INTERVIEW/Dr AKA KONIN (DIRECTEUR GENERAL DE L’OIPC)

 

Le 29 juillet 2021, Mariette Badou N’Guessan Kouamé, ministre de la Culture et de l’industrie des Arts et du Spectacle, déclarait que huit mosquées de type soudanais, Mais le Nord de la Côte d’Ivoire, ont été Inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO- avant, le 29 juin 2012, la ville historique de Grand-Bassam avait également était déclarée patrimoine mondial. Qu’est-ce qui a motivé le choix de ces sites historiques et culturels ? Neuf ans après, que devient la cité balnéaire de Grand-Bassam ? Combien de biens ivoiriens sont classés au patrimoine culturel de l’UNESCO ? Pour expliquer le processus de sélection, les enjeux, pour la Côte d’ivoire, d’abriter un bien classé Patrimoine de l’Unesco, Dr Aka Konin, directeur général de l’OIPC (Office Ivoirien du patrimoine Culturel), en première ligne dans tout le processus, explique tout, en sa qualité d’expert en culture et développement, muséologue et conservateur en chef.

 

Le Patriote : Qu’entend-on par site classé patrimoine mondial De l’UNESCO ?

Aka Konin : Le Patrimoine mondial est une appellation attribuée à des lieux ou des biens, situés à travers le monde, possédant une valeur univer­selle exceptionnelle, c’est-à-dire d’une importance Culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales. A ce titre, ils sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial pour être protégés afin que les géné­rations futures puissent encore les apprécier à leur tour. Ces lieux et ces biens, aussi divers et unique que les pyramides d’Egypte, la Grande Bar­rière de corail australienne, les Iles Galápagos en Equateur, le Taj Mahal en Inde, le Grand Canyon aux Etats- Unis. l’Acropole en Grèce. la Ville Historique de Grand-Bassam, les Mosquées de style soudanais du nord en Côte d’ivoire, sont quelques exemples de biens actuellement ins­crits sur la Liste du Patrimoine mon­dial. Depuis juillet 2019. cette liste compte 869 biens culturels, 213 biens naturels et 39 biens mixtes avec 53 biens sur la Liste du Patri­moine mondial en péril. L’Afrique représente moins de 9% des biens au Patrimoine Mondial, donc sous- représentée.

LP : Quelles sont les retom­bées ou bénéfices, pour un pays, d’avoir un site, un bien ou une ville déclarée patri­moine mondial de l’UNESCO ?

AK : Les retombés de l’inscription d’un site sur la liste du patrimoine mondial sont multiples. Il s’agit, entre autres, de l’appartenance à une com­munauté internationale qui sauve­garde les biens d’importance univer­selle ; un prestige énorme pour l’Etat partie qui s’ouvre davantage au reste du monde ; l’accès au fonds du patri­moine mondial ; une assistance d’ur­gence pour réparer les dommages causés par les catastrophes natu­relles ou par l’activité humaine. C’est le cas de la ville historique de Grand- Bassam qui, suite à la crise d’inonda­tion qui a eu lieu en octobre 2019, l’UNESCO a diligenté une mission d’experts pour évaluer les dom­mages et apporter des solutions. C’est également le cas des mauso­lées de Tombouctou classés patri­moine mondial, et endommagés au cours de l’occupation du nord et du centre du Mali par des groupes armés en juillet 2012. Grâce à une mobilisation internationale, ces monuments ont été reconstruits. Il y a aussi une augmentation de la renom­mée internationale de ce patrimoine, ce qui renforce les activités touris­tiques sur le site et l’attrait des inves­tisseurs étrangers ; un développe­ment remarquable du tourisme local ; une contribution notable au dévelop­pement économique local par la création d’activités génératrices de revenus et enfin, la création d’entre­prises favorisant l’emploi jeunes, d’où la réduction du chômage Par exemple, la création d’entreprises artisanales (vente de produits dérivés représentatifs du patrimoine culturel des localités concernées).

LP : Pour qu’un site, une ville ou tout autre bien soit déclaré patrimoine mondiale de l’UNESCO, combien de temps faut-il ?

AK : Il n’y a pas de délai prescrit. Tout dépend de la volonté de l’Etat. Pour Grand-Bassam par exemple, le dossier a été lancé 10 ans avant que fa ville historique ne soit classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Pour les mosquées de type souda­nais, au Nord, c’est en 2015 que nous avons lancé le processus qui nous a coûté plus de 589 millions de FCFA. Les questions de financement des dossiers rendent le processus lourd.

LP : Quelles sont les étapes d’inscription au patrimoine mondial ?

