Shâh Waliyyullâh écrit qu’un des sens du mot “foi” (“alîmân”) est “la quiétude et la proximité spirituelles. C’est dans ce sens que le Prophète (sur lui la paix) a employé le mot “foi” lorsqu’il a dit : “La pureté est la moitié de la foi” [rapporté par Muslim]” (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 p. 467). Ibn Taymiyya écrit en substance : “Il est erroné de penser que la foi n’est que croyance et connaissance, avec lesquelles il n’y aurait ni action ni état ni mouvement, ni intention, ni amour ni crainte révérencielle. Les actions du cœur que les soufis appellent “états”, “stations”, font partie de la foi : une partie de ces actions du cœur a été rendue obligatoire (fardh) par Dieu et Son Messager. Une autre partie de ces actions du cœur est recommandée (mustahabb) et n’est pas obligatoire. Chaque musulmane et chaque musulman doit acquérir au moins les actions de la première partie pour être du nombre des “Pieux, Gens de la Droite” (al-ab’râr, as’hâb ul-yamîn). Quant à ceux qui acquièrent à la fois la première et la deuxième partie, ils feront partie des “Rapprochés, Devanciers” (al-muqarrabûn as-sâbiqûn)” (Kitâb-ul-îmân, p. 168).
Ibn ul-Qayyim écrit qu’il est erroné de penser que la finalité de l’adoration de Dieu est seulement la mise à l’épreuve, ou seulement la rétribution dans l’au-delà, ou seulement l’éducation de l’âme ; la finalité de l’adoration de Dieu, écrit-il, est de répondre au besoin que l’homme a de se tourner vers Lui, de Le connaître et de L’aimer (Ighâthat ul-lahfân, tome 1 p. 49). C’est dire combien la foi demandée par l’islam n’est pas seulement connaître (‘ilm), approuver (tasdîq) et adhérer à (iltizâm) certaines vérités relatives à Dieu, à ses messagers, à l’au-delà etc. C’est aussi aimer Dieu (mahabba) et penser à Lui. C’est ce qu’on appelle, en langue française, développer une authentique spiritualité. L’homme a besoin, pour vivre sur terre, de manger, de boire, de se vêtir, de se soigner, d’avoir un toit, de fonder une famille, et, pour satisfaire ces besoins, de travailler.
L’islam demande à l’homme de travailler pour satisfaire ses besoins, mais de le faire sans manquer à ses autres devoirs – éthiques, sociaux, écologiques, etc. : de là vient le cadre qu’il offre à l’homme pour lui indiquer ses limites et orientations. La vie terrestre n’est, ainsi, pas en soi une mauvaise chose ; cependant elle peut illusionner l’homme en lui faisant croire que la réussite matérielle et sociale est l’objectif de son existence. L’épreuve réside dès lors dans le fait de parvenir à respecter le cadre normatif mais également dans le fait de résister à la tentation de faire des plaisirs terrestres et des valeurs matérielles l’objectif de son existence. Réussir l’épreuve c’est croire en l’existence de Dieu et respecter ce qu’Il agrée, mais aussi garder la profondeur de son amour pour Lui seul.
Au moment où l’on s’occupe de sa famille, où l’on vaque à ses affaires, où l’on plaisante avec ses amis, la réalité de sa vie, la présence de Dieu et le lien avec Lui ne disparaissent pas totalement mais passent à l’arrière-plan. C’est normal, et c’est ce dont Hanzala était venu se plaindre au Prophète : “Nous sommes en ta compagnie et tu nous parles du paradis et du feu, c’est comme si nous les voyions de nos yeux ; puis, lorsque nous côtoyons notre épouse, nos enfants et nos affaire, nous oublions beaucoup.” Le Prophète le tranquillisa par ces mots : “Si vous restiez constamment dans l’état dans lequel vous vous trouvez lorsque vous êtes en ma compagnie et lorsque vous êtes plongés dans le souvenir de Dieu (“wa fi-dhdhikr”), les anges vous serreraient la main quand vous vous trouvez sur vos lits et sur les chemins. Mais, ô Hanzala, un temps et un temps !” (Rapporté par Muslim, la traduction de “wa fi-dh-dhikr” a été rendue d’après l’interprétation d’at-Tîbî citée dans Mirqât ul-mafâtîh).