Réparer les patients souffrant de pathologies neurodégénératives à l’aide d’un nouveau type implant. Tel est le but de Ni2o.
Certains chiffres font froid dans le dos. En vingt ans, l’industrie du médicament a dépensé 40 milliards de dollars sans parvenir à trouver un remède efficace contre la maladie d’Alzheimer. Un aveu d’impuissance que l’on peut étendre aux autres pathologies neurodégénératives. « Sur Parkinson, il reste encore beaucoup de chemin à faire, avoue Alexis Genin, Responsable de la Recherche à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Sans parler des cancers cérébraux, extrêmement rapides et dévastateurs ». Bien décidé à mettre au point de nouvelles approches, le centre de recherche parisien se tourne de plus en plus vers les start-up. Il en héberge déjà 25. Parmi elles, Ni2o, une société américaine qui développe des implants cérébraux. Son fondateur explique à L’Express les grands principes de cette technologie de pointe, qui pourrait, à terme, améliorer de manière considérable la vie de millions de patients.
L’EXPRESS : Ni2o travaille sur un nouvel implant cérébral capable de traiter les troubles majeurs du cerveau et les maladies neurodégénératives. Comment cela fonctionne-t-il ?
Newton Howard : Le principe est simple. Il s’agit de mettre l’implant dans la zone du cerveau que l’on a besoin de traiter. Dans le cas de Parkinson par exemple, nous visons le noyau sous-thalamique. Une fois en place, l’appareil interagit avec les neurones du patient. Il analyse son environnement et délivre les stimuli adéquats : soit de la lumière, soit des impulsions électriques. Notre implant n’est pas plus grand qu’un grain de riz et il pèse moins de deux grammes. Il s’appuie sur les recherches menées à Oxford en Grande-Bretagne, à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) de Cambridge (Etats-Unis), à l’université de Georgetown ((Etats-Unis), mais aussi sur le savoir-faire des fabricants de microprocesseurs américains comme Intel ou Qualcomm.
Plusieurs spécialistes travaillent sur les implants et la stimulation de certaines zones du cerveau. En quoi votre technique est-elle différente ?
Les implants actuels placés par craniotomie nécessitent parfois plus de 14 heures d’intervention et peuvent causer des infections nosocomiales. En plus, ils ne résolvent les problèmes que de manière temporaire. Avec notre technologie, il n’y a pas besoin de chirurgie lourde. L’implant est introduit en deux heures seulement par la cavité nasale. L’originalité de notre méthode consiste également à combiner l’électrophysiologie [l’étude de l’activité électrique des cellules], l’optogénétique [une technologie qui permet de stimuler les neurones grâce à de la lumière] et les recherches sur les cellules souches. Grâce à ces trois éléments, nous allons pouvoir reprogrammer des réseaux de neurones voire réenclencher la croissance de neurones complètement mortes. Ainsi, nous obtiendrons des effets à long terme sur les patients. Tout cela à l’air complexe, mais les modalités thérapeutiques, dans chacun des trois domaines cités plus haut, sont déjà bien établies. En revanche, elles n’avaient jamais été combinées jusqu’à présent.
Comment contrôler les stimuli de l’implant et faire en sorte qu’ils ne débordent pas de la zone voulue ?
Notre implant a une zone de « projection » d’environ un centimètre cube. Par ailleurs, la puissance des signaux émis est très faible. Enfin, une puce permet d’avoir recours au « machine learning » directement à l’intérieur du cerveau. Par exemple, notre implant s’adapte à l’environnement et peut changer tout seul la zone d’effet pour la réduire à un micron.
Votre technique est relativement peu invasive pour les patients. Mais génère-t-elle des effets secondaires comme des troubles de la personnalité ?
Lorsqu’on insère un implant, on le fait dans des zones très précises du cerveau, en prenant appui sur le travail des neuroscientifiques. Ces derniers savent en effet très bien quels effets apparaissent lorsque l’on stimule telle ou telle partie de notre matière grise. Certaines interventions peuvent, par exemple, engendrer de l’agressivité. D’autres vont plutôt générer des mouvements chez le patient. Grâce à une surveillance précise, nous pourrons vérifier que l’on a bien un effet thérapeutique sans modification de la personnalité ou d’autres effets secondaires.
À quel rythme comptez-vous effectuer vos tests ?
Nous nous donnons vingt-quatre mois pour mettre au point notre technologie et véritablement prouver qu’elle fonctionne. Nous allons tout d’abord effectuer des tests pré-cliniques au sein du laboratoire de l’ICM, sur des porcs et des singes. Si ces essais sont concluants, nous devrions passer à des essais sur l’homme d’ici à deux ans.
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