Vigilance sur l’Androcur, le médicament qui peut multiplier par 20 les risques de tumeur au cerveau

SANTÉ – Les autorités sanitaires françaises vont demander à l’Europe de redéfinir les modalités d’utilisation de l’Androcur et de ses génériques, sur la base d’une nouvelle étude. Celle-ci chiffre ce risque pour la première fois. Explications.

Près de 90.000 patientes françaises s’en sont vus prescrire l’an dernier. Pourtant, les risques de l’Androcur, étaient déjà identifiés mais on en connaît désormais l’ampleur : Ce médicament, prescrit pour combattre une pilosité excessive ou encore l’endométriose, peut multiplier jusqu’à 20 la probabilité de certaines tumeurs chez les femmes traitées longtemps et à hautes doses. Sur la base d’une nouvelle étude, qui chiffre ce risque pour la première fois, les autorités sanitaires françaises vont demander à l’Europe de redéfinir les modalités d’utilisation de l’Androcur et de ses génériques, a annoncé jeudi l’Agence du médicament ANSM.

Rendue publique fin août, l’étude a été réalisée par l’ANSM et l’Assurance maladie. Elle montre que le risque de méningiome, une tumeur au cerveau le plus souvent bénigne, est « multiplié par 7 pour les femmes traitées par de fortes doses sur une longue période (plus de 6 mois) et par 20 après 5 années de traitement ».

Ce risque lui-même est connu de longue date et figure depuis 2011 sur la notice de ce traitement hormonal, grâce, déjà, à une alerte française. « On s’attendait à trouver un risque » mais son importance chez des femmes traitées à haute dose et sur de longues durées « nous a surpris », reconnait auprès de l’AFP l’endocrinologue Jean-Michel Race, de l’ANSM.

La France représente 60% du marché

« Cela constitue un fait nouveau qu’il faut prendre en compte dans l’évaluation du rapport bénéfice/risque de ce produit », poursuit-il. Pour autant, les autorités sanitaires ne jugent pas nécessaire de retirer ce médicament du marché. « Il a des bénéfices dans les indications qui sont les siennes », souligne le docteur Race. Elles veulent en revanche « repréciser ces indications » pour éviter les utilisations impropres.

L’acétate de cyprotérone, nom générique de l’Androcur, est un médicament qui bloque l’activité des hormones mâles. En Europe, il est disponible dans cinq pays: le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la France, qui représente à elle seule 60% du marché.

Un médicament pour soigner l’endométriose

Dosé à 50 mg, il est indiqué chez la femme dans le traitement de certaines maladies hormonales qui se manifestent par une augmentation du système pileux (hirsutisme).  Mais il est parfois prescrit dans des cas qui ne correspondent pas au hirsutisme majeur pour lequel il est censé être indiqué.

Outre l’endométriose, « il est parfois prescrit pour des signes d’androgénie petits ou moyens : une pilosité un peu plus importante, une tendance à l’alopécie (perte de cheveux, ndlr), des peaux grasses et acnéiques », détaille le docteur Race.

Prescrit chez l’homme aussi

Chez l’homme, ce médicament est préconisé dans certaines formes de cancer de la prostate. Il est également donné à des personnes transgenres afin de diminuer les hormones mâles.  Enfin, dans son dosage à 100 mg, ce médicament est utilisé dans la prise en charge des agresseurs sexuels afin d’éviter des récidives (« castration chimique »).

« La sécurité des patientes et le bon usage d’Androcur (…) sont les premières priorités de notre laboratoire », a réagi auprès de l’AFP le laboratoire Bayer, qui fabrique le médicament.