Avec son détachement habituel, Amadou Coulibaly, le ministre de la Communication et des Médias et de la Francophonie a lâché, à la fin du compte-rendu du Conseil des ministres du mercredi 21 juillet dernier, l’information du jour: Le Président Alassane Ouattara rencontrera Laurent Gbagbo le 27 juillet, au palais présidentiel au Plateau.
Voici un peu plus de dix ans que les deux hommes ne se sont plus parlé. Pour leurs derniers échanges en public, il faut remonter au vendredi 26 novembre 2010, à l’occasion du face-à-face télévisé de la campagne présidentielle .
L’histoire de ce rendez-vous racontée par Nord Sud.
Felix Tshisekedi pour le premier contact Ouattara-Gbagbo
Le contact a lieu en République Démocratique du Congo. En marge de la rencontre entre Félix Tshisekedi et Laurent Gbagbo le 4 juillet 2021. Il est facilité par le président congolais, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine. Gbagbo et ses proches sont intéressés et même demandeurs d’établir un contact avec Abidjan. Tshisekedi lui, qui par ailleurs voue respect et considération à Ouattara, tient à lui faire la courtoisie diplomatique de l’informer quand il reçoit Laurent Gbagbo. C’est lui qui sollicite le Président Ouattara qui accepte le contact avec Laurent Gbagbo. L’échange téléphonique, de bonnes sources, est bref mais suffisamment significatif pour renouer les fils du dialogue entre les deux hommes.
Gbagbo : construire d’une main, détruire de l’autre
Après son retour de voyage en République Démocratique du Congo le 7 juillet, Gbagbo est à Daoukro, à l’invitation d’Henri Konan Bédié le samedi 10 juillet. Alors qu’un communiqué publié par le PDCI le 2 juillet qualifie cette visite de « retrouvailles fraternelles », Laurent Gbagbo lui tranche : « Est-ce que Laurent Gbagbo peut rencontrer Henri Konan Bédié sans que ça soit de la politique ? Assumons de faire de la politique ».
Puis il martèle, pour titiller la légitimité de Ouattara : «On peut décider que nous n’avons aucune Constitution et vivre comme ça. Mais si nous avons une Constitution, il faut se battre pour être du côté de la Constitution. Respectez les textes ! ».
A Abidjan, le pouvoir fait grise mine
Depuis son retour, les propos de Laurent Gbagbo heurtent. Il continue à contester le verdict des urnes de 2010, de celles de 2020, à s’absoudre des violences postélectorales et à narguer les victimes. C’en est trop. Le camp présidentiel sonne la charge. Et c’est le Directeur exécutif du RHDP, Adama Bictogo qui est commis à la tâche. Sa conférence de presse musclée du 12 juillet est une mise en garde, un avertissement à peine voilé adressé à Laurent Gbagbo et à son camp. Dans le camp présidentiel, les durs sortent du bois et demandent que Gbagbo soit sommé de choisir entre son statut d’ancien chef d’État qui lui impose une certaine obligation de réserve et sa posture d’opposant vindicatif. Chez les GOR (NDLR : Les Gbagbo Ou Rien), l’état d’esprit du camp présidentiel est reçu cinq sur cinq. Ils choisissent de jouer à fond la décrispation. Parce qu’il y a des enjeux. Les négociations ouvertes avant le retour de Gbagbo, avec la primature notamment, ne sont pas encore achevées. Nady Bamba prend les choses en main. Pour rectifier le tir. Curieusement, Laurent Gbagbo n’a plus prononcé un mot sur la place publique…depuis Daoukro, il y a près de deux semaines.
Dominique Ouattara sollicitée par Nady Bamba
Félix Tshisekedi a ouvert la voie vers Ouattara. Mais le président ivoirien, à ce stade, ne s’était pas encore décidé à formaliser une rencontre avec Laurent Gbagbo. Nady Bamba prend ainsi le relais pour prolonger l’initiative de Kinshasa. Elle entreprend la Première dame, Dominique Ouattara. Il s’établit entre elles un contact de «petite soeur à grande soeur ». Une confiance relative s’installe. Dominique Ouattara se laisse convaincre, monte au créneau et persuade le Président de la République du principe d’une rencontre avec Laurent Gbagbo. Le principe est arrêté. Mais pas encore une date.
Un deuxième coup de fil de Gbagbo le jour de la tabaski
Sur le principe d’une rencontre avec Laurent Gbagbo, le Président de la République informe son entourage. Mais il n’a, jusque là, toujours pas fixé de date.
Nady Bamba reste au contact de la Première dame. Le résultat de ce contact permanent, c’est un deuxième appel téléphonique de Laurent Gbagbo au Président de la République. Ce deuxième coup de fil intervient l’après-midi du 20 juillet, le jour de l’Aïd-El-Kébir, jour de sacrifice, de la fête de tabaski pour la communauté musulmane. Un jour de prière, de pardon et de piété. C’est ce coup de fil qui va décider le Président. Alassane Ouattara choisit ce jour-là pour trancher : Il recevra Laurent Gbagbo. Et ce sera le 27 juillet, juste une semaine plus tard. Le Président de la République instruit que l‘annonce en soit faite par Amadou Coulibaly, le ministre de la Communication, des Médias et de la Francophonie et porte-parole du gouvernement. Et ce, à l’issue du Conseil des ministres.
Imane A. Fatima
Source: https://www.nordsud.info/ado-gbagbo-lhistoire-secrete-de-la-rencontre-du-27-juillet/