Le Mozambique a de nouveau été la cible d’une attaque islamiste le 20 septembre dernier, quand 12 habitants d’un village du nord du pays ont été tués et 14 autres blessés lors d’une attaque attribuée à un groupe jihadiste surnommé les shebabs. Depuis son émergence, il s’agit de l’attaque la plus meurtrière attribué à cette secte islamiste établie dans le nord du pays et qui prône un islam radical.
En Mozambique, le mouvement des shebabs, « les jeunes » en arabe, est né il y a environ quatre ans, dans la province du Cabo Delgado, tout au nord du pays, à la frontière avec la Tanzanie. Ce mouvement, qui revendique une application stricte du Coran, est estimé à plusieurs centaines de sympathisants, entre 500 et 1 000, au départ des jeunes qui se sont radicalisés au contact d’un imam étranger installé dans la région.
Le mouvement s’est peu à peu militarisé et a lancé sa première attaque il y a un an, le 5 octobre 2017, contre un commissariat de police et une caserne de l’armée dans la ville de Mocimboa da Praia. Depuis, il a lancé une vingtaine d’attaques de plus en plus violentes, dont la dernière ce jeudi 20 septembre.
« Il y a eu un changement de stratégie, explique le chercheur Eric Morier-Genoud, de l’université de Belfast, en Irlande du nord. Lors de la première attaque, les assaillants avaient clairement indiqué qu’ils ne s’en prendraient pas a la population, qu’ils en voulaient à la police et à l’Etat. On a évolué vers une situation ou ils attaquent des civils, des villages, où ils décapitent des gens, brûlent des villages… »
« C’est une aggravation de la situation, poursuit-il. Mais il semblerait que les attaques soient relativement ciblées. Ils tuent certaines personnes, des officiels du parti, qui informent la police de leur propre position. Les dernières attaques sont significatives car ils semblent avoir utilisé beaucoup plus d’armes que dans le passé, des AK47, alors qu’avant, il s’agissait principalement de machettes. Selon certains témoins, il y aurait aussi des bazookas et ils auraient été habillés avec un équipement militaire. »
Réseau international ?
Le groupe est composé principalement de Mozambicains mais comprendrait également des Tanzaniens et des Somaliens. Selon la police mozambicaine, certains auraient reçu une formation militaire en Tanzanie ainsi qu’en République démocratique du Congo (RDC).
D’après Eric Morier-Genoud, ce groupe a certainement des liens avec des militants islamistes du sud de la Tanzanie, en raison de sa proximité géographique, mais reste à l’origine un groupe national.
Pour le think tank International Crisis Group (ICG), il pourrait y avoir des liens entre ce mouvement mozambicain et le groupe islamiste somalien du même nom. Dans un rapport publié la semaine dernière, ICG affirme que les shebabs somaliens cherchent justement à créer un réseau avec les militants du sud de la Tanzanie, ainsi que le nord du Mozambique, seule région du pays à majorité musulmane.
La pauvreté, racine du problème
Dès les premières attaques de l’année dernière, le gouvernement mozambicain a répliqué de façon assez brutale. Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées, plusieurs mosquées jugées trop radicales ont été fermées et certains villages détruits.
Plutôt que de chercher à s’attaquer à la source du problème, à savoir le sous-développement de la région, le chômage des jeunes et la pauvreté, le gouvernement à tout de suite envoyé l’armée.
Pour le journaliste mozambicain Fernando Lima, cela ne peut pas être une solution à long terme et la répression a même exacerbé la violence. « C’est très difficile pour le gouvernement de contrôler toute la situation, explique-t-il. Cette province du Cabo Delgado est une des plus larges du pays. Et donc, c’est quasiment impossible de poster des forces de sécurité dans toute la province et chaque village. Mais je pense que les dernières attaques sont clairement une réponse à l’armée qui prétend que tout est sous contrôle. Un message pour dire que les attaques vont continuer. »
Le nord du Mozambique représente une région stratégique, certes sous-développée mais avec un potentiel important. Elle abrite des champs de pétrole et de gaz au large de ses côtes, qui sont exploités par le groupe américain Anadarko et l’Italien Eni. La société britannique Gemfield y exploite par ailleurs des mines de rubis. Mais selon les habitants de la région, ces richesses ne bénéficient pas aux populations locales.
RFI