Octobre rose: Dr Vera Peters, l’héroïne de la lutte contre le cancer du sein

Le Dr Vera Peters était en avance. Elle a épargné à ses patientes une chirurgie traumatique pour traiter le cancer du sein, mais elle a été vivement critiquée pour cela.

Au cours du mois de la sensibilisation contre le cancer du sein, nous repensons à la façon dont elle a prouvé que le monde médical avait tort en faisant passer le chirurgien avant le patient et à son impact sur la façon dont nous traitons les patientes atteintes de cancer aujourd’hui.

Elle a changé la vie de milliers de femmes atteintes d’un cancer du sein, mais elle a été vivement critiquée pour cela.

La docteure canadienne Vera Peters a placé les gens au cœur de la médecine à une époque où les médecins faisaient peu de cas des peurs et des angoisses d’un patient.

« Certains médecins se considèrent comme des dieux « , comme elle l’a décrit en 1979, mais elle était convaincue que « le patient a plus de droits que le médecin ».

Lorsqu’elle a suggéré d’opter pour une chirurgie moins invasive pour les femmes atteintes d’un cancer du sein dans les années 1950, elle était une voix solitaire, dans un domaine dominé par les hommes.
Même si vous n’avez peut-être pas entendu parler de son nom, son travail a eu un impact majeur sur la façon dont les patients atteints de cancer sont traités dans le monde de nos jours.

Pendant le mois de la sensibilisation contre le cancer du sein, nous jetons un coup d’œil à l’histoire de cette héroïne méconnue qui a toujours mis le patient au premier plan.

« La chirurgie parfaite »

Mais nous devons d’abord remonter dans le temps et examiner la réalité des traitements contre le cancer avant l’arrivée du Dr Peters.

Pendant la majeure partie du XXe siècle, le traitement standard du cancer du sein, même pour celles qui en étaient aux premiers stades, a été la forme la plus douloureuse d’ablation du sein – une intervention appelée mastectomie radicale.

Il s’agissait de retirer non seulement la tumeur elle-même, mais aussi la peau, les mamelons, les tissus des aisselles et même les muscles de la poitrine.

Bien que cette opération guérissait la maladie, elle laissait les femmes défigurées, avec un gonflement sous les bras et d’autres problèmes physiques.

Évaluer l’impact psychologique

L’intervention avait également des répercussions psychologiques sur l’image corporelle, la sexualité et la féminité des patientes.

La mastectomie radicale avait été conçue par le chirurgien américain William Halsted dans le dernier quart du 19ème siècle, et 100 ans plus tard, elle était encore considérée par beaucoup de médecins comme « la chirurgie parfaite ».

« C’était du petit lait pour des chirurgiens. C’était malin. C’était facile. Il avait très peu de complications, car les personnes opérées étaient des femmes d’âge moyen ou des femmes plus jeunes « , a déclaré à la BBC Jennifer Ingram, la fille du Dr Peters et médecin en Ontario, .

« Mais les médecins n’ont pas vraiment vu l’impact sur les femmes, leurs maris, leurs relations, leur ego. Une fois que c’était fait et qu’elles étaient guéries, elles retournaient chez elles et les médecins ne s’inquiétaient plus pour ça. »

« Elles partaient sans sein »

A l’époque, les patients, et en particulier les femmes, n’étaient pas consultés et n’étaient pas encouragés à avoir leur mot à dire sur leur propre santé.

En fait, dit le Dr Ingram, ceux qui manifestaient de l’anxiété ou de la détresse étaient qualifiés de « fous ».

« Si vous aviez une grosseur dans le sein et que vous alliez voir votre médecin, qui vous envoyait voir un chirurgien, qui vous disait que cela pouvait être un cancer, alors on vous disait simplement ce qui allait vous arriver. C’est tout « , dit-elle.

« Les femmes y allaient sans savoir qu’elles avaient un cancer, signaient un consentement pour une biopsie et en sortaient sans sein. »

Selon le Dr Ingram, « tous les comportements problématiques de la médecine » étaient liés dans cette chaîne d’événements.

