Personnages historiques, mythes, légendes et cultures oubliés… Teddy Kossoko, jeune ingénieur originaire de Centrafrique, entreprend de faire découvrir les pans méconnus de l’Afrique grâce aux jeux vidéo.
Dans les salles obscures, Black Panther, la dernière production super héroïque de Marvel, bat tous les records. Une reconnaissance populaire doublée d’un succès critique, le long-métrage célébrant de manière unique les cultures africaines. Valoriser l’Afrique, c’est également le projet de Teddy Kossoko, un jeune Centrafricain de 23 ans vivant à Toulouse et qui ambitionne de créer le premier studio de jeux vidéo dédié au continent, « Masseka game studios ».
« Tout a commencé quand je suis arrivé en France en 2012. Je me suis rendu compte que les Occidentaux avaient une vision totalement uniforme et opaque de l’Afrique et que, trop souvent, ils n’en connaissaient que les conflits », raconte Teddy Kossoko à France 24. « J’ai aussi vite compris que les jeux vidéo ont une grande influence en France. J’ai donc voulu montrer l’Afrique par ce prisme et faire découvrir ses mythes, ses légendes et son Histoire. »
Teddy Kissoko a lancé son projet en parallèle de ses études. Passé par l’IUT de Blagnac, il est diplômé d’un master en MIAGE (Méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises). Son premier jeu, Kissoro, est sorti le 17 février 2018. Les mécaniques de jeu sont inspirées d’un jeu de société qu’on retrouve dans beaucoup de pays africains. Le jeu vidéo porte le nom de la version centrafricaine mais au Sénégal, on le retrouve sous le nom de mankala, tandis qu’en Côte d’Ivoire, c’est l’awalé. Autour de ce jeu de plateau, Teddy Kossoko fait passer son message.
« Un message à la jeunesse africaine »
« Ce premier jeu a la particularité d’être présent un peu partout en Afrique. C’est un lien entre plusieurs pays africains », explique le jeune homme. « Dans le scénario du jeu, deux royaumes se livrent la guerre pour les ressources. Un orphelin, incarné par le joueur, arrive et souligne que les deux tribus ont une chose en commun, le kissoro. C’est le message que je voulais faire passer : nous ne sommes pas obligés de passer par les armes pour résoudre nos conflits. »
« En plus de changer le regard des Occidentaux sur l’Afrique, je veux également envoyer un message à la jeunesse africaine. Il ne faut pas attendre une solution qui vient d’en haut. Dans le jeu, la solution vient de nous », ajoute-t-il.
S’il a réalisé le développement du jeu seul, Teddy Kossoko a tout de même dû s’appuyer sur les compétences d’un graphiste pour donner vie à son univers. Originalité, ce dernier ne connaissait rien à l’Afrique quand il s’est vu proposer le projet. « Il m’a dit : ‘ je ne connais pas les univers africains mais je vais me battre pour connaître ton continent' », raconte en souriant Teddy Kossoko. « En trois ans, il a réussi à complètement s’approprier cet univers. Maintenant, en plaisantant, je l’appelle le griot blanc [les griots sont des passeurs d’histoire itinérants en Afrique de l’Ouest]. »
Un projet multi-récompensé
Deux mois après le lancement, Kissoro affiche déjà près de 7 000 téléchargements. « Pas mal pour un jeu indépendant », sourit son développeur. Teddy Kossoko retient surtout l’accueil qui lui a été fait : « Beaucoup de médias se sont intéressés à mon projet, c’était très encourageant », raconte l’ingénieur. Une couverture médiatique qui lui a permis d’obtenir un soutien financier du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Toulouse ainsi que de lever des fonds via un financement participatif.
Le succès critique a également été au rendez-vous. Le jeu vidéo a gagné plusieurs récompenses lors de son développement. Le 23 avril 2017, Il a remporté le « Pitch Your Game » de la Geek Touch à Lyon. Le mois suivant, en mai 2017, c’est au tour d’un prix qui récompense les artistes centrafricains, le Tongolo Awards.
Cependant, l’accueil que Teddy Kossoko trouve le plus gratifiant, c’est celui que lui réserve le public africain : » Beaucoup de gens m’écrivent Par exemple, aujourd’hui, un jeune sénégalais m’a demandé comment devenir créateur de jeux vidéo« , explique-t-il. « Si ce jeu est capable de susciter des initiatives et des vocations, c’est une bonne chose. »
Teddy Kossoko avait choisi de sortir son premier jeu uniquement sur smartphone car le développement y est beaucoup plus simple. Mais, il y a trouvé un autre avantage : « Je me suis rendu compte que pour toucher le public africain, il fallait privilégier le mobile car, si tout le monde n’a pas une console ou un ordinateur, tout le monde possède un smartphone’, explique le jeune ingénieur. « Pour nos prochains jeux, nous voulons expérimenter des nouveaux formats mais nous garderons systématiquement une version smartphone pour le public africain. »
Deux nouveaux jeux en préparation
Et des idées de jeux, Teddy Kossoko en a déjà plusieurs dans sa besace. Désormais entouré d’une équipe de sept personnes, deux projets sont en cours d’écriture.
Le premier relatera les aventures de l’inspecteur Guimonwara, un policier alcoolique, que Teddy Kossoko décrit comme le Sherlock Holmes centrafricain. Ce dernier trouvant ses enquêtes trop faciles, il part enquêter sur les morts mystérieuses de l’histoire africaine comme celle de l’empereur songhaï, Sonni Ali Ber, un grand conquérant du 14e siècle.
L’autre jeu, la légende de Mulu, doit relater l’histoire d’une petite fille en lutte contre un sorcier ayant volé les couleurs de son village. Cette dernière entreprend alors un grand voyage pour rencontrer les différents peuples d’Afrique, les Pygmées, les Berbères, les Masaï… afin qu’ils lui apprennent à vaincre le voleur.
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Deux jeux d’exploration qui rappelle forcément la saga d’Ubisoft, Assassin’s creed. Une référence que ne renie pas Teddy Kossoko. D’ailleurs pour reconstituer fidèlement les époques et les cultures, Masseka Game studios travaille en lien avec des centres de recherches : « On veut être les plus fidèles possibles afin d’éviter de réveiller des querelles de plusieurs siècles ou échauffer les mémoires sensibles. »
« Aujourd’hui, les Africains sont en recherche de leur identité et les Occidentaux sont curieux envers ce continent », estime Teddy Kossoko. « Le jeu vidéo peut leur apporter tout ça. L’époque est donc propice à ce genre d’initiatives. »
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