Couple: la gestion du foyer, fardeau des femmes et surtout une « charge mentale »

Les femmes doivent souvent planifier les tâches domestiques seules. Une « charge mentale », injustement partagée dans le couple, qui a refait surface après le succès d’une BD sur le sujet.

À la maison comme au travail, l’esprit est sans cesse inondé par les préoccupations. Les femmes, en particulier, doivent s’assurer que le petit dernier a bien un casse-croûte pour sa sortie scolaire, que le délai pour régler les frais d’inscription du centre aéré n’est pas dépassé, qu’elles ont bien donné la liste de courses à leur mari… Bref, qu’elles ont pensé à tout.

Ces mères de famille ont enfin réussi à mettre des mots sur leur problème : elles sont victimes de la « charge mentale » du foyer, qu’elles doivent souvent assumer seules. Un concept qui ne concerne pas le partage des tâches ménagères et domestiques mais plutôt la planification et l’anticipation de celles-ci.

Même dans un couple où l’homme assume sa part de travail matériel, la femme doit sans cesse s’adonner à une gymnastique de l’esprit pour assurer le bon fonctionnement de la maisonnée. « La charge mentale est un travail invisible, non mesurable et que l’on ne peut pas vraiment déléguer », explique François de Singly, sociologue de la famille.

Depuis les années 1980

Cette notion ne date pas d’hier. Mais le concept de « charge mentale » a pendant très longtemps été réservé au monde du travail. Né dans les années 1980, il apparaît dans un contexte d’intensification du travail et décrit les sollicitations psychiques qui en découlent. En 1984, la sociologue Monique Haicault conjugue les idées de vie privée et vie professionnelle dans un article intitulé La gestion ordinaire de la vie en deux. Elle utilise alors le terme de « charge mentale ménagère » pour décrire les préoccupations permanentes des femmes qui doivent jongler entre leur emploi et la gestion de leur foyer.

Malgré les avancées en matière d’égalité hommes-femmes, le poids des traditions pèse toujours aussi lourd dans la balance. Selon l’Insee, en 2010, les femmes s’occupaient de 71 % des tâches ménagères et 65 % des obligations parentales. Des chiffres qui étaient respectivement de 80 % et 69 % en 1985.

C’est souvent à l’arrivée du premier bébé que les choses se gâtent. « La charge mentale est principalement liée à l’enfant », explique François de Singly. Avec le congé maternité, la femme prend automatiquement des responsabilités (l’inscription à la crèche, par exemple) et devient responsable en titre de la famille. Un rôle ancré dans les traditions depuis des décennies et qui ne s’atténue pas à la reprise du travail : « L’homme se consacre plus facilement exclusivement à son travail dans la journée et reprend son rôle de père en rentrant. La femme, elle, est en continuum. »

Une source de pouvoir

Poids des habitudes, transmission de génération en génération mais aussi besoin de contrôle : « Il y a des formes de micro-pouvoirs dans la charge mentale, souligne le sociologue. L’homme qui ne se sera pas occupé de l’inscription de son enfant au club de sport ne pourra pas reprocher à sa femme l’activité choisie. »

Une situation difficile à rééquilibrer tant elle est inscrite dans les mœurs, mais rien n’est impossible. « La charge mentale ne peut pas être tournante d’un jour à l’autre. Pour mieux la répartir, il faudrait désigner des domaines de responsabilités au sein du couple, suggère François de Singly. Car on remarque que, en général, celui qui est responsable de certaines tâches les exécute. »

 

Source : ouest-france.fr