Alors que le sentiment anti-français se renforce au Sahel, Emmanuel Macron effectue une visite en Côte d’Ivoire du 20 au 22 décembre. L’occasion pour le président français d’encourager son homologue Alassane Ouattara à passer la main à une nouvelle génération, même si certains y voient une forme de soutien au régime en place.
Depuis Paris, ils sont nombreux à scruter la Côte d’Ivoire de plus en plus près à mesure qu’approche la présidentielle d’octobre 2020. Avec tous le même espoir : que celle-ci se déroule sans accroc. Alors que la situation ne cesse de se dégrader au Sahel, où le ressentiment populaire contre la France est grandissant, les responsables français se passeraient volontiers d’une nouvelle crise électorale dans ce pays majeur où ils ont de nombreux intérêts. « La stabilité de la Côte d’Ivoire conditionne la stabilité du Sahel. Il est donc important de venir y adresser un message fort pour consolider notre relation », explique-t-on à l’Élysée.
Les proches d’Emmanuel Macron l’assurent : en privé, Alassane Ouattara n’a pas dit autre chose à son homologue que ce qu’il répète en public ces derniers mois, à savoir son intention de passer la main à une nouvelle génération en 2020. De son côté, le président français profitera de son déplacement à Abidjan pour l’encourager dans cette voie – et donc lui faire comprendre que l’option d’un troisième mandat, que son homologue ivoirien n’écarte pas, n’en est pas une à ses yeux. Pourtant, sur place, nombre d’opposants considèrent que cette visite en grande pompe moins d’un an avant la présidentielle est une forme de soutien au régime en place. Si l’Élysée assure être en contact avec « l’ensemble des forces politiques ivoiriennes », aucune rencontre n’est prévue avec des opposants durant le séjour de Macron sur les bords de la lagune Ébrié.
De nombreux déplacements
Outre ces questions de politique intérieure, qui seront sans doute évoquées par les deux chefs de l’État lors de leur entretien à huis clos le 21 décembre en fin d’après-midi au palais présidentiel, cette seconde visite d’Emmanuel Macron en Côte d’Ivoire sera marquée par plusieurs étapes. Après son arrivée en fin de journée, le 20 décembre, il se rendra directement à la base militaire française de Port-Bouët. Il s’y entretiendra avec des soldats rentrés de mission au Sahel, puis participera à un dîner de Noël préparé par le chef de l’Élysée, Guillaume Gomez.
Le lendemain, Macron, qui sera accompagné d’une forte délégation – plusieurs ministres, dont ceux de l’Économie et des Armées, et des personnalités ivoiriennes ou d’origine ivoirienne, comme l’écrivain Gauz ou le chanteur Vegedream – enchaînera les événements à Abidjan. Il commencera par l’inauguration d’un complexe sportif dans le quartier de Koumassi, en compagnie du footballeur ivoirien Didier Drogba. Ce projet, qui devrait être dupliqué ailleurs en Afrique de l’Ouest, s’inscrit dans le cadre du prochain sommet France-Afrique de juin 2020 à Bordeaux consacré à la « ville durable ».
Après une réception avec la communauté française à la résidence de l’ambassadeur de France, il se rendra à l’Institut national de formation des agents de santé (INFAS) d’Abidjan accompagné de Peter Sands, le directeur général du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et y rencontrera des étudiants.
Sécurité au Sahel
La journée se terminera à la présidence, où plusieurs dossiers de coopération seront abordés. Il sera ainsi largement question de la dégradation sécuritaire au Sahel et des moyens à mettre en œuvre au niveau régional pour tenter d’inverser cette spirale négative. Au niveau bilatéral, la France et la Côte d’Ivoire signeront un protocole additionnel à leur accord de défense pour renforcer encore leur coopération militaire. L’avancée du projet d’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) de Jacqueville, soutenu par les autorités françaises, sera également évoquée.
Sur le plan économique, plusieurs contrats de coopération bilatérale seront signés. Beaucoup concernent le futur métro d’Abidjan dont les travaux, menés par des entreprises françaises, sont censés démarrer début 2020. Enfin, un grand dîner d’État avec les couples Ouattara et Macron sera organisé à l’hôtel Ivoire.
Dimanche 22 décembre, Alassane Ouattara et Emmanuel Macron se rendront à Bouaké, où aucun président français ne s’est rendu jusqu’à présent. Une cérémonie d’hommage aux neuf soldats français et au soldat américain tués dans le bombardement de leur camp par l’aviation ivoirienne, le 6 novembre 2004, y aura lieu. « Ce sera l’occasion de sceller la réconciliation entre nos deux pays », commente-t-on dans l’entourage du président français. Après cette séquence mémorielle symbolique, ADO et Macron poseront ensuite la première pierre du futur grand marché de la ville, qui est en partie financé par l’Agence française de développement (AFD).
De Bouaké, Emmanuel Macron s’envolera directement pour Paris. Durant ce vol retour, il fera une escale de quelques heures à Niamey, au Niger. Il s’y entretiendra avec son homologue Mahamadou Issoufou, avec lequel il préparera le sommet prévu à Pau, en France, le 13 janvier, et se recueillera sur la tombe des 71 soldats nigériens tués le 10 décembre dans l’attaque de leur garnison à Inates.
Par Jeuneafrique