Des chefs, des nutritionnistes et des scientifiques redécouvrent les vertus d’aliments 100 % naturels issus du continent. Des produits plus digestes et aux nombreux bienfaits sur la santé.
Pour Fatoumata Diarra, spécialiste des pâtisseries afro vegan, l’aventure a commencé presque par accident. « Il y a quelques années, pendant mon congé maternité, j’ai voulu faire un gâteau… mais je n’avais pas de farine de blé. J’ai alors pensé à une farine de manioc que m’avait donnée ma mère, d’origine sénégalaise. Et le test que j’ai fait dans ma cuisine a été si concluant que j’ai voulu expérimenter toujours plus de farines africaines pour préparer de nouvelles pâtisseries. »
Un CAP pâtisserie et une formation « pâtisserie healthy » à l’école parisienne Ferrandi plus tard, Fatoumata Diarra a enrichi son savoir et son savoir-faire sur ces ingrédients afro aux vertus presque magiques. Elle les défend en cuisine, pour différents restaurants, mais aussi dans des ateliers et des « tea times afro » à Paris.
Sans gluten et sucres lents
« Je travaille le fonio, dont l’indice glycémique est particulièrement faible, pour donner du croquant dans les pâtisseries, mais aussi la farine de banane plantain, de manioc, ou de patate douce. Ce sont des produits sans gluten, et beaucoup plus digestes : riche en amidon, il ne contiennent pas de sucres rapides mais des sucres lents, plus facilement assimilables par l’organisme. »
La plupart de ces produits lui étaient déjà familiers… Mais ils n’étaient pas valorisés et jamais utilisés pour réaliser des pâtisseries occidentales. Le jus de bouye, ou « vin de singe », par exemple, bien connu au Sénégal, et réalisé à partir du pain de singe, le fruit du baobab, est une boisson déjà populaire. Acidulée, on peut lui ajouter un peu de sucre vanillé ou de fleur d’oranger…
Protéines et vitamines
Mais au-delà du goût, les consommateurs méconnaissent généralement ses bienfaits sur la santé : le pain de singe est source de fibres et d’antioxydants (35 fois plus que dans du raisin, par exemple), naturellement très riche en calcium, en vitamines C (6 fois plus qu’une orange) et en potassium.
« Les Africains ont parfois du mal à considérer l’intérêt d’aliments naturels qui viennent de chez eux, regrette Fousseyni Djikine, patron de deux restaurants BMK à Paris. Ils en mangent sans mesurer l’intérêt formidable de ce patrimoine culinaire. Mon père, par exemple, qui est de la région de Kayes, au Mali, a toujours mangé le fruit du baobab… mais parce qu’il n’avait pas le choix. C’est d’autant plus regrettable qu’ils sont issus de plantes ou d’arbres qui n’ont pas besoin d’un arrosage intensif. Un baobab peut pousser dans un environnement aride… »
Le jeune patron a créé des épiceries dans ses deux établissements. Parmi d’autres produits naturels, on trouve du moringa, parfois utilisé dans des préparations de couscous ou dans des infusions. Les propriétés de cet arbuste, originaire d’Inde mais implanté depuis longtemps dans les régions tropicales d’Afrique, laissent rêveur. Surnommé « arbre de vie » ou « arbre au miracle », ce superaliment contient surtout, à poids égal, autant de protéines qu’un steak de bœuf, quatre fois plus de vitamines A que dans la carotte, autant de magnésium que dans le chocolat noir, et une richesse en fer 25 fois plus important que les épinards !
Contre le diabète et les ulcères
On peut être rebuté par son prix… 7 euros les 100 grammes de poudre sur les linéaires de l’épicerie BMK. La marque Esteval, PME familiale créée en 2008, travaille avec des groupements de producteurs de différentes régions du Sénégal (Thiès, Tambacounda, Casamance). « Mais une cuillère à café suffit », précise Fousseyni Djikine, qui explique que cette petit quantité procure déjà l’apport en vitamines C de 3 kilos d’orange.
Le moringa était déjà utilisé depuis des siècles en médecine traditionnelle. Mais une flopée d’études scientifiques récentes, publiées notamment sur le site du National Center for Biotechnology Information, sont venues préciser ses vertus. Ses propriétés antioxydantes pourraient ainsi prévenir les complications après la ménopause (étude de Shalini Kushwaha, Paramjit Chawla et Anita Kochhar, 2012). Il permettrait de combattre le diabète, l’hypertension, les ulcères, ou encore de protéger les tissus du foi, des reins et du cœur (Stohs SJ et al. 2017).
Boutiques en ligne
Si les nutritionnistes et les scientifiques semblent unanimement vanter les mérites des superaliments africains, il reste encore à les rendre populaires face à l’alimentation industrielle qui bénéfice d’un gros matraquage publicitaire, sur le continent comme ailleurs. « Nous devrions organiser un contre-matraquage publicitaire », imagine Fousseyni Djikine, qui rêve tout haut d’un Frédéric Kanouté, ou d’une autre personnalité de cette envergure, vantant les mérites de ses produits.