André Silver Konan : « Dire « va chez toi » à un Ivoirien en Côte d’Ivoire, c’est bel et bien une injure »
« Quand on dit à quelqu’un va chez toi, ce n’est pas une injure ». Si vous êtes Ivoirien ou vivez en Côte d’Ivoire, vous avez déjà entendu cette phrase qui relève, en réalité de l’obscurantisme abject et n’appartient ni à notre culture d’hospitalité, ni à nos lois de cohabitation. Je m’explique.
Les intellectuels ou citoyens qui continuent de croire, de penser ou de dire qu’un autre Ivoirien doit se rendre chez lui, notamment pour faire de la politique ; sont soit des ignorants, soit de mauvaise foi. Dans le cas de Moïse Lida Kouassi, qui est un maitre-assistant à l’université, qui a été ministre de la République, député de Marcory (terre originelle des Atchan, signalons-le, en passant) et qui estime aujourd’hui qu’un Malinké répondant au nom de Kouyaté ne devrait pas faire de la politique à Lakota, parce qu’il ne serait pas Dida, comme lui ; il ne s’agit pas, me semble-t-il, d’ignorance. Bref.
Pour deux raisons, dire va chez toi, à un Ivoirien ou même à un étranger, c’est bel et bien une injure. D’abord parce que notre culture est faite d’hospitalité et de fraternité. La Côte d’Ivoire est un « pays d’hospitalité », une « patrie de la fraternité » et d’espérance « promise à l’humanité ». Je répète : c’est ancré dans notre hymne national, qui a une dimension spirituelle profonde, selon la vocation que nos « Pères fondateurs » ont voulu donner à ce pays.
Ensuite, c’est une injure parce que cela froisse les lois de notre République. C’est une atteinte à la dignité d’un Ivoirien, que de lui dire qu’il n’est pas digne de vivre et de faire de la politique, sur un pan du territoire ivoirien. C’est une incitation à la haine, à la violence et cela peut provoquer des troubles à l’ordre public.
Jusqu’à quand certains Ivoiriens, intellectuels ou non, politiciens ou non, comprendront que la Côte d’Ivoire n’appartient à aucun Ivoirien en exclusivité et que chaque Ivoirien peut choisir de vivre où il veut et quand il veut, de sorte qu’aucun Ivoirien ne peut estimer qu’un autre doit aller chez lui ? La Côte d’Ivoire appartient à tous les Ivoiriens. Chaque Ivoirien est libre de vivre où il veut et quand il veut.
Chaque Ivoirien est libre de faire la politique où il veut, de faire son commerce où il veut, de faire son transport où il veut, de travailler où il veut. Tout cela, en toute liberté, dans le respect des textes que nous nous sommes donnés.
Arrêtons les principes à géométrie variable. On ne peut pas condamner le Rattrapage et justifier l’exclusion. Un chef de terre, un chef de village, un maire, un député, un président de conseil régional, un Président de la République, peut gérer momentanément une contrée, celle-ci ne lui appartient, pour autant pas, en exclusivité. Et cette prérogative administrative ne saurait lui donner un quelconque droit de décider qui doit y vivre et qui doit y faire de la politique. Que les choses soient définitivement claires pour tous !
André Silver Konan