Prise en charge des personnes vivant avec le VIH
Pr. Ehui Eboi (DC PNLS) : « Nous n’avons plus besoin de critère pour mettre un patient sous traitement »
La prise en charge des malades du VIH connaît une réelle évolution positive depuis les premiers cas en Côte d’Ivoire. C’est ce que le Pr Ehui Eboi. Directeur- coordinateur du Programme nationale de lutte contre le sida (PNLS) a communiqué aux médias le mercredi 21 juillet dernier dans un complexe hôtelier de la place, au cours d’un atelier de formation sur « le changement de perception vis-à-vis du VIH et du Sida en vue d’une communication orientée ». Selon Pr. Ehui, par ailleurs l’infectiologue de spécial « avant ce qu’on faisait, c’est le traitement symptomatique ; quelqu’un a la diarrhée, on lui donne les médicaments contre la diarrhée. Il tousse, on lui donne des médicaments contre la toux. Il a une a infection pulmonaire, on lui donne des antibiotiques. C’est ce que nous faisions avec les patients VIH à l’époque ».
Cette façon de prendre en charge des patients du VIH a ensuite évolué pour donner lieu à la prise en compte des infections opportunistes. « Ce sont des infections qui surviennent du fait que le patient soit immunodéprimé (état général de santé affaibli. NDLR). Ce qui n’arrive pas chez une personne normale » explique l’infectiologue.
Toujours dans cette évolution de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, une étape décisive arrive en 1993. Il s’agit de l’arrivée des antirétroviraux. « La Côte d’ivoire faisait partie des quatre pays (Côte d’ivoire, Ouganda, Vietnam et le Chili) en voie de développement qui ont eu accès aux antirétroviraux », se souvient de cette époque le directeur-coordonnateur du PNLS.
Malheureusement, ce traitement était payant. Il coûtait selon le Pr. Ehui Eboi, entre 300 et 600 mille FCFA par mois. « Donc, il y a eu une sélection naturelle : les pauvres n’avaient pas accès au traitement », a jugé le professeur devant les journalistes. Toutefois, grâce aux efforts des différents partenaires multilatéraux et bilatéraux (OMS, l’ONUSIDA, les Etats-Unis d’Amérique, la France…) et de l’implication de l’Etat de Côte d’ivoire, prix ont commencé à baisser. C’est ainsi qu’en « 2004, le traitement a été rendu gratuit pour toutes les personnes vivant avec le VIH ». Mais, souligne le directeur du PNLS. « Le traitement n’était basé qu’à Abidjan ». En clair, les malades à l’intérieur du pays étaient obligés de se rendre à Abidjan pour avoir accès à ce traitement gratuit. En clair, les malades à l’intérieur du pays étaient obligés de se rendre à Abidjan pour avoir accès à ce traitement gratuit.
En effet, trois ans plus tard, soit en 2007, le pays est passé à échelle. « Ce qui veut dire que nous avons généralisé l’accès aux antirétroviraux à l’ensemble du territoire national. Donc, aujourd’hui, dans toutes les régions de la Côte d’ivoire, les malades peuvent accéder aux antirétroviraux », a affirmé Pr. Ehui.
Des critères d’accès
Une chose est d’avoir accès aux médicaments partout en Côte d’ivoire car disponible, une autre est que ces médicaments soit suffisant pour tous les malades dépistés positifs au VIH partout dans le pays. Face à cette insuffisance des antirétroviraux, « il fallait choisir qui avait droit au traitement ou pas. Ce qui a fait que nous avons mis des critères : cliniques pour un patient qui est à un stade avancé de la maladie. Des critères biologiques : un malade qui est fortement immunodéprimé qui a un taux de moins de 200 CD4 (globules blancs chargés de défendre l’organisme contre les infections, NDLR). Ce sont les CD4 que le virus attaque pour les détruire. Plus le taux de C est bas. Plus la maladie est avancée. Donc, nous n’avons retenu que les malades qui avaient un taux de CD4 bas [inférieur de 200 CD4] ».
Ensuite, a-t-il poursuivi, ce taux est passé à 350 puis à 500. « Et depuis 2017, il n’y a plus de seuil. Dès qu’une personne est dépistée séropositive, elle a droit systématiquement au traitement antirétroviral sans tenir compte ni de son état clinique. Ni de son taux de CD4, ni de sa charge virale (nombre de virus dans le sang). C’est la stratégie : tester et traiter. Une fois que vous êtes testé positif, vous êtes mis sous traitement. Nous n’avons plus besoin de critère pour mettre un patient sous traitement. Le seul critère, c’est d’avoir un test positif au VIH », s’est réjoui l’infectiologue.
