Le football français au sommet après 60 années de montagnes russes

Le football français a connu des hauts et surtout des bas, de la troisième place à la Coupe du monde 1958 au deuxième sacre mondial en 2018, en passant par la victoire de 1998. Rappels.

En remportant une deuxième Coupe du monde après celle de 1998, le football français est entré dans une nouvelle dimension. Si on y ajoute deux Championnats d’Europe (1984 et 2000), la France compte désormais quatre grands trophées à son actif. Un total certes inférieur à celui des quatre meilleurs pays de la planète, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil et l’Italie (dans le désordre). Mais un bilan qui place désormais les « Bleus » devant l’Angleterre, nation qui a inventé le foot, et l’Espagne, meilleure sélection de ce début de XXIe siècle.

Pourtant, le foot tricolore n’a pas connu que la gloire au cours des soixante dernières années. Il a même été en retrait, entre le premier match international face à la Belgique (3-3, le 1er mai 1904) et la Coupe du monde 1958, si l’on excepte une médaille d’argent aux JO de 1900.

Mondial 1958 : les précurseurs

Au Mondial suédois, la première vraie génération dorée du football français finit 3e, battue en demi-finale par le Brésil d’un certain Pelé. Les « Bleus » de Raymond Kopa et de Just Fontaine séduisent par leur jeu offensif. Les clubs du pays aussi brillent sur la scène internationale, à l’image du Stade de Reims deux fois vaincu en finale de la Coupe d’Europe par le Real Madrid. Une réussite quasiment sans lendemain.

Le grand vide des années 1960 et 1970

Les « Bleus » rentrent en effet très vite dans le rang et finissent 4e (sur 5) du tout premier Euro, organisé à domicile en 1960. Jusqu’à la fin des années 1970, l’équipe de France manque sept phases finales de Coupes du monde ou de championnats d’Europe sur les dix qui ont lieu durant cette période. Le football français fait peine à voir comparé à ses voisins italiens, anglais, allemands et espagnols. D’autres nations européennes (Pays-Bas, Pologne, Portugal, Union soviétique, etc.) brillent largement plus. Seules les performances de l’AS Saint-Etienne, en Coupe d’Europe de clubs, mettent du baume au cœur des fans de ballon rond.

Les années 1980 et le romantisme de la défaite

La fin des années 1970 voit l’éclosion de Michel Platini et d’une nouvelle génération dorée de joueurs. Si celle-ci remporte le premier trophée majeur du foot français, l’Euro 1984 à domicile, ce sont surtout ses échecs en demi-finales des Coupes du monde 1982 et 1986 qui marquent les esprits. De fait, la bande à « Platoche » se heurte au cruel réalisme allemand deux fois de suite, ratant son rendez-vous avec le destin. Les Français jouent superbement bien mais perdent avec un certain sens du romantisme. L’équipe de France devient un « loser magnifique ».

De 1986 à 1996, une nouvelle traversée du désert

Très vite, les « Bleus » redeviennent des perdants tout court. Pas présents à l’Euro 1988 et au Mondial 1990, ils sont éliminés dès le premier tour de l’Euro 1992 avec Michel Platini pour sélectionneur. Surtout, ils ratent la qualification pour la Coupe du monde 1994 en se ridiculisant face à Israël et à la Bulgarie, en éliminatoires. 1993 est en outre une année noire puisque le club-phare du pays, l’Olympique de Marseille, premier vainqueur français en Coupes d’Europe, sombre dans une affaire de corruption. C’est dans ce contexte qu’Aimé Jacquet, nommé sélectionneur, doit reconstruire. Il le fait en emmenant un groupe jeune, talentueux et prometteur en demi-finales de l’Euro 1996 anglais, après en avoir écarté David Ginola et Éric Cantona qui sont pourtant des stars outre-Manche mais dont les personnalités ne cadrent pas avec l’esprit Jacquet.

