Racisme et discriminations : les musulmans, l’une des minorités les moins acceptées en France

Les Français sont plus tolérants avec les musulmans qu’avant, indique l’indice de tolérance à l’altérité mesuré par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Présidée par Christine Lazerges, professeure de droit et ancienne députée socialiste, la Commission souligne cependant une méfiance grandissante à l’endroit de l’islam.

Remis mercredi 21 mars au premier ministre, ce rapport annuel mesure la perméabilité de la société aux opinions racistes, antisémites et xénophobes, grâce à une batterie de questions posées par sondage. Il en ressort notamment que l’évolution récente de l’opinion à l’égard des musulmans va dans le sens d’un moindre rejet.

Comme pour l’indice (général) de tolérance à l’altérité, qui affiche une quatrième année de hausse, cette plus grande tolérance à l’égard des musulmans en particulier trouve deux explications :

  • le renouvellement des générations, chaque nouvelle cohorte interrogée ayant grandi dans un environnement plus éduqué et mondialisé que la précédente ;
  • la façon dont un événement est « cadré » par les responsables politiques et les médias. Ainsi, l’indice avait chuté entre 2004 et 2005, alors que les émeutes en banlieue avaient donné lieu à une couverture parfois jugée caricaturale.

Les musulmans « restent cependant l’une des minorités les moins acceptées, le rejet s’étendant souvent de l’islam à l’ensemble de ses fidèles », souligne la CNCDH, qui évoque même le terme de « cristallisation ».

Racisme et discrimination : les musulmans plus tolérés qu’avant, mais loin derrière les autres minorités

Les premiers sondages sur le racisme pour la CNCDH, dans les années 1990, comportent surtout des questions sur les immigrés, les Maghrébins… Le fait qu’une large partie d’entre eux soient musulmans n’apparaît alors comme un élément central ni de leur identité, ni de l’image qu’ils ont dans la société française.
Un rejet qui se reflète dans certains mouvements d’expression, comme la tribune signée par 100 intellectuels sur le site du Figaro lundi, qui alertait sur un prétendu « totalitarisme islamiste ».

Hausse des actes les plus violents

Certes, 81 % des personnes interrogées jugent que « les Français musulmans sont des Français comme les autres » et 82 % des sondés estiment qu’« il faut permettre aux musulmans de France d’exercer leur religion dans de bonnes conditions ». Et, dans les faits, la tendance des actes islamophobes est à la baisse depuis trois ans, retrouvant un niveau proche des années précédant la vague d’attentats de 2015.

Mais on observe en 2017 une légère hausse (+ 7,5 %) des « actions » (homicides, attentats et tentatives, incendies, dégradations, violences) comptabilisées par le service central du renseignement territorial (SCRT). Les actions concernent homicides, attentats et tentatives, incendies, dégradations, violences et voies de fait. Les menaces regroupent propos, gestes menaçants et démonstrations injurieuses, inscriptions, tracts et courriers.

Les actions islamophobes et antisémites en hausse en 2017

Les données du SCRT sont ventilées en trois catégories : antisémites, antimusulmans et « autres », catégorie dans laquelle sont répertoriés les actes contre les maghrébins et, de façon très minoritaire, ceux contre les chrétiens. Seuls les faits ayant donné lieu à un dépôt de plainte ou à une intervention de police, suivie d’un constat des forces de l’ordre, sont intégrés dans les statistiques.
Plusieurs associations, souligne la Commission, font par ailleurs état d’une intensification des messages de haine sur Internet, et dénoncent l’émergence d’une « islamophobie sécuritaire » ainsi que les dérives de la politique de sécurité.

Pour la laïcité… ou contre l’immigration

« L’essor de l’islamisme radical, la multiplication des attentats commis en son nom, les débats autour des signes religieux dans l’espace public ont progressivement mis l’islam au cœur du débat politique, en contribuant à créer, au sein de la société, un malaise général », reconnaît la Commission.

Ce malaise se traduit, dans le baromètre de la CNCDH, par la prédominance d’opinions comme : « L’islam est une menace pour l’identité de la France » (44 % des sondés). Dans le détail, 61 % estiment que le port du voile (non intégral) peut « poser problème pour vivre en société » (61 %), et à moindre titre que le sacrifice du mouton lors de l’Aïd El-Kébir (33 %) et les prières (30 %) ne sont pas compatibles avec la société française.

« Prises une à une, ces opinions ne sont pas racistes, c’est la cohérence des réponses négatives, le rejet systématique de cette religion et de ses pratiques, qui permet de détecter chez une personne un préjugé envers l’islam et ses fidèles », explique la Commission.

Finalement, ce ne sont pas tant un attachement à la laïcité ou aux droits des femmes qui sont avancés pour justifier un sentiment anti-islam, mais plus souvent une méfiance envers les immigrés : « Certes, il existe des sondés que les pratiques de l’islam rebutent sans être hostiles aux immigrés pour autant, mais ils sont minoritaires (15 % de l’échantillon total) et deux fois moins nombreux que ceux qui rejettent à la fois les immigrés et l’islam », détaille la CNCDH.

Un autre paradoxe puisque, dans les faits, des sources convergentes montrent la surreprésentativité des personnes issues de l’immigration parmi les victimes d’actes racistes. « Les personnes étrangères ressortissantes d’un pays d’Afrique n’ayant pas acquis la nationalité française sont les plus concernées : elles représentent à elles seules plus d’une victime sur six (17 %) alors qu’elles sont moins de 3 % dans l’ensemble de la population. »

LE MONDE