-Pacific Partnership (TPP) que le Japon a ressuscité récemment (sans les États-Unis), et il se réjouit du traité de libre-échange avec l’UE (CETA).
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En 2017, les États-Unis ont importé plus de 5,6 millions de tonnes d’acier en provenance du Canada. (Un graphique de notre partenaire Statista).
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L’Allemagne s’inquiète pour sa sidérurgie
La Commission européenne a également été l’une des premières institutions à réagir aux déclarations de Donald Trump. Dans un communiqué, le chef de l’exécutif européen Jean-Claude Juncker promet que l’UE va “réagir fermement et proportionnellement pour défendre (ses) intérêts“. La Commission va présenter dans les prochains jours une “proposition de contre-mesures contre les États-Unis, compatibles avec les règles de l’OMC, pour rééquilibrer la situation“.
“Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que notre industrie est frappée par des mesures injustes”, a-t-il ajouté.
L’Allemagne (3,8% des importations d’acier) s’inquiète pour sa sidérurgie. La Stahl, organisation chargée de défendre les intérêts politiques et économique de la sidérurgie allemande, rappelle que les États-Unis ont importé en 2017 “un million de tonnes d’acier laminé (allemand)” et sont pour la sidérurgie allemande “le marché tiers le plus important hors UE“. De telles mesures protectionnistes impacteraient donc fortement le secteur.
“Si l’Europe n’agit pas, notre sidérurgie va payer l’addition pour le protectionnisme américain”, a encore prévenu Hans Jürgen Kerkhoff, président de Stahl.
Et quid de la France ? Lors d’un point presse ce vendredi après-midi, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire n’exclut pas de poser un recours devant l’OMC ou de mettre en place des contre-mesures pour limiter les importations américaines en Europe, si ces décisions sont confirmées et maintenues. “Toutes les options sont sur la table“, a-t-il précisé. Des entreprises françaises comme Vallourec, Arcelor ou Ugitech pourraient être impactées par ces mesures, selon lui.
“Nous savons bien que sur ces secteurs [l’acier et l’aluminium], dans certains pays, il existe des pratiques de dumping et des subventions massives qui faussent le commerce mondial. Les autorités américaines le savent parfaitement. C’est ce sujet-là qui doit être traité et pas un autre. Ce sujet du dumping fiscal et des aides d’État qui doivent être traité et pas un autre. L’Europe n’a absolument pas vocation à être la variable d’ajustement des problèmes commerciaux mondiaux”, a-t-il ajouté.
La Bourse de Tokyo chute de près de 3%
Les déclarations de Donald Trump réveillent les craintes d’une guerre douanière avec la Chine, deuxième partenaire commercial des États-Unis et particulièrement visée par Washington. Pourtant, si la Chine produit environ la moitié de l’acier mondial, elle fournit moins de 2% de l’acier importé par les États-Unis. De même, l’acier et l’aluminium ne constituent qu’une infime portion du total des échanges sino-américains : selon les douanes chinoises, les ventes d’aluminium représentent 0,87% seulement du montant total des exportations du géant asiatique vers les États-Unis, et celles d’acier et de fer 0,14% tout au plus.
Mais les aciéries chinoises, souvent très endettées et minées par le ralentissement économique, ploient cependant sous de colossales surcapacités.
“La Chine demande aux États-Unis de refréner leur recours à des mesures protectionnistes et de respecter les règles du commerce multilatéral”, a affirmé Hua Chunying, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Avant d’ajouter : “Si d’autres pays lui emboîtaient le pas, cela aurait un impact grave sur l’ordre du commerce international.”
Action, réaction. Ce vendredi, la Bourse de Tokyo, déjà dans le rouge mercredi et jeudi, a chuté de près de 3%, dans la foulée de Wall Street. Et les Bourses de Hong Kong (-1,61%) et Shanghai (-0,77) ont, elles, ouvert en net repli.
La Bourse de Paris perdait à nouveau du terrain (-1,01%) au démarrage de la dernière séance de la semaine.
(Avec AFP et Reuters)