Des 16 comprimés à un seul par jour
Si tous les malades du VIH sont maintenant éligibles au traitement sans aucune condition, ils souffraient pour autant, en étant contraint d’avarier plusieurs quantités de médicaments par jour. Ce qui était une véritable corvée pour eux. « Au début du traitement, les malades devaient avaler entre 12 et 16 comprimés par jour », reconnaît le Professeur. Mais, « au fur et à mesure, il y a eu des combinaisons de médicaments. Aujourd’hui, ce n’est qu’un seul comprimé antirétroviral que le patient prend par jour. C’est une combinaison de, trais médicaments en un seul comprimé. Donc, c’est une trithérapie (association de trois molécules, NDLR) en un », a-t-il détaillé. Principes du traitement Le Pr. Ehui Eboi, dans sa présentation a expliqué aux journalistes et animateurs présents comment se fait le cheminement pour arriver au traitement. « Avant de dépister, a-t-il commencé, il faut d’abord informer le patient. Nous faisons le counseling (donner des conseils, NDLR) avant, pendant et après le dépistage pour le préparer au traitement éventuel au cas où il serait positif ». Selon lui, il faut prendre en compte les préoccupations du patient. C’est-à-dire, comment il doit informer son ou sa partenaire quand il apprend son statut sérologique ? Quelles sont ses heures de descentes ? Il faut poursuit le directeur du PNLS. « Pouvoir mettre en place une stratégie de traitement adaptée à la situation du malade ». Cela, passe ainsi par l’appréciation de l’état du patient qui doit être avisé de son état et s’accorder avec lui sur le traitement qu’il doit prendre. « On n’impose pas un traitement comme on n’impose pas un dépistage », a éclairé Pr. Ehui.
Enfin, il faut assister le patient. « C’est-à-dire, le suivre sur une longue durée afin de déceler toutes les difficultés liées au traitement. Le traitement est très bien toléré et les effets secondaires, il y en a toujours, mais ils ne sont pas aussi graves. En fait, le traitement antirétroviral permet de bloquer le virus et prolonge ainsi la vie du patient. Mais le patient n’est pas pour autant guéri du VIH », a-t-il précisé avec insistance.
Le suivi du patient
Aujourd’hui en Côte d’ivoire, le patron du PNLS a affirmé que « tout patient du VIH doit avoir un suivi ». Cela consiste à vérifier l’efficacité du traitement. C’est cela l’objectif, selon lui. « Il faut s’assurer que le traitement est efficace. Ce qui veut dire que nous allons faire régulièrement des contrôles pour voir son niveau de taux de CD4. Normalement, ça doit augmenter. Ce qui veut dire que le traitement marche. Son immunité est en train de se restaurer. Dans le même temps, la charge virale doit baisser.
Normalement, c’est une courbe qui doit se croiser. En effet, tandis que le taux de CD4 augmente, la charge virale diminue. Si nous n’avons pas cette I courbe qui se croise, cela veut dire que le traitement ne marche pas », a décrit le directeur du PNLS. Ensuite. « Nous vérifions la tolérance du traitement. Si le malade rapporte des signes d’intolérance au traitement : nausée, vomissement… Nous voyons comment les corriger ». Mais ce n’est pas tout, il y a aussi l’examen sanguin pour voir si les reins, le foie, les globules rouges et blancs fonctionnent normalement et voir aussi si le malade n’est pas anémié. Il s’agit d’une surveillance rapprochée pour détecter toutes les possibles anomalies tous les 6 mois à travers un bilan qui est gratuit.
Selon le Pr. Ehui, tous les examens du dépistage aux consultations médicales en passant par les médicaments, le suivi biologique, sont gratuits. « L’examen pour le comptage des CD4 coûte 80 mille FCFA. Celle de la charge virale coûte entre 120 et 150 mille FCFA. Tous ces examens sont gratuits pour le patient », a- t-il dévoilé.
Pour l’avenir du traitement le Pr. Ehui Eboi est très optimiste. « En matière de VIH, les choses sont dynamiques. Ce qui était valable hier peut ne pas l’être aujourd’hui. Aujourd’hui. C’est une trithérapie en un comprimé par jour. Demain, ça pourrait être un traitement par injection tous les mois ou tous les trois- mois. Ça sera bientôt disponible. Toute cette évolution va contribuer à améliorer la qualité de vie des patients », a annoncé l’infectiologue.
Coulibaly Zié Oumar
Notre Voie n°6670 du mercredi 28 Juillet 2021, Page 11