La purification de l’âme qu’enseigne l’islam n’est pas une tentative de changer la nature humaine et de supprimer tout désir et tout sentiment. Purifier son âme, en islam, veut dire simplement la débarrasser de tout attachement excessif au matériel, attachement qui, parce qu’excessif, nuit à la spiritualité. Et puis, purifier son âme, en islam, ne signifie pas faire seulement l’équilibre entre le corporel et le spirituel, mais établir un lien d’attachement véritable avec Dieu. Ce travail de purification et de construction intérieures reviennent donc en clair à développer en soi des qualités. Celles-ci ont été nommées “khuluq” (pluriel : “akhlâq”) par le Prophète (sur lui la paix). Il est courant de voir ce terme “khuluq” traduit par “manières”, dans le sens de “relations humaines”. Cette traduction est vraie, mais néanmoins incomplète. Selon al-Ghazâlî en effet, le “khuluq” revêt le sens beaucoup plus large de “trait profond de l’âme, trait en fonction duquel l’homme produit ses actes facilement” . C’est bien dans ce sens que Aïcha disait de son époux le Prophète Muhammad (sur lui la paix) que “son caractère (khuluq) était le Coran” (Muslim) : cela signifie qu’il avait intériorisé les dires et les normes coraniques.
Et al-Ghazâlî de souligner qu’avoir acquis un trait de caractère, ce n’est pas le simple fait de savoir quelque chose : combien de ceux qui savent les vertus attachées à la générosité restent pourtant avares. Il ne s’agit pas non plus de la capacité à faire quelque chose. Il ne s’agit pas non plus du fait de faire parfois quelque chose : car il arrive que celui qui a l’avarice comme trait profond de son âme fasse parfois un acte de générosité ; si cet acte est louable et s’il sera récompensé pour, cet homme n’en garde pas moins l’avarice comme trait de caractère. Les traits de caractère, explique al-Ghazâlî, sont en fait les qualités, ou au contraire les défauts, ces dispositions intérieures qui commandent les actions que l’homme fait : “khuluq hassan”, qualité ; “khuluq sayyi'”. Purifier son âme, c’est justement la débarrasser au maximum de ses défauts et l’embellir de ces qualités. Il faut ici préciser que déterminer si un trait de caractère est bon ou mauvais, cela se fait en se référant aux sources du Coran et de la Sunna.
Les quALITés : Des ACquIs PerMANeNTs : Dans le même sens que ce qu’a écrit al-Ghazâlî et que nous venons de citer ci-dessus, Shâh Waliyyullâh écrit en substance : “Lorsque l’homme a la foi (al-îmân) (une foi complète au point d’influer sur ses facultés morales et psychiques) et s’efforce d’adorer Dieu et de se soumettre à lui (al-‘ubûdiyya), et qu’il agit ainsi longuement, chaque partie de son âme absorbe sa part d’adoration de Dieu, et des dispositions naissent alors en elle. Si ces dispositions sont profondes et permanentes (malakah, ce sont des qualités” (Hujjatullâh il-bâligha, 2/242). “Sache que le cœur, animé par la lumière de la foi, doit agir face aux pulsions naturellement présentes chez l’homme (afin de créer un équilibre). Ce genre d’action du cœur porte un nom spécifique, selon le type de pulsion auquel elle est liée, et le Prophète (sur lui la paix) a cité le nom de chacune de ces actions du cœur. C’est lorsque le cœur arrive à une maîtrise (malaka) dans son action face à la pulsion naturelle, que naît la qualité. Ainsi : – la maîtrise de la colère s’appelle la magnanimité (al-hilm) ; – la maîtrise de l’élan sexuel s’appelle la chasteté (al-‘iffa) ; – la maîtrise de l’envie de se plaindre de ses malheurs s’appelle patience (as-sabr ‘ala-l-mussîba) ; – la maîtrise de sa paresse dans la pratique s’appelle persévérance (as-sabr ‘ala-t-tâ’a). – etc.
Certaines qualités dont parlent les sources de l’islam, Coran et Sunna, paraissent liées uniquement aux hommes, et donc à la société. D’autres sont en rapport avec Dieu et avec la place qu’on lui donne dans son cœur. Cette double dimension, horizontale et verticale, est en fait complémentaire : le lien avec Dieu permet d’équilibrer l’attachement que l’on a pour toute autre chose, et c’est cet équilibre qui est au fondement de toute qualité, fût-elle liée à la vie en société. CoMMeNT ACquérIr Des quALITés ? Si quelqu’un peut difficilement changer les fondements mêmes de sa personnalité, il peut en revanche agir sur ses “dispositions intérieures”. An-Nawawî relate ainsi, au sujet de savoir si les qualités humaines sont des dispositions qui sont innées ou qui peuvent être acquises, ce que alQâdhî ‘Iyâdh a écrit : “La vérité est que si certaines d’entre elles sont effectivement naturellement présentes chez certains, d’autres peuvent être acquises en s’efforçant de pratiquer ce qu’elles demandent” (Sharh Muslim, 15/79). Pratiquer ce qu’une qualité demande, c’est s’efforcer de faire ce que la personne possédant cette qualité fait : l’homme peut, par exemple, changer son mauvais caractère à l’égard des gens en s’efforçant quotidiennement de sourire, de s’intéresser aux autres, etc. Il peut également chercher à développer en lui l’amour pour Dieu en s’efforçant quotidiennement de penser à Lui, à tout ce qu’Il lui a donné, à Son infinie Bonté et Miséricorde, etc.