« Généralement un chirurgien masculin, parlant toujours à une cliente dans des sociétés dominées par les hommes, qui considérait les femmes comme légères, anxieuses, ayant besoin qu’on leur dise ce qu’elles doivent faire. »

Mais Vera Peters n’a pas perdu de vue ces effets dévastateurs.

Sa première rencontre avec le cancer du sein avait eu lieu à la maison.

Antécédents familiaux de cancer du sein

Peters avait perdu sa mère à cause du cancer du sein en 1933 après une longue maladie, ce qui a eu un impact profond sur elle.

La famille vivait sur une ferme près de Toronto, la jeune et brillante Peters a terminé ses études secondaires à l’âge de 16 ans.

Elle a suivi des cours de mathématiques et de physique avant de passer à la médecine à l’Université de Toronto  » parce que je m’intéressais aux gens « , dit-elle dans une entrevue accordée en 1979 à l’Ontario Medical Association (OMA).

Peters était l’une des dix seules femmes à obtenir son diplôme de médecin en 1935 sur une classe de 100.

Bientôt, elle travaillera aux côtés du radiologiste qui avait traité sa mère par radiothérapie, le Dr Gordon E. Richards, au Toronto General Hospital.

Les deux tiers des patients, référés à l’Institut de radiothérapie de l’hôpital, avaient subi une mastectomie radicale, et Peters a remarqué combien de patientes étaient désemparées après le traitement.

« J’ai trouvé tant de patients perturbés, découragés. Très tôt, j’ai découvert que l’attitude du patient avait tellement à voir avec sa survie « , a-t-elle dit à l’OMA.

« Les survivants qui mourraient le plus vite étaient faciles à prédire : il s’agissait des patients qui étaient très en colère au sujet de beaucoup de choses, particulièrement au sujet de leur opération.

Ils étaient en colère, désespérés, solitaires. »

Guérir « l’incurable »

‘Les gens venaient de partout’

En 1958, elle déménage à l’hôpital Princess Margaret.

Le Dr Peters, un oncologue bien connu, recevait de toute la province de l’Ontario des personnes, qui, pour des raisons médicales, n’ont pas pu subir de mastectomie radicale et ont donc été « considérés comme condamnées à mort », explique le Dr Ingram.

Elle leur a enlevé la bosse dans les seins et les a traités par radiologie du mieux qu’elle a pu.

« Et peu à peu, on a appris que cette femme qui connaissait la radio-oncologie soignait ces femmes atteintes d’un cancer du sein et qu’elle accepterait d’autres patientes « , déclare sa fille.

« Les gens ont commencé à lui demander son avis, même si elle n’était pas nécessairement impliquée. Et peu à peu, elle a commencé à traiter de plus en plus de femmes avec des mastectomies non radicalaires si elles répondaient à certains critères. »

Les avis étaient déjà partagés sur les avantages de la mastectomie radicale, et certains médecins européens préconisaient des interventions moins agressives, comme la tumorectomie, une chirurgie qui n’enlève que la tumeur et certains tissus qui l’entourent.

Mais pas au Canada.

Mme Peters a commencé à écrire sur le sujet à partir de ses propres résultats dès 1967.

Puis, en 1975, elle a publié une vaste étude analysant 8 000 patients traités à l’hôpital Princess Margaret entre 1939 et 1969.

Elle a montré que les taux de survie des patients ayant subi une chirurgie radicale n’étaient pas plus élevés que ceux des patients ayant reçu des traitements moins agressifs.

Malgré les résultats, elle a été accueillie avec scepticisme.

‘Ils n’arrivaient pas à le croire’

La Dr Ingram dit qu’elle a assisté à une conférence que sa mère a donnée en 1975 au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, à Winnipeg.

« La pièce était remplie d’hommes en costumes, tous en cravate. Tous des chirurgiens. Et à l’avant, il y a une petite femme bien habillée, pas un chirurgien. Dans le public, tout le monde était sous le choc. Ils n’avaient jamais pensé que ce n’était pas la chirurgie la plus parfaite « , a dit le Dr Ingram.

« Ils n’arrivaient pas à y croire. Le fait que l’on vantait l’acceptabilité d’une intervention chirurgicale de moindre importance avait toutes sortes d’implications politiques, financières et autres. Les chirurgiens ne pouvaient pas le supporter », a-t-elle ajouté.