Les Saoudiennes peuvent désormais voyager sans l’accord d’un tuteur masculin

En Arabie saoudite, les femmes pourront bientôt obtenir un passeport et voyager à l’étranger sans avoir besoin de l’accord d’un « gardien » de sexe masculin, a annoncé jeudi le gouvernement. La mesure s’inscrit dans un vaste programme de réformes.

L’Arabie saoudite a levé vendredi 2 août l’interdiction qui était faite aux femmes de voyager sans autorisation préalable de leur mari ou d’un parent masculin. Il s’agit d’une nouvelle mesure du vaste programme de réformes engagé par le prince héritier Mohammed ben Salmane il y a deux ans, après l’autorisation aux femmes d’avoir un permis de conduire.

Une série de décrets publiés vendredi au journal officiel stipulent qu’ »un passeport sera délivré à tout ressortissant saoudien qui en fera la demande » et que toute personne âgée d’au moins 21 ans peut voyager sans autorisation.

Cette mesure écorne le système saoudien de « gardien masculin », qui assimile les femmes à des mineures toute leur vie durant en les soumettant à l’autorité arbitraire de leur mari, père ou autres parents mâles.

« Un pas de géant pour les femmes saoudiennes »

Décriées par les défenseurs des droits humains, ces restrictions ont été déjouées ces derniers mois par plusieurs jeunes Saoudiennes qui, faussant compagnie à leurs « gardiens », ont fui à l’étranger de façon rocambolesque.

Un journal progouvernemental, Saudi Gazette, a salué cette mesure comme « un pas de géant pour les femmes saoudiennes ». « Les rêves de certaines femmes ont été brisés à cause de leur impossibilité de quitter le pays pour (…) étudier à l’étranger, pour répondre à une offre d’emploi ou même pour fuir si elles le désiraient », a commenté sur Twitter la femme d’affaires saoudienne Muna AbuSulayman. « Ce changement signifie que les femmes sont sur la voie de prendre totalement le contrôle de leur destinée légale », s’est-elle félicitée.

Parmi les amendements apportés à la loi, les Saoudiennes pourront également enregistrer une naissance, un mariage ou un divorce et de demander des documents familiaux officiels.

Nommé prince héritier en juin 2017, Mohammed ben Salmane, aujourd’hui âgé de 33 ans, a lancé un vaste programme de réformes visant à libérer les mœurs dans ce pays musulman ultra-conservateur, en parallèle de son plan de modernisation de l’économie censé rendre Riyad moins dépendant du pétrole.

Dure répression contre la dissidence

Ainsi le royaume wahhabite, qui était le dernier pays au monde à interdire aux femmes de conduire, leur a accordé ce droit par un décret officiel publié en septembre 2017 et effectif depuis juin 2018. Les femmes ont également été autorisées récemment à assister à des matches de football, et à accéder à des emplois autrefois strictement réservés aux hommes.

Cette ouverture sociétale s’est accompagnée d’une répression contre la dissidence, et notamment l’arrestation et la torture présumée de plus d’une dizaine de militantes de la cause des femmes.

La plus célèbre de ces militantes, Loujain al-Hathloul, a eu 30 ans en prison cette semaine. Elle et plusieurs autres activistes, poursuivies pour des contacts avec des médias étrangers, des diplomates et des organisations de défense des droits humains, affirment avoir été torturées et harcelées sexuellement pendant leur détention.

Les réformes annoncées vendredi interviennent dix mois après l’assassinat du journaliste et opposant Jamal Khashoggi, qui a provoqué l’émoi de la communauté internationale et une inquiétude grandissante sur les pratiques de l’Arabie saoudite à l’égard des libertés fondamentales.

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