La 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) a refermé ses portes le dimanche 11 février 2024. Une compétition sanctionnée par le sacre de la Côte d’Ivoire au titre de Champion d’Afrique. Quel regard porter sur le parcours des Éléphants aucours de cette CAN 23 ? Éléments de réponses dans cet entretien réalisé avec Bamba Moussa, imam à la mosquée Chérif Al Mounawar de Yopougon Sable.
Islaminfo : Que pensez vous de l’organisation de la CAN 2023 jouée en Côte d’Ivoire ?
Imam Bamba Moussa : L’organisation de la CAN en Côte d’Ivoire a été une réussite. Nous avons constaté qu’elle a été très bien organisée, et pour cela, il faut saluer les Ivoiriens et en particulier le chef de l’État qui s’est investi en termes d’infrastructures et de mobilisation de la population pour que tout se passe bien. Ici au pays, nous avons vraiment senti la chaleur du football et je prête bien les mots au président de la CAF qui a dit que c’était une organisation inédite.
Que pensez-vous des différents matchs qui ont eu lieu au cours de cette CAN ?
Les matchs se sont bien joués. C’étaient des matchs de haut niveau et nous avons eu beaucoup de sur prises. Les équipes que l’on pensait les plus faibles sont celles qui ont fait tomber les grosses têtes. Il y avait vraiment l’esprit de compétition, et ce football-là, on ne l’avait pas encore vu . Nous avons eu l’impression que nous étions à une coupe du monde ou encore à un championnat africain, tant il y avait de l’engouement au tour.
Qu’avez-vous pensé de la prestation des Éléphants lors de la finale ?
Je pense que nos éléphants ont fait de leur mieux et cela depuis le début de la compétition. La preuve en est que nous avons gagné le premier match contre la Guinée Bissau. Il est vrai qu’il y a eu quelques petits problèmes avec eux, mais, dans l’ensemble, ils ont vraiment bien joué. Il faut également reconnaître qu’Allah a fait sa part, car ce n’est pas forcément parce qu’on est fort qu’on remporte une compétition.
Quels sont les différentes épreuves qu’ils ont traversées au cours de cette CAN ?
Le chef de l’État faisait vraiment confiance aux joueurs, mais je pense qu’il y a eu un peu d’excès de confiance chez nous, car nous étions tellement sûrs de gagner que cela nous a fait défaut quelque part. Allah voulant nous enseigner une leçon nous a montré que nous allions certes gagner mais à la façon dont Lui le voudrait. Pour dire que c’est Lui qui a toujours le dernier mot. Voilà pourquoi nous nous sommes qualifiés grâce au Maroc. Cela a brisé un peu notre orgueil et nous a fait revenir sur terre. Toutes ces étapes-là étaient des épreuves pour les Éléphants mais elles ont porté leurs fruits en termes d’enseignements. Le pays s’est mobilisé par la suite ; les joueurs ont appris de leur erreurs et nous sommes restés dans la prière jusqu’à ce qu’Allah nous accorde la victoire.
Que pensez-vous de ces épreuves ?
À travers ces épreuves, Allah nous montre qu’il existe. C’est pourquoi il dresse toutes ses épreuves sur notre chemin. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que dans toute œuvre humaine, ce n’est pas seulement l’organisation qui paie ;mais l’aide d’Allah y compte pour beaucoup, et c’est cela que les gens appellent la chance.
Que pensez-vous de la victoire des Éléphants à la fin de cette CAN ?
D’abord nous avons parlé d’épreuve avant de parler de victoire. Il faut comprendre par là que la victoire ne s’obtient qu’au bout des efforts. Quand Allah t’aime il dresse beaucoup d’épreuves sur ton chemin. C’est pourquoi les prophètes ont tous été éprouvés. C’est une manière de dire que Dieu aime la Côte d’Ivoire. L’un des beaux côtés de cette victoire, c’est que nous étions tous unis et en prière autour des joueurs. Cette victoire est également due à l’unité de l’équipe. Lorsqu’on les regardait jouer sur le terrain, nous avions l’impression qu’ils ne formaient qu’une seule personne déterminée à gagner. Et même en dehors des stades, les supporters fâchés après l’humiliation 4-0 en défaveur de la Côte-d’Ivoire se sont mobilisés pour porter l’équipe à la victoire. Je pense que croyance, prières et les efforts agencés ensemble, naturellement cela va payer. Le prophète (saws), disait dans un Hadit «Tous les efforts sont payés auprès de Dieu » et alhamdoulilah nos efforts ont été récompensés car nous avons remporté la coupe.
Quels sont les éventuelles leçons que leur parcours nous enseigne ?
