Car pour Julie Pascoët, chargée de plaidoyer pour le Réseau européen contre le racisme (ENAR) sur lequel s’appuie largement le rapport, « il est frappant de constater comment ces interdictions sur les vêtements religieux peuvent être présentées comme si elles s’appliquaient à tous les groupes religieux de la même façon, alors qu’elles ciblent en fait très clairement les femmes musulmanes ».
« L’argument de la “neutralité” n’est souvent utilisé que comme excuse pour discriminer les femmes musulmanes », qui « font les frais de l’islamophobie en Europe, à l’intersection du genre, de l’ethnicité et de la religion », précise-t-elle.
La France, « chef de file » en Europe en matière d’interdictions
Ainsi, sur les 28 Etats membres de l’UE, « il n’y en a que huit où les restrictions sur les vêtements religieux portés par les femmes musulmanes sont appliquées » et six d’entre eux ont adopté « une forme d’interdiction nationale », bien souvent après les attentats du 11-Septembre « dans un contexte d’une islamophobie croissante », signale le rapport. Les huit pays en question sont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la France et l’Italie.
Dans ce lot, la France a été « un chef de file » en Europe, ceci « en adoptant des interdictions et en façonnant une grande partie du discours à travers sa vaste jurisprudence et des débats publics animés ». « Dans des pays comme la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark, les interprétations françaises actuelles de la neutralité et de la laïcité d’État sont devenues populaires et ont été invoquées pour justifier des interdictions d’emploi public et privé ainsi que dans l’éducation, malgré des contextes institutionnels et des traditions historiques différents », est-il expliqué.
« En outre, des interdictions locales existent dans cinq pays, dont certains ont également des interdictions nationales » tandis que dans 13 des 28 pays de l’UE, « des interdictions ou des interdictions institutionnelles et privées ont été signalées dans la pratique », fait-on savoir.
Aucune interdiction signalée dans six pays
Pour Malin Bjork, députée européenne et initiatrice de l’évènement entourant la présentation du rapport au Parlement européen, « aucune entreprise, personne ou institution ne devrait avoir le droit de dire aux femmes comment s’habiller. Il s’agit de nos corps et de nos choix ». Estimant que les restrictions vestimentaires agissent comme « une porte grande ouverte à la discrimination à l’encontre des femmes musulmanes dans le monde du travail », elle souligne l’importance « de s’opposer à toute tentative visant à stigmatiser et à discriminer les femmes musulmanes ».
« Ce rapport est important et il arrive à point nommé », pour la parlementaire européenne Soraya Post, en soutien à l’initiative de l’Open Society. S’appuyant sur l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui confère le droit à la liberté religieuse ou de croyance pour tous, elle fait savoir que ces interdictions poussent les femmes musulmanes « à des choix injustes » dans la mesure où elles sont « obligées de choisir entre leur liberté religieuse ou leur droit fondamental à exercer un emploi » alors même qu’elles sont « déjà confrontées aux plus forts niveaux de discrimination et de difficultés ».