Madidimalo Langa, Didi en court, supervise une équipe de 4 techniciens à “MA Automotive” à Pretoria. C’est la première cheffe d’équipe, noire et féminine, dans cette usine qui fabrique des corps de voiture. En Afrique du sud, la politique de promotion économique des Noirs encourage l’ascension des femmes : elles comptent double dans le système de points calculé pour chaque entreprise. Ainsi, entre 2002 et 2018, le nombre de femmes a quadruplé dans les mines, selon la Chambre des mines sud-africaine. En 2018, elles y occupaient entre 16 et 18% des postes de cadres.
Didi supervise l’entretien des robots. Les techniciens sont, presque tous, des hommes blancs. Au départ, ils ne lui ont pas fait de cadeaux : “Quand il y avait une panne, ils me disaient d’appeler quelqu’un de plus intelligent pour m’aider, que ce n’est pas un boulot pour les femmes. Certains disaient même que notre place est à la cuisine, se rappelle-t-elle en riant. Ils disaient aussi que j’ai été promue uniquement à cause de ma peau noire. Heureusement, la direction est intervenue pour remonter leurs bretelles”.
Avances sexuelles
Les préjugés sont bien ancrés, à entendre Louis Havenga, un technicien afrikaner d’une trentaine d’années. “Didi travaille mieux que beaucoup d’hommes. Mais elle n’est pas aussi bonne au niveau technique. C’est la nature, c’est un truc d’hommes !” La diplômée en robotique a aussi dû résister aux avances sexuelles. “Du moment qu’ils ne sont pas agressifs et ne dépassent les limites, je parviens à gérer le problème en leur parlant.”
Pour cette jeune femme déterminée, l’important est d’en vouloir. “On donne aux femmes qui commencent des tâches faciles. Mais j’ai demandé tout de suite un poste difficile, pour apprendre, et avoir les mêmes opportunités que les hommes.” Le patron français de l’entreprise, Vincent Lemaire, a apprécié cette ténacité : “Elle aime mettre les mains dans la graisse et elle dirige très bien les gens. C’est une personne qui a du potentiel”.
Changement de décor. Nosipho Siwisa-Damasane, 54 ans, dirige, depuis juin 2019, la société “Bombela operating company”, qui opère le train rapide entre Johannesburg et Pretoria. Dans son livre, “Finding the Woman Within” (“Trouver la femme en soi”), elle retrace son expérience quand elle est devenue, en 1998, la première femme au monde à gérer un port. “Tous les managers du port, à East London, étaient des hommes blancs. J’ai dû travailler trois fois plus pour prouver ce que je valais. C’était primordial que je réussisse pour ouvrir la porte à d’autres femmes.”
A son arrivée, il n’y avait que des toilettes pour hommes dans le port. Les pionnières ont joué un rôle important pour changer les mentalités. “A la fin des années 90, nous avons créé des forums de femmes. Les hommes pensaient que nous allions manifester contre eux. Mais, en fait, on parlait de problèmes pratiques, notamment pour aménager nos vies de famille. A l’époque, il n’y avait pas d’horaires flexibles, ni de crèches dans les entreprises.”
La directrice a dû s’envoler pour une formation à Singapour, dix jours après la naissance – “accélérée” par une césarienne – de son second enfant. La pression du travail et d’être une “femme forte” a conduit Siwisa-Damasane à devoir affronter une difficile période de dépression.
Écart salarial
Selon une étude publiée cette année par la firme de recrutement “Giraffe”, les Sud-Africaines continuent, par ailleurs, à gagner en moyenne 25% de moins que les hommes, et 21% de moins dans des positions de managers, ce qui s’explique en partie par des interruptions de carrière.
Beaucoup d’entreprises hésitent encore à promouvoir des femmes, qui ont le droit de prendre quatre mois de congé de maternité (dont six semaines payées). Les étudiantes continuent à être sous-représentées dans les études de maths et de sciences (4 pour 5 garçons), informatique et technologie (3 pour 10) et les formations d’ingénieurs (3 sur 10), selon une étude du Forum économique mondial, en 2016. Les progrès sont réels pour les Sud-Africaines, mais la partie est encore loin d’être gagnée.