HOUPHOUET, BEDIE ET LE COMPLOT DU GENERAL KOUASSI (Suite et fin)

 

F-FACE A FACE – PRESIDENT HOUPHOUET ET DUPUCH

L’ambassadeur arriva séance tenante. Je le fis avancer et demeurai debout à l’entrée de la terrasse, alors qu’il était assis avec le président « Berrah m’a informé du complot. Je n’ai pas besoin de vérifier les faits, il a toute ma confiance. » Le président était ferme. Il remit le combiné à Dupuch : « Appelez votre président et dites-lui d’arrêter son aventure. » Les doigts tremblants, l’ambassadeur appela l’Élysée, mais le président Mitterrand n’était pas joignable. Il composa un autre numéro et entra en communication avec Roland Dumas, le ministre français des Affaires étrangères : « Le président Houphouët est au courant. » Il fit une petite pause, puis raccrocha le combiné. Le président se leva et me demanda d’escorter l’ambassadeur vers sortie. J’ouvris promptement la voie à Dupuch, mais le gendre du président, Simplice Zinsou, arriva à la résidence à ce moment précis. Il nous salua et offrit de l’accompagner.

Le général Ory et son adjoint le général Kouassi furent tous deux démis de leurs fonctions le soir même. Le président Houphouët s’entretint avec bon nombre de colonels dont il était sûr de la loyauté, il les soumit à une série de tests méticuleux et réorganisa ainsi la structure hiérarchique. Le colonel Gueï fut promu chef d’état-major des forces armées ivoiriennes le 6 juin 1990, mais la majorité des Ivoiriens se réveillèrent en apprenant la nouvelle vingt-quatre heures plus tard, après confirmation de sa nomination par le Conseil des ministres. Le complot qui aurait altéré à jamais le paysage politique de la Côte d’ivoire avorta. Des investigations pointèrent du doigt une collusion entre Bédié et les Français, mais au nom de la paix et de l’harmonie dans le pays, le président ne prit aucune mesure disciplinaire.

Il rappela au service le général Ory et le nomma ambassadeur en Egypte environ un mois plus tard. Le général Kouassi fut nommé ambassadeur en Algérie et en Tunisie. Dès lors, l’ambassadeur Dupuch s’adonna à toutes sortes de stratagèmes pour éviter de me rencontrer à la résidence présidentielle. Lorsqu’il m’apercevait, plutôt que d’attendre son chauffeur se présenter à l’entrée principale, il se précipitait vers le parking pour retrouver sa voiture. Son attitude ne me préoccupait point.

Le président se sentait seul au sommet, mais il était endurant et demeurait un leader ferme, toujours patient face à la tension sociale et à la paix fragile. Il était fidèle à sa méthode préférée, le dialogue, et continuait à s’entretenir avec les représentants des diffé­rents groupes socioprofessionnels de même qu’avec les groupes de ­la strate politique. Il s’engageait dans des audiences qui se prolongeaient jusqu’au milieu de la nuit, souvent jusqu’à 3, 4 ou 5 heures.

Fin…

Source: LES MEMOIRES DU Dr BERRAH (Ancien conseiller du Président Felix HOUPHOUET BOIGNY)