Originaire du sud algérien, artiste autodidacte et « fille de zaouias », Faïza Tidjani a co-signé un ouvrage calligraphique en hommage au Prophète (PBDSL) intitulé « la Burda du désert » avec Touria Ikbal et Muhammad Valsan. Mizane.info l’a rencontré à la Maison soufie.
Faïza Tidjani est une artiste autodidacte du sud algérien, qui a vécu entre deux villes, Tamacine près de Touggourt au sud d’Alger, dont elle est originaire et Constantine. Une vie qui a oscillé entre deux zaouias, la zaouia tidjania du côté paternel et la zaouia rahmania du côté maternel.
Cette femme très pudique, au regard et à la voix orientés vers les profondeurs, est la co-auteure avec Touria Ikbal et Muhammad Valsan de la Burda du désert, un ouvrage qui réunit toiles calligraphiques et textes sur le poème consacré au Prophète (la Burda, le manteau, ndlr).
« Un jour mon père m’a offert plusieurs livres de sa bibliothèque parmi lesquels la Burda de l’imam al Busayri. Ce livre a été un déclic », explique-t-elle à Mizane.info.
Une œuvre inspirée par la passion prophétique
Un déclic qui s’est passé au cours d’un mois de Ramadan. Après avoir lu la Burda, Faïza Tidjani s’est sentie traversée et frappée d’une émotion très intense « envers Allah et son Prophète (PBDSL) ». « Il fallait que je traduise cette émotion sur le plan artistique avec la calligraphie ».
Le résultat de cette inspiration sera une trentaine de toiles réalisées sur une période d’une année, en 2011. On y retrouve, inscrits en filigrane, des passages du poème de la Burda, des adhkars (invocations) ainsi que « al asma Allah wal husna » (noms et attributs divins) calligraphiés par exemple sous forme de palmiers.
« Ces mentions sont représentées de manière très fine et échappent au regard de l’observateur. Plus j’écris petit, plus le public se montre curieux de savoir ce qui est exprimé », nous confie-t-elle.
Après avoir exposé cette œuvre en Algérie, au Maroc, et au Centre culturel algérien à Paris, cette collection a trouvé refuge à la Maison soufie durant le Festival soufi de Paris qui vient de se clôturer.
Une œuvre qu’elle rechigne à vendre à des collectionneurs, même si elle confesse s’être déjà « séparée » de deux toiles.
« J’aimerais que ces œuvres finissent un jour dans un lieu mystique. Je ne fais pas le lien entre mon travail et mes besoins matériels. Ce travail n’a pas de prix. C’est l’enseignement de la religion que j’ai reçu. Al arzaq (la rétribution, ndlr) vient d’Allah. Malgré le fait que je ne travaille pas, je ne manque de rien ».
S’il fallait résumer cette œuvre à un mot, ce mot serait « le nom du bien aimé de Dieu, Rassouloullah (PBDSL) ».
La calligraphie comme adoration artistique
Sa méthode de travail, Faïza la puise au fond d’elle-même, sans ligne d’approche ni objectif bien défini. « Je travaille instinctivement. Parfois, j’essaie de voir après coup les symboles que j’ai exprimés, mais j’évite. Lorsque je commence un tableau, je n’ai aucune idée du résultat final. ».
Faïza Tidjani refuse également de signer ses œuvres. « On m’a obligé à le faire », concède-t-elle avec réserve.
Dans ses toiles calligraphiques, les montagnes font le plus souvent référence aux « ayats al Coran » (versets coraniques) évoquant les montagnes et qui l’émeuvent particulièrement. Un œil avisé saura y déchiffrer des formules de tahmid (Louanges à Dieu, ndlr).
Une anecdote la renvoie subitement à l’enfance. « Petite, nous traversions avec ma famille le paysage algérien de Constantine vers le sud et je disais à mon père : « Les montagnes marchent ».
A l’image du soufisme, le symbolisme des oiseaux est aussi très présent. Qu’exprime-t-il ? « La dualité masculin-féminin, sans doute, avec un cœur qui se forme ». La pyramide, le croissant de Lune, les étoiles, les formes géométriques et les astres se conjuguent dans cette collection de la Burda du désert pour célébrer la grandeur et l’amour du Prophète (PBDSL).
Chez Faïza Tidjani, elle confirme nettement le statut de la calligraphie comme forme artistique de l’adoration. Une forme qui comporte sa part de zahir (visible) et de batin (caché).
Pour obtenir la couleur de ses toiles, Faïza a eu recours à l’encre de couleur employée pour l’écriture traditionnelle du Coran dans les madrassas, qu’elle a su conjuguée à du henné. Une plume classique de roseau est utilisée pour la calligraphie. « En tant que fille de zaouia, j’ai pu avoir ces outils facilement », glisse-t-elle avec reconnaissance.