1998 et 2000, des moments d’éternité

En partie rassurée par sa prestation en Angleterre, l’équipe de France prépare patiemment une Coupe du monde 1998 qui lui a été attribuée en 1992. Les matches de préparation sont certes poussifs et ennuyeux mais les « Bleus » sont bel et bien au rendez-vous. Devant leur public, ils triomphent en finale face au Brésil de Ronaldo, 3-0, grâce à un étincelant Zinédine Zidane. Le grand public se pique alors enfin d’intérêt pour le ballon rond. Un élan conforté par le superbe sacre français durant l’Euro 2000, le premier hors de ses terres. Ces deux moments d’éternité donnent une nouvelle envergure au sport-roi, partout dans le pays.

2002 à 2006, « boulards » et coup de boule

Avant la Coupe du monde 2002, les joueurs sont extrêmement sûrs de leurs forces. Même leur équipementier a déjà prévu des maillots avec une deuxième étoile de champion du monde. Mais en Corée du Sud, rien ne se passe comme prévu et les « Bleus » quittent la compétition dès le premier tour, après des défaites face au Sénégal et au Danemark notamment. Supporters, médias, consultants les accusent d’avoir pris la grosse tête, de s’être embourgeoisés en changeant de statut. Un Euro 2004 sans relief semble en tout cas confirmer le déclin de la 3e génération dorée du football français. Ce sont toutefois Zidane et Lilian Thuram, revenus d’une courte retraite internationale, qui conduisent la sélection en finale du Mondial 2006, sous la direction du sélectionneur Raymond Domenech. Une finale perdue face à l’Italie et marquée par l’invraisemblable coup de boule de Zidane sur le défenseur Walter Materazzi.

2008 à 2012, une image largement écornée

Thuram et Zidane partis, Domenech a les coudées franches pour mener son projet à bien. Auréolé du parcours au Mondial 2006, le technicien accumule néanmoins les revers. L’élimination au premier tour de l’Euro 2008 est un premier et dernier avertissement. En 2010, en Afrique du Sud, les « Bleus » se ridiculisent en effet en mondovision en refusant de s’entraîner pour protester contre l’exclusion de l’attaquant Nicolas Anelka, coupable de s’en être pris verbalement à son coach, à la mi-temps d’un match. Sortis piteusement dès le premier tour, les « Tricolores » et leur attitude provoquent des débats véhéments en France. La classe politique s’en mêle et le président de la Fédération française de football finit par démissionner.

2012 et 2014, une lente reconquête

L’image des « Bleus » a été largement écornée. Un Euro 2012 correct, sous la houlette de Laurent Blanc, ne fait pas taire les critiques. Plusieurs joueurs sont suspendus pour des problèmes de comportement. C’est dans ce contexte toujours délétère que Didier Deschamps, capitaine en 1998 et 2000, est nommé sélectionneur. Grâce à son calme et à sa culture de la gagne, l’ex-milieu de terrain redonne confiance aux joueurs et au public. L’équipe de France réalise une Coupe du monde 2014 solide au Brésil, éliminée par le futur champion du monde allemand.

2016 et 2018, retour aux sommets

Rassuré, Didier Deschamps poursuit son travail dans la perspective de l’Euro 2016, organisé en France. A la tête d’une 4e génération dorée, le coach vole vers un nouveau moment de gloire. Mais une vaillante et coriace équipe du Portugal gâche la fête, en finale du tournoi. Malgré cette grosse déception et plusieurs polémiques, le groupe et son entraîneur sont confortés en vue de la Coupe du monde 2018. En Russie, malgré un début de compétition poussif, les « Bleus » montent en puissance, comme en 2006, battant deux anciens champions du monde (Argentine, Uruguay) avant d’écarter des Belges et des Croates dangereux. Revoilà la France au sommet. Pourra-t-elle y rester lors de l’Euro 2020 et de la Coupe du monde 2022 au Qatar ?

RFI