Nelson Mandela s’est toujours considéré comme un country boy, un « garçon de la campagne », attaché à ses racines au point qu’il s’était fait construire une maison là où il avait vu le jour, dans le Transkei, à un millier de kilomètres au sud de Johannesburg. « Un homme, dit-il, doit mourir là où il né. » L’endroit s’appelle Qunu, mais le lieu précis de sa naissance est le village de Mvezo, à quelques kilomètres de là. Mandela est venu au monde le 18 juillet 1918. Il reçut le prénom de Rolihlahla, mais, à l’âge de 7 ans, dans la mission britannique où il allait à l’école, on le « baptisa » Nelson. D’autres l’appelaient Dalibunga ; lui, préférait son nom de clan, Madiba.
Hendry, son père, était analphabète, païen et polygame : il avait quatre épouses. La mère de Rolihlahla, Nosekemi Fanny, était la troisième. Hendry était un chef héréditaire, petit-fils de Ngubengcuka, le grand roi du peuple tembu, mort en 1832. Ce sentiment d’appartenir à une famille royale contribua certainement à forger l’extraordinaire solidité mentale de Madiba. Mais il s’y mêlait déjà la conscience d’une injustice indélébile. Depuis Ngubengcuka, les chefs tembous avaient été dépouillés de leur autorité, par les Britanniques d’abord, puis, après la création de l’Union sud-africaine en 1910, par les Afrikaners.
En 1927, le père de Mandela mourut et sa mère le conduisit à Mqhekezweni, chez le régent Jongintaba. C’est le régent qui financerait ses études. C’est là que Madiba s’imprégna de la notion d’ubuntu, ou de fraternité humaine. Elle sera plus tard inscrite dans la Constitution sud-africaine et constituera le principe clé de la Commission Vérité et Réconciliation. C’est là aussi qu’il se familiarisa avec l’histoire des Xhosas, dont les Tembus étaient l’une des tribus. « Je savais, lorsque je suis parti pour l’université, racontera Mandela, que notre société avait eu ses héros noirs et j’en étais fier. »
Missions chrétiennes
Après la traditionnelle circoncision à l’âge de 16 ans, en 1934, à Oalibunga, il poursuivit ses études dans les écoles des missions chrétiennes : Clarkeburg, Healdtown, Fort Hare.
Il était en ce temps-là peu politisé, contrairement à son condisciple Oliver Tambo, futur président du Congrès national africain (ANC).
Il travaillait plutôt ses spécialités sportives, le cross country et la boxe, participait aux soirées de danse et aux spectacles. Il étudiait l’anglais, le droit, l’économie politique et suivait des cours d’interprétariat. Il fut renvoyé de Fort Hare pour avoir obstinément soutenu ses condisciples, révoltés contre la mauvaise nourriture qu’on leur servait, et s’enfuit à Johannesburg pour échapper au mariage que lui avait organisé le régent.
Là-bas, il trouva un emploi dans les Crow Mines, comme veilleur de nuit. Il gardera toujours la fierté d’avoir travaillé dans une mine. Il se lia alors avec un des personnages clés de sa vie, qui fut l’un de ses maîtres à penser et qui sera encore l’un des invités à son mariage avec Graça Machel, en 1998 : Walter Sisulu, le fils d’un magistrat blanc et d’une Xhosa abandonnée avec ses deux enfants. L’un des talents de Mandela sera d’avoir su garder ses amis de jeunesse.
Sisulu le présenta à l’un de ses amis juifs, Lazar Sidelsky, qui l’engagea comme stagiaire dans son cabinet d’avocats, lui prêta 50 livres – une somme importante – et lui fit cadeau d’un costume, qu’il portera pendant cinq ans. « Sidelsky, écrira Mandela, est le premier Blanc qui m’ait traité comme un être humain.
Au début de 1943, il s’inscrivit à l’université de Witwatersrand. Il y étudia six ans et y connut bien des humiliations. Il se retrouvait souvent chez Sisulu et sa femme Albertina Thetiwe. C’est chez eux qu’il rencontra celle qui devait être sa première épouse, Evelyn Mase. Ils se marièrent en 1944 et eurent, l’année suivante, un fils, Thembi.
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