La première leçon à tirer c’est de ne jamais perdre espoir, ça c’est une vertu qu’Allah a donnée aux musulmans. Le désespoir n’existe pas dans le monde du croyant. Nous savons de quoi nous sommes capables mais nous ne connaissons pas les limites d’Allah . D’ailleurs l’être humain n’a pas de limite mais c’est Allah qui les lui fixent. Deuxièmement, les équipes qu’on pense faibles sont généralement celles qui évincent les plus grosses. C’est ce qui c’est passé lors de cette compétition. Cela doit nous servir de leçon. Il faut pouvoir convertir les échecs en leçon ; c’est ce qui est arrivé avec la Côte d’Ivoire. La deuxième leçon est de se dire que tant que le coup du sifflet final n’est pas donné, tout peut arriver. Pareil dans la vie de tous les jours ; tant que nous ne sommes pas arrivés au bout de ce qu’on fait, tout peut arriver.
La troisième leçon, c’est que ce qui nous est arrivés nous a encore plus rapprochés dans l’unité. La preuve en est le match contre le Mali à Bouaké. Il est vrai que les joueurs ont joué mais le match a aussi été joué par le douzième homme (les supporters)… Tout cela pour dire que lorsque nous sommes unis, tout ce que nous de mandons à Dieu il nous le donnera tôt ou tard. Pour finir je dirais que dans tout ce que nous voulons entreprendre, nous devons placer Allah au-devant car il est capable de tout.
Comment les musulmans doivent mettre en application ces leçons dans la vie de tous les jours ?
En se souvenant quotidiennement que Dieu existe. Cette CAN devrait servir de bel exemple au musulman car au bout des efforts, il y a un but à atteindre. Quand on croit en ce qu’on fait et qu’on croit qu’il y a un être qui existe et qui peut tout faire, cela ne peut que bien se passer. Il ne faut jamais perdre espoir et toujours croire en Dieu.
Comment le musulman doit-il pérenniser ces différentes leçons apprises ?
Dans un premier temps, le parent doit se mettre en tête qu’il est musulman ;il doit s’instaurer des principes de vie qu’il va inculquer à ses enfants. Il faut en faire un mode éducatif pour ses enfants. Depuis le bas âge, il faut faire comprendre aux enfants que Dieu existe. Les parents doivent être soucieux de transmettre les valeurs qu’on leur a laissées ; ces leçons peuvent être pérennisées également en les appli quant dans la vie de tous les jours.
En cas de défaite d’une équipe, comment le musulman doit-il se comporter ?
En tant qu’imams, nous nous sommes toujours reposés sur la spiritualité et sur Dieu. Un jour quelqu’un est venu demander au prophète de le conseiller sur la vie d’ici-bas… Le prophète lui répondit trois fois « Évite de te mettre en colère. » Vous savez lorsqu’une personne est en colère, elle ne peut passe contrôler contrairement à ce qui lui est recommandé en islam. Donc en tant que supporters musulmans, nous devons tout prendre avec Dieu, nous dire que c’est une compétition et que, quelle que soit l’issue du match, c’est ce qu’aurait voulu Allah. Dans tous les cas, je sors gagnant. Cela doit être la pensée du supporter musulman. Le prophète disait à cet effet qu’ « il est miraculeux l’approche du musulman car toutes ses œuvres sont pour lui des bonheurs ». Avec une telle approche, nous devons adopter un comportement exemplaire. Celui qui subit une telle humiliation doit pouvoir se remettre en cause en s’appuyant sur ses forces et faiblesses. En Allant au stade, nous devons être responsables comme le dit notre religion, et cela va également au-delà du football.
Ces mêmes conseils s’appliquent aussi encas de victoire, n’est-ce pas ?
Oui. J’ai parlé tout à l’heure d’émotions. Vous savez lorsque nous sommes aussi heureux, il peut nous arriver de déborder dans les manifestations, ce qui peut devenir difficile pour nous contrôler. L’islam nous enseigne de maîtriser nos émotions qu’elles soient positives ou négatives. Nous pouvons donc manifester notre joie mais en faisant attention . Nous devons apprendre à la canaliser car souvent dans nos cérémonies (mariage, baptême) nous débordons.
Au regard de cette CAN, com ment doit se comporter le musulman face aux épreuves de la vie ?
D’abord il faut se dire que si Allah a voulu qu’on soit en vie, c’est pour une bonne raison. Nous devons nous dire que nous sommes toujours destinés à faire quelque chose. Il faut donc se conformer à ce que dit Dieu. Pour lui les efforts qu’on fournit sont déjà méritoires. Deuxièmement nous devons garder en tête que lorsqu’Allah ferme une porte, il en ouvre toujours une autre. Cela a été le cas avec les Éléphants. Nous devons, quant à nous, prendre cela en modèle. Nous devons toujours persévérer, toujours garder espoir et ne jamais arrêter d’essayer. D’ailleurs j’ai bien aimé cette expression des Ivoiriens lorsqu’ils disaient «Ya Dieu dedans ».
Je peux dire que je suis fier des Ivoiriens car à travers cette CAN là, nous avons compris l’importance de notre religion et cela va contribuer à assainir notre vie. Le musulman doit savoir que nous sommes dans un système dans le quel on ne peut pas vivre sans Dieu, et ce, dans tous les domaines que nous embrasserons. Nous devons placer Allah au-devant de toute entreprise humaine.
Propos recueillis par Mariam Doukouré