14-Vers un « cloud » souverain ?
Le marché africain des data centers est anticipé à 3 milliards de dollars en 2025, contre 646 millions de dollars en 2019. Cet afflux de capitaux, qui est capté par des opérateurs d’infrastructures comme Rack Center ou Africa Data Centres – qui a levé plus de 600 millions de dollars ces six derniers mois , est le signe que l’internet africain gagne en maturité et en résilience à une vitesse suffisante pour passer à l’étape suivante : le développement de services en tout genre, hébergés sur des serveurs africains et permettant aux entreprises d’externaliser certaines activités et ainsi d’accélérer leur transformation digitale. Ces dernières notamment les banques vont s’engager dans le rapatriement à domicile de leurs données jusqu’ici hébergées sur des serveurs européens ou de coûteux data centers qu’elles possédaient. Ce déménagement devrait diminuer la dépendance des utilisateurs aux plateformes étrangères et indirectement renforcer la souveraineté des États devenus maîtres de leurs données stratégiques.
15-Une monnaie digitale unique
Le déclin de la monnaie physique constitue-t-il un recul des libertés individuelles ? C’est le débat suggéré par le développement de la mobile money. Â la fois facilitateur des transactions intracontinentales, catalyseur d’une bancarisation progressive des Africains et, de fait, d’une formalisation des économies, il ouvre aussi la voie à une dépendance à des tiers incontournable et à l’exploitation des données personnelles (géolocalisation, nature et habitudes d’achats) à des fins commerciales. Si certains appellent à la vigilance et au droit à la discrétion, d’autres, comme l’économiste bissau-guinéen Carlos Lopes, imaginent aller plus loin en créant une monnaie virtuelle commune au continent, une solution qui permettrait de sauter l’étape de la monnaie physique panafricaine, l’Eco, projet mille fois repoussé et dont la concrétisation – au vu des tensions qui l’entourent paraît des plus incertaines.
16-Un accélérateur panafricain de villes intelligentes
À partir de janvier 2021, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) abritera le premier bureau en Afrique de l’incubateur américain Plug and Play. Soutenu par le géant des phosphates OCP, le projet offre un espace entièrement équipé en technologies de pointe, l’accès à des programmes de mentorat, des ateliers pratiques et un réseau de partenaires internationaux pour les porteurs de projets africains Le premier programme d’accélération, qui sera lancé en début d’année, concerne le domaine des Smart cities (internet des objets, mobilité urbaine, immobilier, énergie et santé).
17-Mettre un coup de frein au financement du charbon
Plusieurs groupes bancaires africains (Absa, Standard Bank…) ont récemment amorcé la manœuvre, avec une accélération on 2020, malgré la complexité d’une telle décision sur un continent où le charbon est la principale ressource énergétique. Et ce à l’instar de ce qui se fait ailleurs dans le monde, dans la lignée des fameux « ODD » des Nations unies. Les banques de développement à l’international parmi lesquelles la BAD ou encore la BOAD, ont, quant à elles, fait le vœu d’aligner leurs activités sur l’accord de Paris sur le climat lors du sommet Finance en commun, en novembre 2020. Il y a fort à parier que d’autres acteurs leur emboîteront le pas en 2021.
18-Micro-irrigation
Cette technique d’irrigation, utilisant un réseau de distribution en surface ou souterrain « jusqu’au pied de la plante », gagne des adeptes face aux ravages du changement climatique, même jusqu’au sein de la Banque mondiale. L’israélien Netafim, un des leaders du secteur, déploie cette technologie au Niger, avec des économies d’eau estimées entre 30 % et 55 %. L’ONG américaine iDE la teste au Burkina Faso, et des essais concluants ont été menés en Gambie et en Afrique du Sud. La taille du marché des systèmes d’irrigation goutte à goutte au Moyen-Orient et en Afrique représentait 360 millions de dollars en 2020 (572 millions attendus en 2025) selon Market Data Forecast.
19-Course aux fournisseurs « alternatifs »
Si le continent s’est tenu à l’écart de la guerre technologique livrée par les États-Unis contre les matériaux et fournisseurs chinois (5G, processeurs…), la situation est appelée à changer. À la fin de novembre 2020, l’USaid a rappelé aux bénéficiaires de son aide l’interdiction de recourir aux « équipements ou services de télécommunication produits par Huawei, ZTE, Hytera, Hikvision, Dahua et leurs filiales », en raison du National Defense Authorization Act signé en août 2018. Une « dérogation limitée » existe, mais ces interdictions doivent figurer dans les nouveaux appels d’offres. En filigrane : un vif encouragement à rechercher d’autres fournisseurs que les majors chinoises de la technologie.
20-Des mines artisanales appuyées par des multinationales extractives
Alors que la RD Congo détient les deux tiers des réserves de cobalt, essentiel à la fabrication des batteries des véhicules électriques, plusieurs grands groupes miniers et de négoce se sont alliés avec des coopératives locales pour favoriser le développement de mines artisanales « responsables ». Grâce à des sites extractifs d’un nouveau genre, exploités par des mineurs locaux organisés en coopérative, encadrés, équipés et formés par des groupes internationaux, ce système vise à créer des emplois décents, empêcher le travail des enfants, protéger l’environnement et assurer la traçabilité du minerai. Expérimenté en RD Congo avec l’appui du suisse Trafigura et du chinois Huayou Cobalt, qui commercialisent le minerai, ce modèle intéresse les filières aurifères au Sahel ainsi que celles du saphir à Madagascar, où il permettrait de pérenniser des emplois et de lutter contre l’exploitation du sous-sol par des groupes armés ou mafieux.
21- « Mobile insurance » face aux risques
Santé, risque climatique, agriculture… Les défis sont nombreux et pourtant peu embrassés sur un continent où le taux de pénétration de l’assurance est d’à peine 3 %. C’est dans une année post-Covid que les acteurs panafricains devront repenser leur modèle de développement. Certains, comme Sunu, Sanlam, Attijariwafa, et d’autres, ont déjà accéléré le chantier en raison de la pandémie. Digitaliser les assurances et proposer des services adaptés à l’ensemble des populations, urbaines, rurales, classe moyenne, agriculteurs, petites et grandes entreprises, tel sera leur leitmotiv. Les technologies existent, des insurtech ont essaimé sur le continent : Balloon, Bima… Et les grands assureurs lorgnent déjà ce marché aux promesses avantageuses.
Dossier conçu par ESTELLE MAUSSION, AVEC QUENTIN VELLUET, AURELIE M’BIDA, JOEL TE-LESSIA ASSOKO, MATHIEU GALTIER, BAUDELAIRE MIEU, OMER MBADI, EL MEHDI BERRADA ET CHRISTOPHE LE BEC
Jeune Afrique N°3096-janvier 2021 page 42 à 47