Comment Nelson Mandela a réussi la réconciliation ?

 

Remarquable à défaut d’être sans taches, la réconciliation de la société sud-africaine, pensée par De Clerk et mise en œuvre par Mandela, peut être aujourd’hui un exemple pour les peuples qui se reconstruisent après une déchirure.

Lorsque le pouvoir. Sud-africain, en 1990, a accédé à la requête séculaire de l’African National Congress (ANC) – négocier pour une Afrique du Site pour tous – tes pourparlers ont commencé. Oui dit pourparlers dit évidemment compromis. Il s’agissait pour les parties en présence de trouver un terrain d’entente à mi-chemin, pourrait-on dire, des positions de chacun. Les principaux compromis réalisés au cours des négociations, entre 1990 et 1994, sont cinq, il a été promis premièrement que te gouvernement issu de ces premières élections serait un gouvernement d’union, comprenant des membres de tous les partis ayant atteint 10 % des voix ; ensuite qu’il n’y aurait pas de réforme agraire imposée : de même qu’il n’y aurait aucun licenciement forcé dans la fonction publique, l’armée. La diplomatie ; puis que l’amnistie serait offerte, sur une base individuelle, à toute personne blanche ou noire – qui viendrait reconnaître ses crimes en montrant, raisonnablement, qu’ils avaient été commis en raison de la situation politique ; enfin que des élections libres « un homme, une voix « seraient accordées à tous.

 

  1. L’IMPOSSIBLE » AMNISTIE GÉNÉRALE

Le pouvoir blanc du président De Clerk craignait évidemment que des élections libres, portant inévitablement au pouvoir la majorité noire, n’aboutisse à des procès ou à des actes de vengeance. Il réclamait donc une amnistie générale (« blanquet Amnesty ») qui couvrirait tous tes crimes. Pour l’ANC, c’était inacceptable. Il fallait concilier deux requêtes contradictoires. D’un côté, 1e peuple réclamait la vérité sur le passé : qui avait tué Steve Biko ? Qui avait ordonné le meurtre de milliers de militants ? Où la police avait-elle caché tes corps des personnes qu’elle avait éliminées ? Qui avait formé et armé les membres de l’Inkatha Freedom Party (1e parti du chef zoulou Mangosuthu Buthelezi) ? etc. La liste était si longue Comment faire le deuil sans connaître la vérité, sans savoir où reposent les disparus ? Cette exigence-là n’était pas négociable. Mais, d’un autre côté, la société sud-africaine était tellement divisée, politiquement, socialement et économiquement sur des bases raciales, que son avenir ne pourrait pas supporter des procès et des vengeances. Il était à craindre, en effet qu’au premier procès d’un responsable blanc toute sa communauté luirait te pays, comme l’avaient, fait les Français d’Algérie. L’Afrique du Sud, alors, serait fibre, mais exsangue. Car la finance, l’industrie, l’ingénierie, •es mines, l’agriculture, l’éducation notamment tertiaire, l’administration, la science militaire et te diplomatie, tout cela était entre les mains des Blancs. S’ils partaient. Le pays s’effondrerait économiquement, et cela ferait mentir te choix politique ancien de l’ANC : que l’Afrique du Sud appartienne à tous ceux qui y habitent, sans distinction de race ou de couleur. « Toute ma vie, je me suis battu contre la domination blanche sur les noirs et contre la domination noire sur les blancs. C’est un idéal pour lequel je veux vivre, et, s’il le faut, je suis prêt à mourir » (Nelson Mandela, au procès de Rivonia, 1963).

 

 

  1. 2. ACCEPTER QUE JUSTICE NE SOIT PAS RENDUE

Pour faire droit à ces deux exigences, l’ANC de Nelson Mandela a proposé compromis : le nouveau pouvoir en place créerait une Commission Vérité et Réconciliation devant laquelle tous ceux qui, du temps de l’apartheid, avaient commis des crimes susceptibles de poursuite viendraient dire ce qu’ils avaient fait et comment c’était en relation avec la situation politique. Alors, ifs recevraient l’amnistie et ne seraient pas poursuivis. Créer cette commission, c’était dire aux victimes : « Pour l’unité du pays, pour préserver son avenir ; accepte que justice ne vous soit pas rendue, sauf carte de devenir des citoyens libres à part entière. » Au début, tes Noirs n’ont pas compris cela, pensant que justice leur serait rendue. La commission fut créée par loi du nouveau Parlement en 1995. Nelson Mandela nomma l’ancien archevêque anglican du Cap. Desmond Mpilo Tutu, Prix Nobel de 1a paix, à la tête de 17 commissaires. Trois comités étaient établis : un pour l’amnistie, en direction des coupables ; un autre pour les droits de d’homme, en direction des victimes, pour qu’elles racontent leurs drames : et te troisième pour te réparation, afin de dédommager, au moins symboliquement tes victimes

