Le retour au pays des pèlerins suscite chez le concerné une joie immense à laquelle s’associe une émotion singulière. Quant aux proches des pèlerins, il se manifeste en eux un devoir de gratitude à l’égard d’Allah doublée d’une volonté affichée de rendre hommage à l’un des leurs ayant répondu avec brio à l’appel de son Seigneur. Manifester de la gratitude à l’égard d’Allah et solliciter davantage de faveurs pour tous Le musulman a le devoir de reconnaissance à l’égard de Son Seigneur pour ses bienfaits inconditionnés. Le faisant, il s’offre l’opportunité de recevoir davantage de grâces de la part d’Allah. Or, être appelé par le Créateur pour accomplir le pèlerinage et en revenir après avoir exécuté tous les rites est une énorme grâce. C’est en cela que les parents, guides et amis du pèlerin expriment leur gratitude au Créateur à travers des activités de réception où Allah est magnifié par des lectures du noble coran, des prêches, des invocations individuelles et collectives et autres actes d’adoration.
A ces occasions, des exhortations à accomplir le hadj dès qu’on en réunit les conditions ainsi que des bénédictions sont formulées afin que le Seigneur accepte le Hadj effectué et facilite également pour les autres qui sont sur la liste d’attente de l’accomplissement de ce pilier important de notre religion. Honorer le pèlerin pour ses efforts, bénéficier de ses bénédictions agréées et le responsabiliser Accueillir de façon remarquable un parent qui a effectué le hadj revient à louer sa bravoure et son courage étant donné la dureté des épreuves subies lors de l’accomplissement des rites obligatoires. C’est aussi rendre hommage à son nouveau et prestigieux statut qui témoigne d’une certaine position spirituelle importante mais aussi d’un engagement volontaire à se parfaire désormais dans la conduite de sa vie terrestre. A cet effet, il est hissé au rang de star, de modèle à imiter parmi les siens et autres visiteurs.
La parole lui est donnée en lead, ses témoignages sont écoutés avec attention, car ils sont à la fois une instruction et une exhortation à faire le possible pour être parmi les prochains candidats au hadj. Ses bénédictions sont sollicitées de toutes parts, en ce sens que pendant plus d’un mois les invocations des pèlerins sont exaucées et il est d’ailleurs recommandé de lui en demander pendant cette période. Au demeurant, certaines communautés décernent des parchemins à leurs nouveaux pèlerins à cette occasion pour les valoriser aux yeux des autres, tout en leur rappelant leurs devoirs d’exemplarité ainsi que la nécessité de préserver les acquis. Les anciens pèlerins sont également invités à donner des conseils aux nouveaux au cours de la cérémonie. Du coup, le nouveau pèlerin bénéficie de l’admiration de ceux qui n’ont pas eu la même grâce que lui pour accomplir ce 5ème pilier de la religion et rappelle à ses prédécesseurs des souvenirs mémorables du hadj et de ses péripéties.
Par ailleurs, le « hédji lado » appelle chez les non-musulmans un regard différent et plus respectueux dans la mesure où le concerné est publiquement présenté et distingué parmi les siens. En un mot, le pèlerin jouit d’honneurs spéciaux à l’occasion de cette activité. Bien que facultatif, l’accueil particulier réservé au nouveau pèlerin ne paraît pas inutile à première vue. Cependant, il faudrait éviter certains écueils dans sa réalisation. Les écueils éventuels liés au « Hédji lado » En tant qu’œuvres humaines, les activités entreprises en vue d’accueillir les nobles pèlerins ne sont pas exemptes d’imperfections susceptibles de les dévaloriser et de les rendre pernicieuses. Les écueils résultent essentiellement de débordements et des questions financières et matérielles qui peuvent importuner le pèlerin, les proches et autres personnes invitées. Les débordements incommodants De plus en plus, les accueils de pèlerins ne se font pas dans la sobriété, ils sont généralement marqués du sceau de l’exagération qui nait souvent du désir d’ostentation. Il en résulte des activités non essentielles qui parfois ne sont pas toujours compatibles avec la foi islamique et la quiétude des autres.
Il s’agit, entre autres, des danses bruyantes et gênantes, des convois en direction de contrées éloignées avec les risques inhérents qui indisposent souvent les personnes en activité et contraintes moralement d’y participer. Parfois, la lourdeur des programmes exécutés contribuent à augmenter la fatigue accumulée par le pèlerin et à affecter négativement son état de santé. Ce qui est encore plus grave est qu’aujourd’hui, les cérémonies de « hédji lado » sont systématiquement imposées aux pèlerins et leurs familles, au mépris de leurs capacités en tout genre à les organiser et de leur volonté de les réaliser. Quant aux autres amis et visiteurs, on leur demande souvent contre leur gré, de procéder à l’achat et à la confection de vêtements sous la forme d’uniforme en prélude à l’arrivée du pèlerin. Toutes ces situations conduisent à des gênes tant financièrement que matériellement.
Les situations d’indisposition d’ordre financier et matériel Toutes activités ou tous regroupements à caractère spirituel ou festif ne peut se réaliser de nos jours sans entrainer d’opérations financières et matérielles plus ou moins importantes. Il en va que les familles ou même les pèlerins sont tenues de faire face à des charges financières multiples et multiformes, afin de répondre à tous les besoins exprimés pour la satisfaction des convives. Au niveau matériel, les usages consacrent que le pèlerin ramène de son séjour mecquois, des présents à titre de souvenir, pour les distribuer à des parents, amis, visiteurs, invités et autres. Le pèlerin limité financièrement aura donc du mal à satisfaire beaucoup d’invités et sera de ce fait plus préoccupé par les « que dira-t-on ? », au détriment de la quiétude nécessaire à son statut et au moment concerné.
Pour éviter ces situations de malaise et sans se soucier de la commission d’une manœuvre frauduleuse qui peut être spirituellement condamnable, certains pèlerins se sentent obligés de faire acheter par avance leurs présents à Adjamé et les faire passer indélicatement pour des articles provenant de la terre sainte, le but étant de satisfaire plusieurs proches à moindre coût et au moment des salutations. En un mot comme en cent, les cérémonies de « hédji lado », même si elles demeurent facultatives, ont un intérêt spirituel et social réel et ce, à condition d’être tenues dans la sobriété et sans contraintes superflues. Malheureusement, au regard des pratiques actuelles, elles comportent de nombreuses situations qui les rendent nuisibles, tout en provoquant l’émergence de nombreuses voix contestataires au sein de la communauté musulmane. Alors, il y a lieu de les repenser et à défaut de les éviter en vue d’un meilleur épanouissement de tous. A.Hassan