Les chefs d’État africains doivent signer mercredi l’accord-cadre de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), à l’occasion du sommet extraordinaire de l’Union africaine (UA), du 17 au 21 mars à Kigali, au Rwanda. Un projet ambitieux, dont les modalités ne font pas encore totalement l’unanimité.
La nouvelle est tombée en début de soirée, ce dimanche 18 mars. Un communiqué de la présidence nigériane, annonçant l’absence du président Muhammadu Buhari au sommet extraordinaire de l’Union africaine à Kigali, au Rwanda, qui doit aboutir à la signature de l’accord sur la mise en place de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), est venu doucher l’enthousiasme autour du projet.
« Monsieur le président ne voyagera plus vers Kigali pour cet événement parce que certains actionnaires nigérians ont fait savoir qu’ils n’ont pas été consultés », explique ainsi le texte, qui met en avant « quelques réticences quant aux conditions de ce traité ». Un retrait de dernière minute qui s’expliquerait également par un besoin de ménager les acteurs du milieu économique à moins d’un an de la présidentielle, prévue en février 2019.
PIB cumulé de 2 500 milliards de dollars
L’information a vraisemblablement surpris les délégations sur place. « Nous avons un peu été pris de court. Nous avons terminé nos réunions à 4h du matin [ce lundi 19 mars, ndlr], il reste quelques points à négocier », glisse ainsi un diplomate.
Alors que les déclarations des chefs d’État et des représentants de l’Union africaine se multiplient depuis plusieurs jours pour saluer, comme l’a fait le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, un « moment historique », l’absence du président d’une des plus importantes économies du continent semble être révélatrice des points de friction qui persistent autour de l’accord.
Ce projet, un des étendards de l’agenda 2063 de l’UA, est en discussion depuis 2012 et avoisinerait 2 500 milliards de dollars de PIB cumulés.
Censé intégrer les 55 pays membres de l’UA à une zone de libre-échange commerciale et, à terme, regrouper les zones régionales commerciales, l’accord doit être officiellement signé ce mercredi 21 mars, en clôture du sommet de Kigali.
L’enjeu de la ratification
Si quelque 27 chefs d’État sont attendus dans la capitale rwandaise, le nombre de pays qui signeront l’accord officialisant la création de la ZLEC reste encore inconnu.
Pour entrer en vigueur, l’accord devra ensuite être ratifié à l’échelle nationale par un minimum de 22 pays. Un processus qui pourrait prendre du temps, compte tenu du fonctionnement différent d’un pays à l’autre.
L’enjeu semble pourtant important. Seulement 16 % du commerce des pays africains s’effectue ainsi avec d’autres pays du continent, loin derrière l’Asie (autour de 50 %) et l’Europe (près de 70 %)
Annoncé en janvier par le président rwandais Paul Kagame, qui a pris la tête de l’organisation panafricaine lors du dernier sommet, ce rendez-vous se veut la consécration de deux ans de travaux menés sous l’égide du « champion » désigné de cette ZLEC, le président nigérien Mahamadou Issoufou.
« Difficile de savoir qui seront les gagnants, qui seront les perdants »
Pour autant, le consensus autour du projet semble moins important qu’exprimer dans le discours officiel. « Les autres zones de libre-échange viennent formaliser des zones où le flux des échanges est déjà présent. Ici, nous partons du principe que cela va stimuler les échanges », constate ainsi un observateur. « Difficile de savoir qui seront les gagnants, qui seront les perdants », poursuit-il.
Il nous reste encore beaucoup de choses à négocier », explique un diplomate nigérien
« Nous ne sommes pas contre le projet mais nous n’avons pas vu d’études d’impact, nous n’avons pas beaucoup été consultés. Ce ne sont pas des manières, il ne faut pas essayer de pousser les choses trop vite si des États ne sont pas prêts », commente un membre de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC).
Parmi les questions qui devront être adressées lors du sommet figure notamment celle de la mise en place d’un mécanisme de règlement des conflits concernant de potentiels abus du système. Les réunions ont déjà pris du retard, « il nous reste encore beaucoup de choses à négocier », explique un diplomate nigérien.
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