AK : D’abord, l’Etat partie doit ratifier la convention appelée la Convention 72 de I’UNESCO portant protection du patrimoine mondial culturel et naturel. A partir de cet instant, vous devenez, Etat partie de la convention. Ensuite, il faut une liste indicative, une sorte d’inventaire, demandée à chaque Etat partie déposée à I’UNESCO. C’est une liste de 10 sites, au maximum, qui peut être actualisée. C’est sur la base de cette liste que chaque année, selon la disponibilité des moyens, qu’on sort un site pour en faire un dossier en vue de le déposer à I’UNESCO. En 2006. la Côte d’ivoire avait déposé une liste indicative de 4 sites que sont : Grand- Bassam, les Mosquées du Nord, le Parc archéologique d’Ahouakro et le Parc national des îles Ehotilé. Quand c’est un site culturel, I’UNESCO envoie un expert sur le terrain afin de vérifier la conformité des éléments, dans le dossier, avec le terrain Après quoi, le dossier est transmis au Comité du patrimoine mondial regroupant 21 Etats membres, tous souverains. Quitte à eux de décider de classer ou non un site sur la base des documents tournis.

LP : Que gagne concrètement la Côte d’Ivoire de voir Grand- Bassam, les Mosquées de style soudanais et d’autres biens classés patrimoine mondial ?

AK : En dehors du prestige dont jouit la Côte d’Ivoire, et les autres avan­tages susmentionnés, la mise en valeur touristique de nos sites clas­sés patrimoine mondial est une source de recettes financières mul­tiples : droits d’entrée des sites, visites guidées, vente de produits dérivés, documents et photos, artisa­nat, etc. Elle est aussi l’occasion de retombées économiques Induites importantes : dépenses effectuées par les visiteurs pour I ’hébergement, la restauration, les transports. En somme, avec le classement de ses biens au patrimoine do I’UNESCO. La Côte d’Ivoire jouit de prestige et engrange d’importantes retombées financières. Pour les collectivités, elle peut être encore une source de revenus par les taxes per­ceptibles (sur le séjour, les transports, les sociétés de tourisme), comme c’est le cas de Djenné au Mali, une vielle ville dont la mosquée est consi­dérée comme un joyau architectural en terre et inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988. Sur ce site, tout touriste doit payer une taxe d’entrée, à la mairie, qui est de 1000 F CFA par personne. Si l’on table sur une moyenne de 8 000 tou­ristes, la somme que peut avoir la commune s’élèverait à 8 000 000 FCFA. Ces recettes peuvent atteindre, certaines années, 15 000 000 de FCFA Par ailleurs, l’arrivée des touristes sur les sites de la ville histo­rique de Grand-Bassam et des Mos­quées de style soudanais va entraî­ner le développement de différents secteurs, dont ceux de l’hôtellerie, de la restauration, de l’artisanat, du gui­dage et du commerce. Les projets de développement, en général, déclinés sous les termes de développement durable, se font en direction de la population et ciblent notamment le secteur de l’artisanat puisque ce sec­teur permet de créer des emplois. La création d’hôtels et de maisons d’hôtes va également accompagner l’essor touristique. Les guides vont aussi profiter de l’essor du tourisme. Au Sénégal, par exemple, le Centre historique de Saint-Louis, site simi­laire à la ville historique de Grand- Bassam, a vu son nombre de visi­teurs doubler en quatre ans depuis son inscription sur la liste du patri­moine mondial de l’UNESCO. Les arrivées touristiques au Sénégal esti­mées à un million en 2012, ont engendré des recettes de 352 mil­liards F CFA.

LP : Comment est-on arrivé à la sélection de huit mosquées alors que la Côte d’ivoire en compte plus ?

AK : Après l’inscription de la ville his­torique de Grand-Bassam sur la liste du patrimoine mondial en 2012, lors de la 36ème session du Comité du Patrimoine mondial à Saint-Péters­bourg (en Fédération de Russie), la Côte d’ivoire, à travers l’Office Ivoi­rien du Patrimoine Culturel (OIPC), structure créée en 2012, a entamé en mars 2015, le processus d’inscription des mosquées de style soudanais du nord ivoirien. Ce choix répond à une géopolitique culturelle, puisque les trois autres sites inscrits sur la liste Indicative transmise par l’État partie de Côte d’ivoire au Centre du Patri­moine mondial de l’UNESCO sont localisés au sud (Ville historique de Grand-Bassam, Parc archéologique d’Ahouakro, Parc national des îles Ehotilé). Les recherches documen­taires initiées ont montré que leur nombre qui était estimé à plus de 300 dans les années 1900, s’est considé­ration réduit aujourd’hui à une ving­taine, par des facteurs naturels et anthropiques. Les mosquées de style soudanais du nord ivoirien sont tes seuls édifices religieux islamiques en terre de la Côte d’Ivoire, à ce jour. Ces édifices bâtis en banco sont localisés dans différentes régions du nord du pays. Ce sont les régions du Poro (Mbengué, Nambira, Boron) ; du Worodougou (Siana, Kani), du Béré (Tléningboué), du Kabadougou (Samatiguila), du Folon (Sokoro Mahandiana-Sokourani et Sobala) du Bafing (Ganhoué), de la Bagoué (Kouto, Tengrela), du Tchologo (Kaoura, Nafana, Kong) du Gontougo (Sorobango) et du Bounkani (Bouna).

