Du Dioulabougou du centre au campement Baoulé de l’ouest : l’impossible conflit communautaire (Première partie)

 

Les récents conflits communautaires suite à l’appel de l’opposition pourraient faire croire que les ivoiriens sont condamnés à ne pas vivre ensemble. C’est Archi faux, contre vérité et manipulation des consciences, une constante plus que récurrente dans ces pseudos conflits communautaires.

Ces conflits communautaires sont dans leur grande majorité liés aux événements politiques et en particulier avant, pendant et après les élections. Certains sont liés à des incidents mineurs exploités par des politiciens tapis dans l’ombre, désireux de régler des comptes antécédents avec leurs adversaires ou avec tout ce qui ressemble à leurs adversaires.

Maintenant au plan sociologique, la stratification des populations en particulier dans le monde rural, en autochtones, allochtones, et allogènes semble être l’une des causes. Car en fait la majorité des ivoiriens vivent en dehors des territoires de leurs parents. Par exemple les baoulés vivant à l’ouest de la Côte d’Ivoire dans leurs plantations et les campements sont considérés par les peuples de l’ouest comme des étrangers ou des allogènes. Et ils estiment qu’ils ont droit de vie et de mort sur eux. Il en est de même (ironie du sort) pour les baoulés par rapport aux dioulabougous de leurs bourgades. L’autre problème, c’est que l’autochtone estime, en général, que tous ceux qui vivent dans le Dioulabougou sont tous les mêmes. C’est à dire tous des étrangers. Donc, ils ont tendance à croire que par harcèlement, les étrangers vont quitter leur village. Il en est de même pour les peuples de l’ouest qui croient que par harcèlement les baoulés vont abandonner leurs plantations de café, cacao, leurs cheptels et leurs campements qu’ils ont construit et équipé à la sueur de leur front, pour retourner dans leurs villages du centre.

Si le sénégalais, le burkinabé, le nigérien, le nigérian…. est préparé à retourner dans son pays, il en est tout autrement pour, le sénoufo de Korhogo, le Malinké d’Odienné, de Séguéla, de Touba…..ou du guéré de Duekoue, du Yacouba de Man. Car eux sont nés parfois là, dans ce Dioulabougou de Mbatto, de Gohitafla, de Bettié ou dans le campement de Bayota. Le corps de leurs pères, mères et grands-pères et arrière grands-pères sont ensevelis là. Ils sont originaires certes d’Odienné, de Toumodi et de Korhogo, mais, ils n’y ont jamais vécu. En tant qu’ivoiriens, ils se sentent chez eux. Ils ne savent où aller en dehors de leurs campements et de leurs Dioulabougous. Abidjan appartient aux Ebriés certes. Imaginons que demain, les Ebriés s’arment de machettes et de fusils calibre 12 et décident de chasser tous les non-ebriés d’Abidjan. Immédiatement tous les non-Ebriés (Baoulés, Dioulas, Agnis, Bétés etc) vont se mettre ensemble pour résister et défendre leurs biens. En le faisant, ils n’en veulent pas aux Ebriés, mais ils se défendent et défendent leurs biens.

C’est exactement ce qui se passe chaque fois qu’un campement Baoulé est attaqué à l’ouest tout comme chaque fois qu’un Dioulabougou est attaqué en pays Baoulé ou Agni. Au cours d’un repas à la table d’un ministre dans une grande ville de l’ouest un élu de la région fait la proposition suivante « Monsieur le Ministre, je pense qu’il faut que dans les régions productrices de café et cacao comme chez nous, on devrait imposer une taxe pour les autochtones… ». Le Ministre le regarda   ‘‘yeux dans yeux’’ et déclara ce qui suit « il n’y a pas de région productrice de café et cacao. La région ne produit rien. Ce sont les paysans qui produisent. Et c’est grâce au travail des paysans qu’on construit les routes, les hôpitaux et les écoles accessibles à tous et à toutes…autochtones, allogènes, allochtones, tout le monde doit travailler…et si tout le monde travaille, il n’a pas de problèmes… ». L’élu local resta muet mais visiblement pas satisfait de la réponse du Ministre.

