Auteur prolifique quand il s’agit de sonner la charge contre l’islam, Thilo Sarrazin, un ancien haut fonctionnaire de la Banque centrale allemande, a de nouveautrempé sa plume dans l’encre de la calomnie islamophobe, truffée de contre-vérités et anxiogène à souhait.
Huit ans après avoir commis son brûlot « L’Allemagne disparaît », qui a fait frémir dans les chaumières en s’écoulant à plus de 1.5 million d’exemplaires, l’ex-économiste acquis aux idées de l’extrême droite, mué en homme politique à droite toute, a noirci la page blanche et le tableau, une fois encore, une fois de trop…
Thilo Sarrazin aurait été bien inspiré de changer de registre ou, à tout le moins, de faire preuve d’un esprit moins partisan, car sa nouvelle diatribe anti-islam, au titre frissons garantis « OPA hostile – Comment l’islam freine le progrès et menace la société », fait actuellement couler beaucoup d’encre de l’autre côté du Rhin. Les compliments se font rares, tandis que les critiques fusent de toutes parts contre sa malhonnêteté intellectuelle flagrante, poussée à l’extrême.
Accusé d’être « factuellement incorrect et de renforcer les préjugés », son dernier ouvrage au vitriol ne résiste pas à l’analyse objective et rigoureuse d’experts de l’islam, en l’occurrence de Johanna Pink, professeure d’études islamiques et d’histoire de l’islam à l’université de Fribourg-en-Brisgau.
«Il a sélectionné des versets qui collaient avec l’idée qu’il se faisait déjà de l’islam, en reléguant de côté ceux qui pouvaient rendre sa lecture plus complexe », déplore-t-elle, avant d’appuyer là où le bât blesse : « Il ne connaît pas les bases de l’histoire textuelle du Coran et de ses interprétations. Il n’a aucune idée de ce que le Coran représente pour les musulmans et ne connaît pas davantage les limites de ce rôle ».
Thilo Sarrazin peut toujours affirmer avoir « écrit avec un regard neutre, sans préjugés sur le Coran », son texte propagandiste, peu avare de « remarques désobligeantes » sur l’islam et le Coran, comme le met en évidence Johanna Pink,le disqualifie et révèle le redoutable semeur de troubles qu’il est réellement.
La presse allemande n’est manifestement pas tombée dans le piège de son instrumentalisation de la haine de l’islam, grossière et irresponsable, à l’instar du Tagesspielqui appelle ses lecteurs à faire montre de clairvoyance en ne lisant pas son livre, du quotidien Bild, le journal le plus vendu en Europe et véritable institution en Allemagne, qui alerte son large lectorat sur ses « généralisations inappropriées » et de l’hebdomadaire Der Feirtag qui lui reproche vertement ses « catégorisations en noir », dénonçant sa méthode dénuée de toute rigueur scientifique : « Sarrazin prend des versets individuels du Coran hors de leur contexte, sélectionne ceux dont il a besoin comme dans une boite à outils ».
Alors que les vieux démons néo-fascisants refont surface de manière fracassante chez nos proches voisins, le grand public allemand succombera-t-il à nouveau aux sirènes alarmistes de Thilo Sarrazin, ce Cassandre islamophobe très en vue Outre-Rhin ?