LP : Quel a été le processus de sélection des huit mos­quées inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ?

AK : En vue de faire acte de candidature, huit mosquées représentatives, été sélectionnées sur l’en- semble pour porter le projet. Ce sont la mosquée de Nambira (Région du Poro) ; la mosquée de Samatiguila (Région du Kabadougou). les mos­quées de Kouto et de Tengrela (Région de la Baguoué), la petite et la grande mosquée de Kong, la mos­quée de Kouara (Région Tchologo) ; la mosquée de Sorobango (Région du Gontougo). La série sélectionnée présente les mosquées les mieux conservées et les plus authentiques du point de vue de l’ar­chitecture, des matériaux et de l’usage. Chaque élément constitutif est porteur d’une partie spécifique de la valeur universelle exceptionnelle du bien. Plusieurs étapes ont conduit à leur sélection. On peut citer, entre autres, le 25 novembre 1980 où il y a eu la ratification de la convention de (UNESCO concernant la protection d’une patrimoine mondial, naturel et cul­turel par État partie de Côte d’ivoire par le décret n°80-1214 du 25 novembre 1980. Le 29 novembre 2006, c’était la soumission au Centre du Patrimoine mondial de l’UNESCO de la liste indicative nationale com­prenant quatre biens. Du 23 mars au 5 avril 2015, il y a eu la première mis­sion d’évaluation et de documenta­tion des mosquées de style souda­nais du nord ivoirien effectuée par l’Office Ivoirien du Patrimoine Culturel (OIPC) dans les localités de Soro­bango, Bouna, Kong, Nafana, Kaouara, Boron, Tiéningboué et Siana. Du 26 avril au 1er mai 2017, nous avons bénéficié de l’assistance technique du Royaume du Maroc pour l’élaboration du dossier de can­didature. Du 16 au 19 janvier 2020, il s’est tenu l’atelier national de rédac­tion et de validation du dossier de candidature, suivi de la transmission, le 30 janvier, du dossier de candida­ture au Centre du Patrimoine mondial de l’UNESCO à Paris. Et après plu­sieurs autres étapes, le 27 juillet 2021 enfin, c’était l’inscription dos mos­quées de style soudanais du nord ivoirien sur la liste du patrimoine mon­dial de l’UNESCO lors de la 44e ses­sion élargie du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, qui s’est tenue du 16 au 31 juillet 2021 à Fuzhou en République populaire de Chine (session en ligne en raison du Covid-19).

LP : À ce jour, la Côte d’ivoire dispose de combien de bien classés au patrimoine de l’UNESCO ?

AK : La Côte d’ivoire compte cinq biens inscrits sur la liste du patrimoine

mondial de l’UNESCO. Il s’agit de deux biens culturels, à savoir Grand-Bassam et les mosquées de style soudanais du nord ivoirien. En ce qui concerne les trois autres biens natu­rels, il s’agit de la Réserve naturelle intégrale du mont Nimba (Côte d’Ivoire-Guinée), en 1981 ; le Parc national de Taï (1982) et le Parc natio­nal de la Comoé (1983). À côté de ces sites inscrits sur la liste du patri­moine mondial, la Côte d’ivoire compte trois éléments inscrits sur la liste représentative du patrimoine cul­turel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Il s’agit du Gbofé d’Afounkaha, musique des trompes traversières de la communauté Tagbana (2008), du Balafon Djéguélé des communautés sénoufo (2012), et du Zaouli, musique et danse populaire des communautés Gouro (2017). Il convient d’indiquer que la liste repré­sentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, a été initiée en 2006 par l’UNESCO, et est composée des expressions qui démontrent la diver­sité du patrimoine culturel immatériel et qui font prendre davantage conscience de son importance.

LP : D’autres sites sont-ils en lice pour être Inscrits ?

AK : Les sites en lice pour être ins­crits sur la liste du patrimoine mondial concernent pour le moment les deux biens restants sur la liste indicative transmise en 2006 par l’Etat partie de Côte d’ivoire au Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit du Parc national des îles Ehotilé et du Parc archéologique dAhouakro. À partir de 2022, nous entamons le pro­cessus d’inscription du Parc national des îles Ehotilé, qui est un site mixte (naturel et culturel). Pour ce qui est de l’inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, nous tra­vaillons actuellement sur le dossier d’inscription des « Savoir-faire tradi­tionnels liés au tissage du pagne en Côte d’ivoire ».

LP : La Ville historique de Grand Bassam a été déclarée patrimoine mondial de l’Unesco en 2012. Neuf ans après, quel bilan ?

AK : Grand-Bassam a été inscrite le 29 juin 2012 lors de la 36ème session du Comité du Patrimoine mondial de l’UNESCO à Saint-Pétersbourg, en Fédération de Russie, par la décision 36 COM 8 B. 17, sur la base des cri­tères (iii) et (iv) qui se déclinent en quatre (4) valeurs à savoir : la valeur urbanistique et architecturale ; la valeur environnementale et paysa­gère ; la valeur historique et la valeur culturelle. Neuf ans après l’inscription du site sur la liste du patrimoine mon­dial de l’UNESCO, le bilan révèle que seulement 20% à 25% des projets prioritaires du plan de conservation et de gestion de ce bien ont été mis en œuvre. En outre, certaines recommandations de l’UNESCO n’ont pas encore trouvé de solution, notamment la réouverture de l’embouchure du fleuve Comoé, ainsi que la restau­ration de l’ex-Palais de justice et de la Maison du Patrimoine Culturel. Cette situation est due à l’insuffisance des moyens financiers mis à la disposition du ministère de la Culture pour la gestion du site. Par ailleurs, le site s’est davantage dégradé suite à l’inondation consécutive à une pluie diluvienne survenue en octobre 2019. Face à cette crise, l’UNESCO a dili­genté une mission d’experts sur le site. Cette mission, après sa visite sur le site et les constats faits, a men­tionné dans son rapport plusieurs points dont le plus important est la sauvegarde d’urgence du bien, auquel cas le site pourrait être mis sur la liste du Patrimoine en péril. Avant la prochaine évaluation du rapport sur l’état de conservation de la Ville histo­rique de Grand-Bassam par le Comité du Patrimoine mondial de l’UNESCO, l’État de Côte d’ivoire est tenu de respecter ses engagements afin d’éviter que notre seul bien cultu­rel soit mis sur la liste du patrimoine mondial en péril.

LP : Qu’est-ce qui est fait pour éviter cela ?

AK : Consciente de cette situation, la nouvelle ministre de la Culture et de l’industrie des Arts et du Spectacle a décidé de réagir. C’est ainsi qu’elle a effectué une visite sur le site en mai 2021 afin de constater de visu l’état de conservation du bien. Suite à cette visite, elle a donné des instructions à la Direction Générale de l’Office Ivoi­rien du Patrimoine Culturel afin que des projets urgents à mettre en œuvre cette année (2021) soient proposés. Los actions urgentes donc proposées sont estimées à 1 251 574 689 FCFA sur un montant total do 70 643 960 540 FCFA (coût global du Projet de sauvegarde et de valorisa­tion du site), qui prendra on compte le renforcement du cadre juridique et réglementaire, la conservation et le renforcement de la Valeur universelle exceptionnelle (VUE), la valorisation, la promotion et l’animation du site. L’État devra donc soutenir le minis­tère de la Culture et de l’industrie dos Arts et du Spectacle pour la mise en œuvre de ces actions urgentes pour éviter que le site ne soit mis sur la liste du patrimoine mondial en péril.

LP : Un atelier avait envisagé l’actualisation des projets de la ville historique. Qu’en est-il ?

 AK : Le Bureau UNESCO à Abidjan, en collaboration avec le ministère do la Culture et de l’industrie des Arts et du Spectacle, a organisé du 1 er au 2 juillet. 2021 à Assoyam Beach (Grand-Bassam), un atelier de finali­sation du Plan de conservation et de gestion de la Ville historique, incluant un plan de gestion de risques de catastrophes. Des recommandations ont été formulées au cours de cet ate­lier et les différentes composantes de ce Plan sont en cours de validation par les différents groupes de travail. Pour ce faire, des séances de travail sont organisées au Bureau UNESCO. Il faut dire que le Plan de conservation et de gestion constitue un outil pratique d’administration qui a permis à l’État d’orienter ses actions de préservation, de conservation et de mise en valeur de la Ville histo­rique de Grand-Bassam. À la pratique, force est de reconnaître que cet outil de gestion du bien com­porte des insuffisances et quelques dysfonctionnements qui n’ont pas toujours permis d’atteindre les résul­tats escomptés. Fort de ce constat et au terme de ce plan de conservation et de gestion quinquennal (2012-­2017), il est apparu donc indispen­sable que ce dispositif de gestion soit actualisé et renforcé afin de pérenni­ser la protection, la conservation et la valorisation de ce bien.

