11 Septembre : une ingénieure musulmane érige une chapelle sur le site du crash sur le Pentagone

Chaque année, à la même époque, les cérémonies de commémoration du 11 septembre ravivent un douloureux souvenir chez Manal Ezzat.

En ce dix-huitième anniversaire d’une tragédie absolue et sans précédent, il est à nouveau remonté à la surface avec une force émotionnelle décuplée par la solennité du moment, qui a entièrement submergé cette femme ingénieure de confession musulmane.

Dix-huit longues années se sont écoulées, mais le souvenir traumatique du jour où tout a basculé à Arlington, en Virginie, reste bien vivace en elle. Comme la plupart des victimes qui ont réchappé miraculeusement aux attentats les plus meurtriers de l’histoire des États-Unis, elle n’oubliera jamais l’instant précis où un avion s’écrasa sur l’immeuble du Pentagone dans un fracas épouvantable qui hante encore ses nuits.

Manal Ezzat, qui occupait alors le poste de chef de projet au sein du Corps des ingénieurs de l’armée américaine, se souvient de l’effroi ressenti devant la vision apocalyptique qui s’offrait à elle : le Pentagone était en proie aux flammes.

Elle se revoit totalement pétrifiée, ne comprenant rien à ce qui se passait, tandis qu’une panique générale et désordonnée s’emparait des survivants du crash, qui cherchaient à fuir les lieux précipitamment. Entraînée par ce puissant mouvement de foule, elle perdit son hijab dans la bousculade qui s’ensuivit, mais se retrouva saine et sauve dehors, ne pouvant que contempler la propagation du feu qui ravageait le symbole suprême de la puissance militaire des Etats-Unis.

Dix-huit ans plus tard, Manal Ezzat, qui a subi de plein fouet le fort ressentiment islamophobe exacerbé par le drame et la propagande politico-médiatique pernicieuse, n’ayant de cesse de rappeler qu’au nombre des 2 977 victimes du 11 septembre figuraient des musulmans, est parvenue à se reconstruire lentement.

On peut même dire que sa reconstruction personnelle a été facilitée par la construction d’un édifice cher à son coeur : la création d’une chapelle ouverte à tous, sur les cendres du Pentagone, à l’endroit précis où le vol 77 d’American Airlines percuta l’immeuble, tuant 184 personnes.

« Ce projet a suscité une immense émotion. L’objectif était de créer un havre de paix, susceptible d’effacer les stigmates de la tragédie, dans lequel les employés de l’armée américaine, qu’ils soient chrétiens, juifs, musulmans, voire même bouddhistes, puissent venir se recueillir à tout moment, en toute quiétude », a expliqué sa fervente promotrice et maître d’œuvre.

Sur les vitraux de ce sanctuaire inviolable, à l’intérieur duquel la Bible côtoie le Coran sur les étagères, l’inscription « United in Memory, 11 septembre 2001 » rend hommage aux hommes et aux femmes qui, il y a dix-huit ans de cela, ont perdu la vie sur leur lieu de travail.

Un calendrier affiché au mur indique les offices épiscopaux et luthériens tous les mercredis, les offices hindous et les séances d’études juives tous les jeudis, les offices orthodoxes grecs tous les vendredis, des prières bouddhistes deux fois par mois.

Selon l’aumônière Monica Lawson, parmi les 26 000 employés que compte le Pentagone, les utilisateurs les plus assidus de la chapelle sont les catholiques qui assistent à la célébration de la messe quotidienne, talonnés de près par les musulmans, lesquels viennent accomplir leur devoir religieux tous les jours, individuellement ou en groupe, et chaque vendredi, lors de la grande prière collective.

Qawiy Abdullah Sabree, un expert en cybersécurité qui travaille au Pentagone depuis 27 ans, fait partie de ceux-là : « Des années après la tragédie du 11 septembre, c’est un réel privilège que d’avoir un lieu de prière ici, à notre disposition, et ouvert à toutes les croyances. A titre personnel, cela me permet d’échapper à la routine quotidienne, de pouvoir faire une halte spirituelle ressourçante durant la journée, où je peux réfléchir à ma foi, au Créateur qui nous a donné la vie et me rapprocher de Lui. »

Dans une Amérique qui panse encore ses plaies et où, hélas, l’islamophobie a gagné du terrain sous l’ère Trump de sinistre augure, Manal Ezzat, après avoir longtemps ferraillé contre ceux qui sont convaincus que sommeille un terroriste en puissance en chaque musulman, estime que la chapelle du Pentagone, où se pressent nombre de ses coreligionnaires, est la plus belle réponse qu’elle pouvait leur apporter.

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