Les résultats officiels de l’élection au Cameroun du 7 octobre dernier ont été proclamés, lundi 22 octobre, à Yaoundé dans un contexte sécuritaire tendu. Le président sortant, le vétéran Paul Biya, est réélu avec 71.28% des voix.
Département par département, le Conseil constitutionnel a débuté à 11H00 (10H00 GMT) la longue proclamation des résultats officiels et définitifs du scrutin. Sans surprise, c’est le président sortant Paul Biya, 85 ans dont 35 au pouvoir, qui a remporté le scrutin avec 71.28% des voix.
Dans l’Adamaoua, le Centre et l’Est – les trois premières régions citées sur les dix du pays – il obtient respectivement 79,77%, 71,10% et 90,43% des suffrages exprimés.
Depuis 1982, Paul Biya règne en maître absolu au Cameroun, où il a tout verrouillé pour assurer son maintien à la tête du pays, s’appuyant sur l’administration et sur un parti-Etat, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) qu’il a créé en 1985.
Interpellations
Cette annonce des résultats intervient deux semaines après le vote: au Cameroun, le Conseil constitutionnel étudie les recours post-électoraux avant de proclamer les résultats officiels quinze jours après le scrutin. Ils ne peuvent plus alors être contestés.
Lundi matin, un fort déploiement sécuritaire était visible à Yaoundé aux abords de la Poste centrale où certains avaient appelé sur les réseaux sociaux à manifester contre l’annonce des résultats, a constaté l’AFP.
Des camions anti-émeute, des militaires et des dizaines de policiers étaient stationnés dans le quartier. Un SMS pour dissuader de manifester à cet endroit a aussi été reçu par des usagers des réseaux camerounais à Yaoundé.
Dimanche, une manifestation à Douala, souhaitée par un député de l’opposition pour « dénoncer les fraudes massives et honteuses » qui ont marqué le scrutin selon lui, a été pareillement interdite et empêchée.
Une trentaine de personnes ont été arrêtées sur les lieux. « Les personnes qui ont voulu braver (l’interdiction de la marche) ont été interpellées et répondront de leurs actes devant la justice », a indiqué à l’AFP une source administrative.
Deux journalistes ont été brièvement interpellé et le député à l’initiative de la marche, Jean-Michel Nintcheu, du Social Democratic Front (SDF), principal parti d’opposition, a été retenu chez lui par un déploiement policier, selon son parti.
« Coups de feu à Buea »
Lundi matin, quand commençait la proclamation des résultats de la présidentielle à Yaoundé, des coups de feu ont été entendus à Buea, la capitale de la région du Sud-Ouest, frappée depuis un an par un conflit meurtrier entre des séparatistes anglophones et l’armée, ont rapporté des témoins à l’AFP.
« On a entendu beaucoup de coups de feu ce matin« , a déclaré un habitant de Buea. Les tirs provenaient des quartiers Mile16 et Great Soppo, qui ont déjà été le théâtre d’affrontements entre les séparatistes et l’armée dans le passé, selon un autre témoin.
Les coups ont ensuite cessé, selon les témoins. Une source sécuritaire a démenti à l’AFP que des combats avaient eu lieu dans la ville lundi.
Dans les deux régions anglophones (Sud-Ouest et Nord-Ouest), l’armée a été déployée en nombre pour combattre des groupes épars de séparatistes qui réclament l’indépendance des régions à majorité anglophone de ce pays majoritairement francophone.
Pour l’élection présidentielle, Yaoundé avait prévu pour Buea un fort « renforcement sécuritaire » et un « plan de défense » de la ville pour contrer les attaques et permettre aux habitants de voter, selon un haut gradé de l’armée camerounaise à l’époque.
Moins de 15% des inscrits ont voté dans le Sud-Ouest, selon les chiffres de la Commission nationale de décompte des votes, et 5% dans le Nord-Ouest.
Les affrontements entre l’armée et des séparatistes sont devenus quotidiens dans ces deux régions, et ont déjà forcé plus de 300.000 personnes à fuir leur domicile.
Vendredi, un lycée a été attaqué par des hommes armés présumés séparatistes, qui ont enlevé, selon des témoins, six élèves. Les autorités ont confirmé l’attaque mais démenti l’enlèvement d’élèves.
Fraudes ?
Avant d’entamer la proclamation des résultats, le Conseil constitutionnel avait étudié depuis mardi 18 recours post-électoraux, qu’il a tous rejetés.
Les trois principaux candidats de l’opposition -Maurice Kamto, Joshua Osih et Cabral Libii- avaient introduits des recours en annulation partielle ou totale du scrutin, dénonçant des « fraudes massives et systématiques« .
Maurice Kamto, qui a revendiqué sa victoire au lendemain du scrutin, avait déposé un autre recours demandant la récusation de six membres du Conseil constitutionnel, les accusant d’être membres ou proches du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir).