La dernière Interview d’Hamed Bakayoko avec Jeune Afrique (suite et fin)

La Côte d’Ivoire enregistre depuis l’élection d’Alassane Ouattara de solides performances économiques, avec un taux de croissance moyen d’environ 8 % sur la période 2012-2019. Le revenu réel par tête a fortement progressé [+ 36,4 %] et l’inflation a été contenue en dessous de 3 %, soit le seuil maximal fixé au sein de l’Ueoma. Ces performances traduisent la bonne exécution des plans de développement et la mise en œuvre d’importantes réformes structurelles.

NOUS AVONS FAIT SORTIR ENVIRON 4 MILLIONS DE PERSONNES DE L’EXTRÊME PAUVRETÉ

Nous avons inversé de façon significative, et ce pour la première fois, la courbe de la pauvreté, qui était en hausse depuis 1985. Ce taux a baissé de 15,6 points, passant de 55 % en 2011 à 39,4 % en 2018. Cela représente environ 4 millions de personnes qui sont sorties de l’extrême pauvreté. Le taux d’électrification, lui, est passé de 33 % en 2011 à près de 74 % en juin 2020.

Notre pays dispose désormais de 1100 localités desservies par l’hydraulique urbaine contre environ 700 en 2011. Dans le domaine de la santé, plus de 850 centres de premier contact ont été construits ou réhabilités, de même que 78 hôpitaux généraux. Plus de 33 000 salles de classes de primaire et de préscolaire ont été construites, contre seulement 11 000 au cours de la décennie précédente.

L’indice de sécurité s’est nettement amélioré. Il est aujourd’hui de 1,2 contre 3,6 au sortir de la crise en 2011. La réforme du secteur de la sécurité donne de bons résultats, la lutte contre le terrorisme est efficace. Aujourd’hui, nous projetons des troupes au Mali et dans d’autres pays.

Au-delà de ces aspects, je peux vous citer le repositionnement diplomatique et international de la Côte d’Ivoire avec notre mandat au Conseil de sécurité de l’ONU, le retour de la BAD et de bien d’autres institutions régionales à Abidjan. Il faut vraiment être malhonnête pour nier les résultats obtenus depuis 2011.

Lors de notre entretien avec Hamed Bakayoko à la primature, en septembre 2020.

Quelle est la matrice du projet qu’Alassane Ouattara et votre parti présentent aux Ivoiriens pour le 31 octobre ?

Tout d’abord, c’est le maintien de la paix et de la sécurité, pour que l’environnement attractif de notre économie soit pérennisé. Ensuite, le président a déjà décliné ses priorités quant à la transformation structurelle de notre économie.

Aujourd’hui, nous sommes un grand pays exportateur de matières premières. Notre objectif est d’accroître notre taux de transformation au niveau local en vue de bénéficier d’une plus grande valeur ajoutée de nos filières agricoles. Avec l’appui du secteur privé, la Côte d’Ivoire compte atteindre un taux de première transformation de toutes ces matières premières agricoles d’au moins 50 % en moyenne à un horizon proche.

Nous sommes déjà bien lancés dans certains domaines, comme l’anacarde et le cacao. L’enjeu est de rendre la croissance plus inclusive en créant davantage d’emplois pour nos jeunes. Il faudra donc créer les conditions pour avoir des investissements compétitifs dans le secteur de l’agro-industrie. Nous avons créé des zones industrielles, trois grands pôles qui vont permettre d’accroitre les investissements du secteur privé et donner des emplois à la jeunesse ivoirienne.

Il est donc fondamental de transformer structurellement l’économie du pays grâce à l’industrialisation. Il faut veiller à bien cibler les segments vecteurs de croissance inclusive et travailler à faire émerger des champions nationaux dans ces secteurs.