LP : Un site ou un bien classé patrimoine de l’UNESCO peut- t-il être menacé ou déclassé ? Quelles peuvent être les rai­sons ?

AK : Le déclassement est l’étape ultime. Un site classé patrimoine mondial de l’UNESCO peut être mis sur la liste du patrimoine mondial en péril ou retiré de cette liste. La liste du patrimoine mondial en péril est une liste de biens figurant sur la liste du patrimoine mondial pour la sauve­garde desquels de grands travaux sont nécessaires. Elle est conçue pour informer la communauté inter­nationale des conditions menaçant les caractéristiques mêmes qui ont permis l’inscription d’un bien sur la liste du patrimoine mondial et pour encourager des mesures correctives. Ne peuvent figurer sur cette liste que des biens du patrimoine culturel et naturel qui sont menacés de dangers graves et précis, tels que la menace de disparition due à une dégradation accélérée, à des projets de grands travaux publics ou privés, au rapide développement urbain et touristique, un conflit armé venant ou menaçant d’éclater, les calamités et cata­clysmes, grands incendies, séismes, glissements de terrain, éruptions vol­caniques, inondations, raz-de-marée, etc. Depuis juillet 2019, la liste du patrimoine mondial en péril compte 53 biens sur la liste du patrimoine mondial en péril, dont 30% situés en Afrique. En ce qui concerne le déclassement, un site inscrit sur la liste du patrimoine mondial peut être retiré si l’UNESCO (Comité du patrimoine mondial) estime que le bien en question n’est pas correctement géré et protégé. Dans un premier temps, les “ menacés identifiées, le bien peut être mis sur la liste du patrimoine mondial en péril, le temps de mettre en place une concertation avec les autorités locales et de déterminer une stratégie pour remédier au problème. Si la dis­cussion échoue, le Comité du Patri­moine mondial peut donc retirer le label « patrimoine mondial » à ce site. À ce jour, seuls quatre sites ont été retirés de la liste du patrimoine mon­dial depuis la création de la liste en 1972. Ce fut le cas, la première fois, en 2007, à Oman, pour le sanctuaire de l’oryx arabe, une espèce rare d’an­tilope, classé depuis 1994. En cause, la décision de l’Etat de réduire de 90 % la surface de la réserve pour un projet de prospection pétrolière. La seconde, en Allemagne. En 2009, cinq ans après son inscription, la Val­lée de l’Elbe à Dresde est retirée de la liste, en raison de la construction d’un pont routier à quatre voies, décidée par le gouvernement local. Le troi­sième bien est la Cathédrale de Bagrati en Géorgie en 2017, et pour cause ; en juin 2012, les travaux de reconstruction en béton lancés à ini­tiative du président géorgien Mikheil Saakachvili). Le quatrième site est le port de Liverpool, classé en 2004, et retiré en raison d’un surdéveloppe­ment de ce port.

LP : Y a-t-il des sites menacés d’être inscrits sur la liste du patrimoine en péril ?

AK : En Côte d’ivoire, deux sites ont été mis sur la liste du patrimoine mon­dial en péril. Il s’agit du Parc national de la Comoé, l’une des plus vastes aires protégées d’Afrique de l’Ouest, qui a été inscrit sur la liste du patri­moine mondial en péril en 2003. Car il était menacé par l’exploitation agri­cole, l’extraction d’or illégale et le bra­connage, qui affectent ses popula­tions d’espèces. Mais, après avoir apporté des mesures correctives, le statut en ‘péril’ lui a été retiré à la 41e session du Comité du patrimoine mondial, qui s’est tenu à Cracovie, en Pologne, du 2 au 12 juillet 2017. Le deuxième site concerne la Réserve naturelle intégrale du mont Nimba (Côte d’ivoire-Guinée, site transfron­talier, Ndlr), inscrit sur la liste du patri­moine mondial en péril en 1992, du fait de la concession, pour l’exploita­tion de minerai de fer, dans l’enceinte du bien en Guinée, de l’afflux d’un grand nombre de réfugiés en prove­nance du Libéria dans et autour de la réserve, de structure institutionnelle.  insuffisante.

 

Interview réalisée par Fousseny Touré

Le patriote – N°6492 du vendredi 27 août 2021, Page 10-11