  1. 3. EFFETS CONTRASTÉS MAIS CAPITAUX

Les résultats furent importants. 8000 victimes ont pu parier. 7 000 coupables ont demandé l’amnistie, 1 000 l’ont reçue, aucune véritable réparation n’a été offerte. Les audiences furent très dures, parfois insoutenables, mais elles ont dévoilé la vérité sur tes horreurs subies par tes Noirs pendant l’apartheid – jusque-là. 1a plupart des Blancs n’en savaient rien ou ne voulaient rien savoir. Elles ont permis de faire le deuil. Elles n’ont pas apporté une réconciliation définitive, il faudra bien davantage, il faudra rétablir entre tous une véritable équité sociale en sortant la majorité de la misère. « Si tu veux faire te paix avec ton ennemi, il faut travailler avec toi. Alors on devient des partenaires » (Nelson Mandela)

TARIQ RAMADAN

« QUE MANDELA REPOSE EN PAIX »

Dans une vidéo postée sur son site le 13 décembre, Tariq Ramadan a tenu à réagir aux propos « assez troublants » tenus par des musulmans suite au décès de Nelson Mandela, le 5 décembre. « Assez troublants » pour ne pas dire choquants à bien des égards.

Alors que tes citoyens du monde entier – musulmans compris – saluent vigoureusement te combat mené par la figure de proue de te lutte contre l’apartheid, certains musulmans tiennent sur Internet des réflexions inappropriées en déclarant sans sourciller que Nelson Mandela irait d’emblée en enfer ou qu’il goûtait déjà au châtiment du feu de la Géhenne car » mécréant » (alors qu’il était chrétien). Juges en place et lieu de Dieu, un comportement pas islamique, disons-le.

« On connaît te verset qui dit et répète « La religion auprès de Dieu, c’est l’islam ” et donc tous ceux qui ne sont pas musulmans sont par définition voués à la perte et à l’enfer dans te vide de l’au- delà ». Note Tariq Ramadan. « Et pourtant, il faut faire : extrêmement attention parce que cette réduction du verset, cette réduction de la compréhension de l’islam est particulièrement grave car elle nourrit en nous cette idée que nous avons la vérité, que nous pouvons nous permettre de dire n’importe quoi sur des hommes et des femmes qui se sont voués à des causes et des engagements extrêmement nobles. Il faut revenir à : l’essence même de notre religion » estime à raison le professeur d’études islamiques. Seul « Dieu connaît te secret des cœurs », insiste-t-il.

« Nous devons sortir, en tant que musulmans et musulmanes, de cette attitude de jugement systématique parce que ce n’est pas en mettant tout le monde en enfer que nous nous assurons du Paradis. Cette attitude, elle n’est pas vraie. Personne d’entre nous ne sait où il sera, où il ira ce qu’il en sera de lui. Le mieux est d’en venir à une dimension très importante en islam ”Dieu seul sait le destin de chacun » », poursuit-il.

« Qui êtes-vous pour savoir le contenu des cœurs ?»

A propos de Nelson Mandela, Tariq Ramadan a rappelé qu’il « a enseigné au monde quelque chose ». Il a « tenu des principes universels que n’importe quel musulman doit porter, il était lui-même entouré par des hommes et des femmes qui étaient musulmans et qui toi étaient fidèles même si on a vu dans l’autre camp, des savants et une autorité religieuse soutenir te régime d’apartheid car il y a même parmi les musulmans des gens qui sont lâches », souligne-t-il également. De surcroît, en sortant de prison, il est « resté droit » à l’inverse de « Aung San Suu Kyi (qui) oublie tes Rohingyas », la minorité musulmane persécutée en Birmanie. « On a entendu des choses absolument inacceptables. Qui êtes-vous pour savoir te contenu des cœurs ? Où seriez-vous vous-mêmes quand votre mort viendra à votre rencontre ? », proteste encore l’intellectuel suisse, qui préconise te « silence » à ceux qui seraient, tentés de dire que la destinée de Nelson Mandela est d’aller en enfer. Contrairement à eux, lui souhaite à Nelson Mandela de « reposer en paix ».

 

Islam InfoN°12 du lundi 30 décembre au mardi 07 janvier 2014