Londres : une mosquée autorise ses fidèles à payer la Zakat en monnaie virtuelle cryptographique

Le bitcoin, instrument de paiement pour ceux qui l’acceptent, d’abord décrédibilisé et ensuite apprécié, ne cesse de se propager par-delà les frontières et d’inonder de nouveaux marchés.

Aujourd’hui, la star des crypto-monnaies a fait de la communauté musulmane l’un de ses cœurs de cible, notamment de l’autre côté de la Manche. Véritable première pour la mosquée Masjid Ramadan située à Hackney, à l’est de Londres, il est désormais permis aux fidèles de verser l’aumône obligatoire, la Zakat, en bitcoin ou ethereum, ces fameuses devises virtuelles, intangibles par excellence, qui n’existent pas physiquement et ne dépendent d’aucune institution.

Tout comme leurs coreligionnaires disséminés aux quatre coins du monde, les musulmans britanniques ont à cœur de s’acquitter de la Zakat, le troisième pilier de l’islam, pendant le mois sacré du Ramadan. Désireux que leur aumône profite aux plus nécessiteux, ils en font souvent don à leur mosquée ou à leur centre communautaire local.

Faisant figure de mosquée avant-gardiste en matière de crypto-monnaie, la mosquée Masjid Ramadan espère récolter suffisamment de bitcoins ou d’ethereum pour entamer de nécessaires travaux de restauration. « Nous espérons attirer l’attention du monde musulman sur nos besoins cruciaux », a déclaré Erik Guney, le président du conseil d’administration du lieu de culte, reconnu comme un organisme de bienfaisance.

« J’ai grandi ici, j’ai vu la communauté s’étoffer et les défis auxquels elle fait face se multiplier », a-t-il ajouté, en expliquant ce qui l’a poussé à entreprendre une démarche monétaire aussi novatrice : « J’ai voulu faire appel à un public plus large avec de l’argent neuf ». « Nous avons créé une plate-forme pour les musulmans les plus riches en dehors de notre communauté, afin de soutenir financièrement notre mosquée », a-t-il tenu à souligner.

Dans cette perspective, la mosquée Masjid Ramadan a scellé un partenariat avec la société Combo Innovation, une start-up de la technologie blockchain qui assure proposer des «solutions financières blockchain conformes à l’islam », sur la façon de recevoir, stocker et vendre de la crypto-monnaie en toute sécurité. Son fondateur, Gurmit Singh, a fait part de son analyse : « Si les musulmans, qui représentent un quart de la population mondiale, ne détiennent que 1% de Bitcoins, cela représente £ 1.04 billion, alors 26 millions de dollars en cotisations Zakat sont dus. Actuellement, pratiquement aucune mosquée ou organisation caritative islamique n’accepte la zakat en crypto-monnaie. Ils risquent de perdre des millions de livres ».

Alimentant les débats partout où elle déferle, la crypto-monnaie la plus répandue au monde n’en finit pas de diviser la galaxie arabo-musulmane. Considérée comme Halal et utilisable, selon la définition stricte de l’argent en islam et en vertu de la Charia, par l’érudit indonésien Muhammad Abu-Aaka, auteur d’une étude étayée, elle est en revanche vivement contestée par de nombreux hauts dignitaires musulmans, parmi lesquels figure le grand Mufti d’Egypte. Vent debout contre les bitcoins, il a récemment déclaré leur commerce « illégal et inacceptable » sur ses terres.

Ironie du sort, la mosquée londonienne Masjid Ramadan, qui a créé l’événement en recourant à la devise si controversée, est la seule et unique mosquée de Grande-Bretagne à être propriété de la Turquie, là où les bitcoins et autres ethereum ne sont pas en odeur de sainteté…

En effet, l’année dernière, la réponse de Dinayet, la présidence des Affaires religieuses turques, avait été sans ambiguïté à ce sujet : « L’achat et la vente de monnaies virtuelles ne sont pas compatibles avec la religion, car leur évaluation est ouverte aux spéculations. De surcroît, elles peuvent être utilisées dans le blanchiment d’argent et elles échappent totalement à l’audit et à la surveillance de l’Etat ».

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