« L’aide sociale et les minima sociaux coûtent environ 70 milliards d’euros par an aux finances publiques, soit 3% du produit intérieur brut (PIB). Ces prestations contribuent de façon décisive à réduire la pauvreté et les inégalités. »
Faut-il rapporter cette contribution sociale au produit intérieur brut, comme le fait le professeur d’économie Jean Gadrey, dans son article paru dans Alternatives Economiques du 20 Juin 2018 ?
Les économistes ne jurent que par le PIB, ce concept qui guide nos politiques économiques depuis l’après-guerre. La raison est simple, puisque le PIB est un indicateur qui mesure de manière simple la quantité de richesse créée par une économie. Qui plus est, les recettes de l’Etat en dépendent.
Mais au lieu de taxer l’activité économique pour garantir la solidarité avec les plus pauvres, en rabotant les salaires et les retraites, il serait plus judicieux de taxer le surplus d’argent qui dort sur les comptes bancaires. Et par le hasard des choses, le PIB et les dépôts bancaires sont du même ordre de grandeur, autour de 2200 milliards d’euros.
Ce système fiscal a fait ses preuves dans le passé, et il fut adopté entre autres, par le très puissant Empire Ottoman. D’ailleurs, la chute de l’Empire coïncide avec la création de la Banque Ottomane au XIXe siècle, et l’introduction du système bancaire franco-britannique fondé sur les intérêts.
La fiscalité française taxe le revenu du travail lourdement, la France étant championne d’Europe dans ce domaine. En même temps, l’ISF peut paraître injuste par certains contributeurs, car cet impôt ne fait pas de différence entre les richesses. Un entrepreneur français investissant les fruits de son succès dans l’économie réelle, est taxé de la même manière qu’un rentier, dormant sur un compte en banque.D’un point de vue fiscal, la richesse productive, et la richesse dormante sont mises au même niveau
Pour remédier à ces injustices fiscales, qui pénalisent les travailleurs et ceux qui investissent dans l’économie réelle, une piste n’a jusqu’à aujourd’hui jamais été pensée en France : la taxation des dépôts bancaires. Au lieu de prélever les 3% du PIB sur le travail et la richesse productive, prélevons annuellement 3% sur les dépôts bancaires. Comme le PIB et le montant des dépôts bancaires sont proches, autour de 2200 milliards d’euros, la somme prélevée resterait la même, soit 70 milliards d’euros.
Bien évidemment, ce prélèvement vise les accumulateurs de richesses, que ce soient les particuliers ou les entreprises, et non pas les ménages des classes moyennes. Ainsi, ce prélèvement devrait s’appliquer au-delà d’une certaine somme pour ne pas pénaliser les ménages des classes moyennes.
Les entreprises européennes empilent plus de 1000 milliards d’euros sur des comptes offshore. Faut-il laisser cet argent dormir, ou pousser les dirigeants de ces entreprises à le réinvestir pour créer de l’emploi et stimuler la recherche ?
Cette manne sociale est aussi importante que les 70 milliards d’euros de la part de la CSG prélevés sur les revenus d’activité, et vingt fois plus puissante que les 3,5 milliards d’euros de l’ISF.
Surtout, le prélèvement de cette somme peut être effectué par les banques pour le compte de l’Etat, d’une manière simple et transparente : prélévement de 0,01% des dépôts par jour de la semaine, sauf le dimanche.
Cette logique qui permet de réduire les inégalités de richesse, est aux antipodes du fondement du capitalisme : les intérêts bancaires qui rémunèrent l’argent par l’argent. Ces intérêts bancaires s’opposent radicalement aux intérêts de la société. Ils sont la racine même de l’augmentation des inégalités de richesse, et des inégalités sociales.
Les mentalités doivent se faire violence si nous souhaitons vraiment éradiquer le chaos que ce monde capitaliste à bout de souffle nous promet. Pour cela, il faut des universitaires et des dirigeants politiques à la hauteur du danger qui nous guette. Il faut oser remettre en cause la logique bancaire qui détruit le lien social, et la remplacer par une logique qui pénalise l’argent dormant accumulé sur des comptes bancaires.