J’ATTENDS TOUJOURS LE PROJET DE BÉDIÉ, SON AMBITION POUR LA CÔTE D’IVOIRE DE DEMAIN

Personne ne conteste l’évolution du pays et la production de richesse sur la dernière décennie. Les critiques portent plutôt sur la répartition de cette richesse…

Le chef de l’État, qui est un économiste de grande renommée, a fait le choix de miser sur des secteurs producteurs de richesse. Les retombées sont de plus en plus concrètes pour la population. Le président a d’abord privilégié l’investissement dans les infrastructures, la santé, l’éducation. En Côte d’Ivoire, malgré le Covid-19, le baccalauréat a été maintenu, avec un taux de réussite de 40 % contre 41 % l’année précédente, et le pays comptera bientôt neuf universités – contre trois en 2010. C’est un vrai investissement à long terme dans le développement humain.

Alassane Ouattara versus Henri Konan Bédié, deux des trois ténors de la vie politique depuis le décès d’Houphouët qui se retrouvent face à face… C’est le dernier round de la guerre des éléphants ?

Ils n’ont pas du tout le même profil. Le président Bédié n’a jamais connu la compétition alors qu’Alassane Ouattara s’est battu toute sa vie : d’abord pour être candidat, puis pour arracher la victoire à Laurent Gbagbo. Ensuite il a un bilan, il a géré ce pays et lui a fait connaitre une vraie transformation.

Le président Bédié, lui, est le représentant d’un ordre ancien. Et puis j’attends toujours son projet, j’attends son ambition pour la Côte d’Ivoire de demain. Comme je le dis souvent à mes compatriotes : la revanche n’est pas un projet de société.

Que faire avec Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, les deux principaux cas qui crispent l’atmosphère politique ivoirienne actuellement ?

Je souhaite que nous puissions tous nous inscrire dans un processus de réconciliation, dans le respect de la justice. Le président Ouattara a pris de nombreuses initiatives en ce sens, il a conclu une amnistie. Aujourd’hui, il multiplie les appels. Le vrai problème, c’est que les gens confondent la réconciliation des politiques avec la réconciliation des populations.

J’INVITE LES CANDIDATS À FAIRE CAMPAGNE EN RESPECTANT LES RÈGLES DU JEU

Quelles sont vos priorités en tant que nouveau chef du gouvernement ?

Ma priorité est d’organiser des élections apaisées et sécurisées. J’invite les candidats à faire campagne en respectant les règles du jeu. Il faut que chacun garantisse la sécurité et la liberté de mouvement de tous les candidats. Que chacun puisse promouvoir son projet et sensibiliser les Ivoiriens, que la commission électorale puisse communiquer les résultats avec la contribution de tous les observateurs qui souhaiteraient venir. La Côte d’Ivoire est un pays ouvert et démocratique, nous n’avons rien à cacher.

Vous multipliez les réunions et les rencontres avec les jeunes ou le patronat. Quel message entendez-vous leur transmettre ?

Je veux dire aux jeunes que ma nomination est une opportunité pour leur génération, que le gouvernement a des projets pour eux. Il ne faut pas qu’ils se laissent manipuler par les politiques, car je le dis et je le répète : quand les politiques se retrouvent pour passer leurs accords, ils n’associent pas les jeunes.

Je me suis moi-même forgé dans le mouvement étudiant et associatif, et je tiens à leur dire ma disponibilité pour les accompagner. J’ai la même histoire que tous ces jeunes et nous pouvons avoir le même destin.

Et aux chefs d’entreprise du secteur privé ?

C’est un partenariat renforcé que je souhaite établir. Je connais les réalités et les contraintes du secteur privé. Nous avons choisi un modèle de société basé sur l’économie de marché, donc le gouvernement doit mettre en place un cadre incitatif et attractif pour l’investissement, la sécurité, le développement du capital humain, l’éducation et la santé. Le secteur privé doit être le moteur de la croissance de notre économie.

 

Source: https://www.jeuneafrique.com/1048622/politique/presidentielle-en-cote-divoire-hamed-bakayoko-la-revanche-nest-pas-un-projet-de-societe/