 

Imaginons un tel débat chez les autochtones…voilà tout le drame de notre pays ! Ceux qui doivent éduquer tiennent un langage populiste et irréaliste devant les jeunes désœuvrés et sans travail au lieu de les encourager comme ceux que leurs parents ont reçu depuis des dizaines d’années. Dans tous les cas de figure, les conflits communautaires nous enseignent au moins ceci :

  1. Des ivoiriens confondent toujours des frères ivoiriens à des étrangers. Avec pour conséquences la croyance naïve qu’ils peuvent chasser des gens qui sont nés là et qui ont tout sur place et même le corps de leurs grands-pères venu là avant même parfois les indépendances ;
  2. Certains ivoiriens croient aussi naïvement qu’il faut que leurs parents soient au Pouvoir pour avoir le salut sur Terre et dans l’au-delà ;
  3. Certains de nos compatriotes pensent et confondent parti et ethnie, parti et religion alors que la réalité est toute différente ;
  4. Certains ivoiriens ignorent que derrière un Kouakou, il peut y avoir une femme du nord, ou derrière un Gnahoré on peut trouver une Maman Ghanoré de Sakassou ou de Madinani ;
  5. Le langage des hommes politiques tente de faire croire à leurs partisans que ce sont eux les vrais ivoiriens et les autres qui ne partagent pas leurs points de vue politiques seraient des faux ivoiriens pour ne pas dire étrangers. Quand le Respectable Henri KONAN Bedie traite les militants du Rhdp Paris de non ivoiriens, que voulez-vous que le jeune adorateur de Bédié de Bediekro pense de son voisin Yacou de dioulabougou ?
  6. Quand un respectable journal de la place donne la parole à des chefs traditionnels tribalistes notoires, que voulez-vous que les fidèles lecteurs qui ne jurent que par ce journal fassent ?
  7. Notre devise est Union-Discipline-Travail. Mais dans quelle école, enseigne-t-on ces trois valeurs ? On devient mathématicien parce qu’on a appris les mathématiques. Aussi simple que ça !
  8. Dans qu’elle école on enseigne l’amour de la Patrie, le respect des biens publics ? Nulle part !
  9. Regardez comment on traite le Président de la République dans la bouche des opposants ; Sur une chaîne internationale, Affi a traité Ado, d’Hitler devant un journaliste blanc d’origine juive selon certaines sources. Pour un adorateur de Affi à M’Batto, quel sera l’impact d’un tel discours ?
  10. Le traitement sécuritaire des conflits communautaires par nos forces de l’ordre n’est pas de nature à endiguer durablement ce phénomène. Autant les pays européens ont des juges et des tribunaux spéciaux contre le terrorisme autant nous devons avoir des dispositifs spéciaux pour traiter les conflits communautaires. Car c’est la menace la plus sérieuse à notre stabilité, notre unité et à la construction de notre Nation ;
  11. L’inefficacité des rois et des chefs traditionnels. Car est à déplorer parfois. Malgré l’existence de la Chambre des rois et chefs traditionnels avec un statut particulier, ni collectivement et ni individuellement les chefs et rois ivoiriens n’interviennent à temps quand les conflits communautaires surviennent. Quand par hasard ils interviennent, c’est après, comme le médecin après la mort ;
  12. La manipulation des chefs traditionnels par les hommes politiques reste toujours une source de danger et d’inquiétude ;
  13. La mauvaise utilisation des réseaux sociaux avec la fabrication industrielle des Fakes news et l’incapacité avérée des pouvoirs publics à lutter contre ce nouveau phénomène ; et
  14. La libre circulation des armes létales de destruction massives communautaires, de machettes et de fusils calibre 12, est l’un des plus grands dangers contre la paix.

 

ÉDITORIAL

Par Fatim Djamila

(A suivre…)