En Ethiopie, le 32e sommet de l’UA a été marqué par le passage de relais entre le président rwandais Paul Kagame et l’Egyptien Abdel Fattah al- Sissi. Ce poids lourd en quête d’influence sur le continent africain, soupçonné de vouloir freiner l’élan intégrationniste lancé par Kagame, s’est voulu rassurant sur ses intentions au sein de l’Union africaine. Ce sommet a également été l’occasion de désigner le prochain président de l’UA, en 2020. Il s’agira de l’Afrique du Sud.
Pour son premier discours, l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi a dévoilé les trois axes de sa présidence : développer les infrastructures, accélérer l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC), créer des emplois aussi pour la jeunesse du continent.
Et pour rassurer ceux qui le soupçonne d’être plus tourné vers le monde arabe que vers l’Afrique, Abdel Fattah al-Sissi a sorti le grand jeu. Il s’est présenté comme l’héritier de Gamal Abdel Nasser, l’homme qui, en 1963, dans cette même ville d’Addis-Abeba, avait plaidé pour un grand marché unique africain, et il a lui-même lancé « l’Egypte fera tous les efforts nécessaires pour la réforme structurelle et financière de l’UA », sous-entendu, l’Egypte soutiendra – par exemple – le projet de taxes sur les importations qui permettra à l’UA de s’autofinancer.
Néanmoins, en étant l’allié militaire du maréchal Haftar, l’homme fort de l’est de la Libye, Abdel Fatah al-Sissi pourra-t-il jouer le rôle de médiateur politique qui sied à tout président en exercice de l’Union africaine en cas de conflits ? Sur la Libye, il n’a pas dit un mot dans son discours. Etrange.
Pour autant, le raïs égyptien n’a pris aucun engagement chiffré à la différence de Paul Kagame, son prédécesseur à la tête de l’Union, il n’a pas fait le comptage des pays qui ont déjà ratifié le traité sur la zone continentale de libre échange ou de ceux qui ont versé leur contribution au fonds africain pour la paix. Une déléguée nous a soufflé « le maréchal al-Sissi s’est payé de mots mais pour l’instant, il n’a rien dit de concret. »
Ce sommet a également été l’occasion de désigner le prochain président de l’UA, en 2020. Il s’agira de l’Afrique du Sud (et donc de son président Cyril Ramaphosa, s’il est confirmé à son poste lors des élections générales qui doivent se tenir cette année).
La présence de deux présidents fraîchement élus
Enfin ce sommet a été marqué par la première participation de deux présidents fraîchement élus. Andry Rajoelina pour Madagascar et Félix Tshisekedi pour la RDC. Fini les critiques sur les résultats contestés des élections au Congo, les chefs d’Etats ont chacun chaleureusement félicité le président congolais comme si de rien n’était.
Félix Tsishekedi lui a profité de la tribune qui lui était offerte pour vanter cette première transition pacifique dans son pays et se présenter comme un rempart au chaos. Pas un mot là encore sur la contestation des résultats.
Seul Martin Fayulu, le grand perdant de ce scrutin, continue de demander un recomptage des voix. Dans une lettre adressée aux chefs d’Etats, il a demandé que l’UA crée un comité spécial pour la vérification de la vérité des urnes en RDC. Une lettre qui pour le moment n’a suscité aucune réaction dans les couloirs de l’UA.
Deux personnalités invitées
Au cours de ce 32e sommet de l’Union africaine, deux célébrités ont été invitées par le président en exercice, le sortant Paul Kagame. Il semble qu’à huis clos, d’ailleurs certains chefs d’Etat, dont l’austère Abdel Fatah al-Sissi, aient reproché au sortant ces invitations. D’autant plus que les deux hommes ont pris la parole à la tribune au même titre que les présidents.
Alors il y a eu d’abord, le milliardaire américain Bill Gates, le fondateur de Microsoft, qui a investi quelques 15 milliards de dollars sur le continent africain depuis l’année 2000 et qui se bat pour chaque pays africain consacre au moins 15% de son budget à la santé. « Les maladies qui tuent le plus d’enfants en Afrique, a-t-il lancé, ce sont la diarrhée, la pneumonie, la malaria, or il existe des solutions bon marché contre ces maladies. »
Et puis l’autre personnalité de la journée d’hier, l’invité le plus surprenant, toujours à l’initiative de Paul Kagame, cela était le président de la Fifa, la Fédération internationale de football association, c’est-à-dire, l’italien Gianni Infantino. Le patron du football mondial a fait un discours brillant à la fois en anglais et en français, sans presque lire ses notes, et il a conquis le cœur de ses auditeurs africains par ce beau souvenir de supporteurs italiens malheureux : « Je suis Italien et je me rappelle en 1982, la coupe du monde en Espagne, le monde entier se rappelle du Cameroun qui a tenu en échec l’Italie. Ou de l’Algérie qui a gagné contre l’Allemagne. Les deux finalistes de cette Coupe du monde. Et à partir de là, en 1982, cela fait presque 40 ans, on a commencé à dire oui, bientôt c’est le tour de l’Afrique, l’espoir, le futur, ça va être l’Afrique. On a eu, bien sûr, quelques bons résultats : en 86 le Maroc, en 90 à nouveau, le Cameroun en 2002, le Sénégal en 2010, mais on n’est jamais arrivés à franchir ce dernier pas important. Et mon ambition, mon objectif, en tant que président de la Fifa, c’est de faire en sorte que l’Afrique puisse passer d’éternelle promesse en vraie réalité. »
Et Gianni Infantino de promettre de se battre pour doubler le nombre d’équipe africaine, d’équipe nationale africaine à la Coupe du monde de football, où il n’y en a actuellement que cinq.
■ Antonio Guterres veut plus de représentation africaine à l’ONU
Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, s’est d’une part réjoui d’un vent d’espoir qui soufflerait sur le continent. Notamment après les élections en RDC et à Madagascar et les accords de paix au Soudan du Sud et en Centrafrique. Interrogé sur la question de la place de l’Afrique dans les institutions internationales, il estime que les pays du continent y sont sous représentés et s’est dit favorable à certaines réformes, même au sein de l’ONU.